Intervenons-nous

« La culture du loyenge, le bruit permanent », c’est le titre d’une nouvelle tribune signée : Ewing Ahmed Salumu. Journaliste congolais aujourd’hui à l’étranger, celui-ci revient sur une société congolaise dans le bruit et emportée par le « loyenge » sur plusieurs plans. Il évoque sérieusement le plan politique et réligieux. A la fin, Ewing Ahmed Salumu, propose de repenser notre société, loin du « Loyenge ». (Tribune)

« Dans une de ses tribunes, l`influenceur Benjamin Babunga qui est aussi initiateur et gestionnaire du groupe « et si nous parlions histoire sur Facebook », trouve que la culture du loyenge est permanente dans l’arène politique congolaise tout comme dans la religion. Sa page sur facebook, c`est plus de 100.000 followers.

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Le bruit décrié par Benjamin Babunga est-il réel ? Tout congolais peut se poser question et se demander si la culture du « loyenge » fait partie intégrante de notre manière de vie.

Ce papier est une réflexion sur le « loyenge » ou le « bruit ». Nous pouvons sans conteste affirmer que la culture du « loyenge » est à 100% dans la politique et dans la religion en RD Congo. Il suffit de regarder autour vous pour vous rendre compte que nous avons tous une connaissance qui a embrassé la politique ou s`est convertie dans une religion. Il suffit de les regarder et tirer les conclusions pour confirmer ou infirmer cette affirmation.

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Dans sa sonnette d`alarme sur le « loyenge », Benjamin dit que « des générations naissent et grandissent dans les bruits de la politique et de la religion mal comprises »,  que nous refusons d’étudier. Il fustige le manque d’introspection qui, selon lui, sauverait les générations à venir tout comme cette colonisation de la politique et de la religion par la culture«  qui conduisent à l`avilissement.

Pour illustrer ses déclarations, nous pouvons nous appuyer sur la récente polémique entre Ferre Gola dit le golois et Fally Ipupa, le chef des warriors pendant les jeux de la francophonie. Catastrophe ! Pour finir Benjamin propose que les Congolais, qui sont des futurs ancêtres des Congolais qui naitront en l`an 2100, puissent créer des richesses immatérielles à transmettre ou à transférer aux générations futures.  Il propose donc une production des valeurs.

Loyenge

La tribune de Benjamin me rappelle un de mes post de juillet 2022 sur Facebook dans lequel je parle du « bruit » et de ses conséquences car le « bruit » coûte cher. En m`appuyant sur les théories des Shanon et Weaver et aussi sur le dernier livre de Daniel Kahneman « Noise : a flaw in human judgement » dans lequel le philosophe étudie les conséquences du bruit dans plusieurs domaines.

En pleine grande guerre Shanaon et Waever introduisent le bruit comme une variable et insistent sur le fait que toute communication réussie est possible s`il n`y a pas d’interférence. Le bruit ici est toute interférence qui perturbe la communication…militaire. Le philosophe Kahneman arrive lui à la conclusion que le bruit fait perdre de l’argent, détruire un business, condamner les innocents et acquitter les coupables.

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Ainsi donc la marche devant nous est longue. Kahneman tout comme Shanon et Waever étudient les effets du « loyenge » ou du bruit. Ils trouvent que le bruit est nocif dans une société. Les Congolais, eux, ont-ils déjà eu le temps d’étudier les effets du bruit en politique et en religion ? Quand allons-nous faire cette étude ? Aux chercheurs de s`y pencher.

Pendant la période coloniale le bruit est déjà très présent dans le quartier dit des « indigènes« . Dans une lettre envoyée à sa femme dans les années 1930, l’ancien gouverneur général Pierre Ryckmans fustige déjà l’ambiance de loyenge dans la partie des indigènes. Prenons alors de 1960 à nos jours. Nous pouvons de nous-même constater que nous avons connu les rebellions, les sécessions, la mort de Lumumba, la dictature de Mobutu, des guerres à répétition et aujourd’hui du « béton ». Nous avons connu le djalelo, l’animation politique avec les mopap pour dire mobilisation et propagande. Nous avons connu l`institut Makanda Kabobi. Nous avons des professeurs avec des PhD. Des gens bardés des diplômes. Et pourtant !  Nous sommes tellement imbus de nous-même que nous avons du mal imaginer nos limites et faire décoller le pays. Dans le monde religieux, nous avons connu des campagnes d`évangélisations grandioses et des concerts religieux mythiques et de daawah pour les musulmans. Avec cette culture du loyenge, les Congolais se considèrent comme les meilleurs dans tout et aussi « comme le nombril du monde« , si je m`en tiens aux propos de l`auteur Belge Lieve Joris.

