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En République Démocratique du Congo, les victimes directes et indirectes refusent désormais de se taire face aux massacres commis sur le territoire et répertoriés dans le rapport Mapping des Nations-Unies. Onze ans après la publication de ce rapport, des actions se multiplient sur le territoire congolais depuis l’implication du Prix Nobel de la Paix, le Docteur Denis Mukwege. Bref, le silence est rompu.

Visiblement, ce n’est plus la lutte du seul Docteur Mukwege. La Société Civile congolaise a commencé à bouger les lignes et les officiels comprennent que les victimes des graves crimes commis en RDC doivent non seulement connaître la vérité mais aussi exiger réparation.

En effet, le rapport de mapping de l’ONU a été élaboré par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et décrit les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises en République démocratique du Congo (RDC) entre mars 1993 et juin 2003. Il s’agit d’un document dense et détaillé, basé sur des recherches extensives et rigoureuses effectuées par une équipe d’une vingtaine de professionnels congolais et internationaux en matière de droits humains sur une période de 12 mois. Le rapport examine 617 des incidents les plus graves survenus dans tout le Congo sur une période de 10 ans et fournit des détails sur des cas graves de massacres, de violence sexuelle et d’attaques contre des enfants, ainsi que d’autres exactions commises par une série d’acteurs armés, notamment des armées étrangères, des groupes rebelles et des forces du gouvernement congolais.

De Bukavu en passant par les territoires du Sud-Kivu, du Nord-Kivu, à la Tshopo, en Ituri ou encore à Kinshasa et ailleurs, les 11 années du rapport Mapping ont été vécues sous les incessantes demandes pour la création d’un Tribunal Pénal International pour la RDC afin de juger les auteurs des crimes graves.

A Bukavu par exemple, les députés qui ont mis en place une dynamique parlementaire pour commémorer ces crimes afin de ne pas tomber dans l’oubli ont mobilisé des centaines de personnes. Gouvernement provincial, Assemblée Provinciale, acteurs de la société civile et activistes prodémocratie n’avaient qu’un seul message : il faut rendre justice afin de ne plus vivre l’histoire macabre du passé.

Lire aussi: RD Congo: Questions et réponses sur le rapport mapping de l’ONU

Au-delà de l’action faite par les députés en présence des victimes venues témoigner à visages couverts, l’Eglise Catholique a tenu à marquer cette journée, ce mois par l’annonce de plusieurs actions en vue de ne pas oublier l’histoire récente caractérisée par des massacres à grande échelle en République Démocratique du Congo.

L’Archevêque de Bukavu, François-Xavier Maroy Rusengo a clairement appelé les Eglises, les Ecoles à apprendre la récente histoire car, dit-il, « ignorer son histoire c’est déclarer sa propre mort ».

Dans le Chef-lieu de la Province du Sud-Kivu, des organisations des jeunes refusent elles aussi de rester dans le silence. Nombreuses ont déjà entamé des actions pour soutenir ce combat en faveur de la justice et la paix en RDC.

A Kinshasa, Capitale de la RDC, le Groupe de travail sur la justice transitionnelle dénonce le silence du gouvernement congolais mais également des Nations-Unies sur le Rapport Mapping, 11 ans après sa publication.

Des années après, regrette Thérèse Kulungu Coordonnatrice de ce Groupe de travail, ce rapport bien fouillé et documenté continue à moisir dans des tiroirs à New York alors que le Congo n’a pas arrêté cette spirale des violences.

Très actif pour réclamer justice en faveur des victimes de ces graves crimes dont il soigne certaines conséquences, le Docteur Denis Mukwege a rappelé dans un tweet que la justice ne se négocie pas.

« 11 Ans du Rapport Mapping : Nous réclamons une équipe d’enquête de l’ONU chargée d’exhumer les fosses communes et de préserver les preuves des atrocités de masse. La Justice ne se négocie pas. Justice Transitionnelle », a-t-il écrit sur son compte twitter.

En attendant, les demandes sont pressantes et les victimes congolaises attendent un ferme engagement du gouvernement congolais et du Chef de l’Etat pour porter haut leurs voix. Des voix qui ne veulent pas se venger mais qui ne cessent de rappeler que sans vérité ni justice, il n’y aura pas de paix ni de réconciliation. 

Certes que les gouvernants au niveau central tardent toujours à prendre le relai et d’accompagner sérieusement la lutte par des actes concrets, mais cette commémoration du 11ème anniversaire du rapport Mapping a été la plus forte de l’histoire du pays. Ce 1er octobre 2021 marquera peut-être le début d’un profond bouleversement pour un engagement encore fort et une prise de conscience collectifs. 

Museza Cikuru
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