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Justin Bitakwira multiplie des rencontres avec des couches de la population alors qu’il se considère déjà comme député national à la suite des élections générales tenues le 20 décembre dernier en RDC. Candidat député national dans la circonscription électorale d’Uvira, Bitakwira ne rate pas de remercier les habitants pour l’avoir élu avant que la CENI ne proclame les résultats provisoires. Comme dans ses habitudes, Bitakwira multiplie la provocation contre d’autres communautés de cette partie du sud du Sud-Kivu. L’autre sujet qui lui tient à cœur depuis des années, c’est la scission du Sud-Kivu en deux et pour cette fois, il promet d’y parvenir au cours des cinq prochaines années.

« Je vais bientôt réintégrer le parlement. Si je ne suis pas désigné membre du bureau de l’Assemblée Nationale, je serai Vice-Premier Ministre, Ministre d’Etat ou encore ministre. Mon combat pour ces 5 années sera de réclamer une province autonome.  Et si cela n’est pas obtenu pour ce mandat, nous allons définitivement l’oublier » avertit-il, à ses interlocuteurs qui prennent visiblement soin de l’enregistrer.

Ce débat autour de la scission de la Province du Sud-Kivu n’est pas nouveau. Bitakwira est l’un des principaux défenseurs de la dynamique. Il s’est, à maintes reprises, attaqué aux dirigeants de la Province du Sud-Kivu qu’il accuse de venir d’une seule communauté tribale et « incapable », selon lui, de développer le Sud-Kivu.

« Les colonisateurs »

Ce discours divisionniste et extrémiste lui permet d’avoir des soutiens affichés dans cette région du sud gangrénée par des conflits communautaires sérieux. Ces deux derniers mois, la situation dans plusieurs régions est inquiétante. A Bwegera spécialement, des affrontements entre des membres des communautés locales ne cessent d’y être déclarés et suscitent l’inquiétude des acteurs sociaux.

Et pour Bitakwira, les autres qui ne sont pas issus de sa région sont des « colonisateurs ».

« Je n’en serai même pas le Gouverneur, je proposerai un autre.  C’est moi qui ai amené cette ville d’Uvira ici. Ici chez nous, nous avons un problème de reconnaissance. Nous avons installé le maire de la ville ici mais il n’est jamais venu m’accueillir comme il le fait pour Katintima (Mushi) et le ministre d’Etat Gisaro (Munyamulenge). Ce maire de la ville-là ne m’a jamais accueilli toutes les fois que je viens dans ma propre ville que j’ai amenée ici. Mais quand il s’agit de nos ‘colonisateurs’, il est mobilisé. Est-ce que nous sommes sous colonie ? Nous sommes sous colonie », insiste-t-il.

Lire aussi: Sud-Kivu : Justin Bitakwira ou le visage de la division, de la haine ethnique et tribale ?

Le plus grand argument pour ceux qui réclament que le Sud-Kivu soit scindé en deux, est le sous-développement qui ronge la province. S’ajoute l’accusation d’un partage inéquitable des ressources et des responsabilités. Et Bitakwira sait qu’il peut s’y fonder. Dans plusieurs de ses sorties, il compare Bukavu à une « toilette » alors que Goma est un « salon ». En plus de cela, l’homme a désormais un autre argument.

« Bukavu ne nous donne rien, même pas un seul kilomètre de route. Aujourd’hui, aucune province de notre pays ne compte en elle seule plus de 5 territoires. C’est le Sud-Kivu seul qui en compte encore 8 et un Chef-lieu. Nous devons diviser cette province en deux morceaux. Bukavu, Kabare, Walungu, Kalehe et Idjwi vont constituer une province qui est le Kivu Central et Uvira, Mwenga, Shabunda et Fizi, une autre », soutient-il.

Bien avant lui, une dynamique pour exiger la mise en place de la province d’ « Elila » avait vu le jour au Sud-Kivu. Une province qui devrait avoir les mêmes régions que celles évoquées par Bitakwira et qui s’appellerait le « Sud-Kivu ».

Mais pour Bitakwira, ça ne devrait pas être « Elila ».

« Vous entendez partout les gens crier « Elila » mais nous nous ne voulons pas de « Elila ». Uvira a été le Chef-lieu du district du Sud-Kivu, Goma pour le Nord-Kivu, le Kindu pour le Maniema et Bukavu pour le Kivu central ».

Dossier expliqué aux dirigeants

Justin Bitakwira a été notamment ministre du Développement Rural et ancien député national sous Joseph Kabila. Dans cet audio, il dit avoir parlé du dossier à l’ancien président Joseph Kabila et l’actuel Félix-Antoine Tshisekedi.

