Accès Humanitaire

    Depuis près d’une semaine, un audio d’enregistrement d’un appel circule dans des réseaux sociaux. Dans cet enregistrement, on peut entendre le ministre provincial des Infrastructures Emmanuel Ndigaya dit La Fantaisie, discuter avec un Conservateur des titres immobiliers d’Uvira, monsieur Bernardin Djumapili.

    Même si la conversation semble être superficielle, on entend quand même le ministre demander à son interlocuteur s’il a fait ce qu’il lui avait demandé. Mais le Conservateur Bernardin, qui s’excuse auprès du ministre, lui explique : «Moi j’ai vu qu’on devrait d’abord lui donner la mise en demeure, puisque c’est un notable de chez nous. Il n’a pas encore largement dépassé le délai.»

    Mais dans cette conversation, le ministre Ndigaya dit à ce conservateur que la concession devrait automatiquement être désaffectée, puisque le délai est quand même dépassé. Celui-ci semble également menacer le Conservateur, lui promettant que quelqu’un d’autre pourra le remplacer à ce poste, et acceptera lui de faire ce qu’il demande.

    Aux yeux de nombreux, cette conversation du ministre a été vue comme une intimidation et un abus de pouvoir, envers cet agent qui refuse d’exécuter ses ordres. Mais selon l’un de ses proches, il s’agit d’un acharnement pur et simple contre le ministre.

    Au cours d’un entretien avec Laprunellerdc.info, ce vendredi 20 mars 2020, Aristide Barhigenga Cirimwami, cadre de l’AFDC et proche du Ministre Emmanuel Ndigaya, celui-ci donne sa version de fait, qui donne un peu plus d’explications sur ce dossier.

    Selon lui, le même conservateur est venu annoncer au ministre, qu’il y avait une concession à Uvira, appartenant à un certain Kambaza, qu’il avait acquis auprès de l’Etat congolais, depuis 1994, et pour lequel on avait renouvelé le contrat 2 fois, alors que la loi n’accepte pas qu’on renouvelle pour la troisième fois.

    Alors, explique ce communicateur de l’AFDC, c’est le conservateur Bernardin qui va montrer au ministre que cette concession revenait de droit à l’Etat congolais, et pouvait être désaffecté, pour être réattribué à quelqu’un d’autre.

    «Tellement que le ministre avait la vision d’ériger un marché public, à l’avantage de la population d’Uvira, il a voulu utiliser cette concession. Il a ainsi invité monsieur le conservateur à remplir les formalités d’usage qu’exige la loi en la matière, pour que le domaine soit reversé dans le patrimoine public de l’Etat, pour que le ministre dresse sa demande de terre, et acquérir cette concession, pour la même vision.» explique Aristide Cirimwami.

    Celui-ci va un peu plus loin, affirmant que c’est une concession qui avait été acquise par un citoyen congolais, mais malheureusement il était décédé. Ses héritiers ont alors voulu changer la mission de la concession, et de l’affecter à autre chose, en changeant même le nom, alors que l’Etat congolais a attribué cette concession pour l’érection des marchés publics.

    Tout en affirmant que le ministère provincial des Travaux publics, Patrimoine et Affaires foncières détient des documents nécessaires qui peuvent confirmer sa thèse, Aristide Cirimwami rappelle que le marché que la population d’Uvira exploite aujourd’hui, est logé le long de la RN5. Il y a une partie à gauche et l’autre à droite, et là, se passent tous les jours des accidents.

    Il y avait donc nécessité, poursuit-t-il, de délocaliser ce marché, et l’amener à un autre endroit.

    Sur notre question de savoir pourquoi le ministre a voulu tant insister sur une question pourtant d’intérêt général, Aristide Cirimwami explique que le ministre Ndigaya voulait faciliter la construction de ce marché dans cette partie du Sud-Kivu, en termes de remerciement à la population locale qui l’a élu aux dernières élections.

    Il déplore que cette conversation ait pris une autre tournure, quittant l’aspect technique vers celui politique. Le Conservateur a même fait prévaloir les origines de la personne qui est concernée par cette désaffectation, insistant toutes les fois auprès du ministre: «C’est un notable de chez nous.»

    «Curieusement, ils vont quitter la sphère technique, pour aller dans une version politique. Et là on a compris qu’il n’y a une main noire, qui est en train d’animer le Conservateur contre le ministre. Et voilà il va enregistrer son chef hiérarchique, jusqu’à publier l’audio, que vous êtes en train de suivre. Cela est pourtant en contravention avec l’article 13 du code de conduite des agents de l’Etat, qui stipule qu’un fonctionnaire de l’Etat est interdit de porter atteinte au secret professionnel tel que prévu par l’article 73 du code pénal civil livre 2.» déplore-t-il.

    Au sein du ministère des Infrastructures, certains agents disent également ne pas comprendre l’attitude de leur collègue, qui est allé jusqu’à enregistrer son chef. Ces derniers estiment que peu importe l’ampleur du dossier, le Conservateur devrait voir avec le ministre, et rester professionnel. Dans le camp du ministre Ndigaya on est formel: «le ministre est respectueux des lois de la République, et rien ne lui pousserait à les violer.»

    Entre-temps, tout le monde espère que l’affaire sera tiré au clair, et que les responsabilités seront établies.

    Museza Cikuru

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