Dissonance cognitive

Le « loyenge » ou le bruit c’est l`ambiance, le divertissement et l’Entertainment comme disent les Anglais. Ici, le marketing politique et la psychologie a toute sa part et la perception va avec. Le paraitre ou le bling bling a toute sa place dans le bruit car c’est son huile. La dissonance cognitive va aussi avec, car, de fois, les bruits du temps des campagnes électorales et la perception qui va avec nous fait voter un homme providentiel. Et le regret vient après. C`est là que viennent les questions et nous nous demandons si nous avons choisi la bonne personne. Ensuite, nous cherchons les éléments qui peuvent nous dire que nous sommes cohérents par rapport à nos choix. Mais, comme nous sommes à la recherche de la satisfaction par rapport au précèdent choix, nous finissons par nous dire que c’est le bon choix. Or le bruit corrompt la perception, perturbe le jugement et nous fait détourner des objectifs. Si on augmente ici notre architecture culturelle, nous ne sortirons pas du tunnel.

La foi

A côté de la politique, l’Eglise qui fait plus des bruits gagne plus des fidèles. Les musiciens chrétiens, les pasteurs, les prêtres et imams sont de plus en plus dans les news. Plus ces derniers font du bruit, plus ils sont adulés. Plusieurs dits « hommes de dieux«  sont trempés, corrompus et s’allient aux politiques avec un bruit assourdissant. Un de leurs n`a pas hésité à prendre parti dans un conflit familial mal géré et demandé à ses fidèles de voter pour les membres de son camp. Il augmente du bruit sur le bruit existant et ne calcule pas les conséquences des actions qu’il mène. Même la séparation entre l’église et l’état que prône John Locke a déjà sauté.

Revenons à Jésus le prince de l`église. Il arrive à un moment difficile dans sa société. Il supporte mal le mal qu`il voit, les ratés et les bruits qu’il choisit de vivre en dehors de la cité. Juste un exemple pour illustrer ça c’est celui du marché qu`il trouve dans la synagogue. Il perturbe tout. Jésus devient itinérant, marche plus à l’extérieur de sa ville qu’à l`intérieur et à chaque fois qu’il entre, il repart aussitôt. Il y avait du bruit.

Allons chez les musulmans. Muhammad arrive à un moment difficile. Il arrive dans une société sans repères dans laquelle les valeurs disparaissent qu’il passe du temps dans une grotte loin du bruit et de la corruption. Les réveils chrétiens protestants existent car certains prédicateurs disent non aux bruits.  Ces pasteurs refusent l`alliance avec les politiciens et les riches pour commencer une nouvelle vie selon les vraies valeurs chrétiennes. Ça prouve combien le bruit nuit à la religion et à la foi.

Aujourd`hui c’est le matériel qui compte et pour avoir ça, tous les coups sont permis. Kirmani, un chef spirituel iranien, dit qu’une religion sans valeurs pratiques est nulle.

Les émotions

Que ça soit les politiciens, les pasteurs, les prêtres et les immams, tous ont recours aux émotions pour garder le contrôle qu’ils ont. Les émotions sont possibles grâce aux bruits qui les génèrent et ça grâce au loyenge qu’ils sont capable de créer. C`est ici que la philosophe Nussbaum croit que chaque idéal politique est supporté par une émotion distinctive. Les émotions issues du bruit conduisent vers une culture de la dépendance dit-elle. Que sont devenus les politiciens face aux autorités morales ? Des chefs des partis politiques qui se comportent en chefs coutumiers et prennent tout un pays en otage.

Personne ne peut aller à l’encontre de la pensée du guide. Le jour que ce dernier change d`idées ou que le pouvoir change, c’est le jour qu’il fait ce que les Congolais appellent la traversée et ça sans changement idéologique. Il suffit de moins de 24 heures pour qu’un kabiliste de haut rang devienne tshisekediste extrême.

Dans le bruit congolais, il est impossible de parler éthique et intégrité car seules les émotions comptent. Seul le plus offrant et le plus fort à la main. En ce sens, ils ont quelque chose de Titus Flavius Josephus. Nous avons aussi des pasteurs, des prêtres et des imams qui contrôlent des familles entières et personne ne peut aller au-delà de ce qu’ils disent. Ils promettent le ciel et profitent de la misère entretenue par les politiques.

La facture

Pour conclure, nous voyons que de cette culture du loyenge, de la propagande et du mensonge dans un bruit sournois paie pour les uns. La république paie une facture salée car il est important de savoir entretenir ce tapage, ce bruit pour avoir le contrôle. Pour gérer l’arène politique, chaque législature achète des 4×4 et propose des avantages mirobolants mais il suffit d`un rien pour que la traversée se fasse. Avec une justice à la traine et corrompue ; la sécurité détériorée, la santé oubliée tout est à refaire. Les droits de citoyen n`en parlons pas. Un pasteur quitte une église chaque minute pour ouvrir la sienne. Des imams fragmentés se battent autour des figures de proue de la COMICO.

De cette configuration politique et religieuse dans le bruit, nous avons un mélange de toutes les idéologies et une société en déliquescence. Il faut recommencer et repenser la société, loin du loyenge ! »

Ewing Ahmed Salumu
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