« Dans le temps j’ai eu à expliquer cela au président Kabila qui avait demandé à son tour qu’on se conforme à la volonté de la constitution. J’ai eu à l’expliquer à Félix Tshisekedi. Lui, c’est un grand ami à moi…d’ailleurs, il n’y a que le sommeil qui me sépare de lui. Quelqu’un est venu vous dire ici que je vous trompais et que parce qu’il rencontrait le Président en tant que Ministre d’Etat. Attention, la fonction et l’amitié sont deux choses différentes. L’amitié est plus forte que la richesse, l’amitié va au-delà de la fonction. J’étais Ministre de Kabila durant trois ans mais il m’a reçu quand il n’était plus Président de la République et je lui ai demandé s’il voulait me parrainer pour que je remplace Tshisekedi parce que quand il était Président, il ne m’avait jamais reçu. C’est pour vous dire qu’on peut être un ministre et ne pas être ami au Président. Mais avec Félix Tshisekedi, nous sommes des amis ».

Combattre les « Banyarwanda »

Sous plusieurs prétextes, l’armée rwandaise a commis d’énormes dégâts humains depuis plus de 25 ans en République Démocratique du Congo après les agressions contre le pays ou par l’entremise de différentes rébellions soutenues et accompagnées par le pays de Paul Kagame. Nombreuses de ces exactions sont contenues dans le Rapport Mapping de l’ONU. Depuis des années, des acteurs sociaux de la RDC se battent pour que justice soit rendue et que les bourreaux soient poursuivis et jugés en RDC, au Rwanda, Ouganda, Burundi et dans les autres pays du monde.

La région d’Uvira avait été particulièrement touchée par ces atrocités.

Un argument utilisé par Justin Bitakwira pour généraliser et s’attaquer nommément à la communauté tutsi Banyamulenge, notamment. Usant des discours populistes trop souvent, Bitakwira se présente en rempart contre la présence « encombrante » des « Banyarwanda » ; terme utilisé notamment contre la communauté Banyamulenge.

« Je viens de faire 5 ans au chômage, mais je m’étais fixé un seul objectif qui est celui de combattre les rwandais qui tuent nos frères chaque jour. Il est inconcevable que des gens que nous avons accueillis, des gens que nous avons vu venir, des gens que nous connaissons d’où ils sont venus, des gens qui parlent une autre langue, viennent écrire des livres avec des contre-vérités. Aujourd’hui ils disent que c’est eux qui nous ont vus venir. Ils sont au cœur de toutes les guerres que nous vivons. De la première guerre jusqu’à la cinquième guerre, ce sont eux. Donc, même la sixième guerre ça sera eux. Et vous voulez que nous continuions à les regarder comme ça ? Ne pouvons-nous pas les mettre hors d’état de nuire ? Malheureusement même la communauté internationale les écoute plus que nous. Quand les blancs voient les tutsi, ils sont contents et écoutent tout, mais quand il s’agit de nous, ils disent que nous sommes des extrémistes. Et c’est le pêché de Bitakwira pour eux. Quand je dis qu’ils ont tué à Lemera, à Kasika et ailleurs, ils exigent des poursuites contre moi. Aujourd’hui nous avons un chef de la chefferie des Bafuliru qui ressemble à tout sauf aux bafuliru. Et c’est la chefferie la plus enviée aujourd’hui par les tutsi parce qu’ils savent qui va les diriger. Si je suis ministre de l’Intérieur aujourd’hui, mon premier acte consistera à mettre hors-jeu des chefs comme ça », annonce-t-il, pince sans rire sous les acclamations de son assistance.

Lire aussi: Uvira : appel à mettre Bitakwira « hors d’état de nuire » après un nouveau scandale d’incitation à la haine ethnique

Tantôt se présentant comme l’ami et conseiller du Président Tshisekedi, Bitakwira est sérieusement dans une démarche qui pourrait recréer d’énormes tensions dans la région d’Uvira et environs alors que le Président fraîchement réélu a déjà averti qu’il ne tolérerait pas que des personnes utilisent des propos de haine pour leurs intérêts politiques et cracher sur les efforts pour cimenter l’unité nationale.

Félix-Antoine Tshisekedi et les institutions auront-ils le courage de prendre leurs responsabilités avant que la situation ne dégénère ? C’est ce qu’attendent des nombreux acteurs œuvrant dans le domaine de la paix dans la région du Sud-Kivu.

Jean-Luc M.
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