La Fédération des Entreprises du Congo (FEC), à travers sa branche Chambre des Mines du Sud-Kivu, a pris la décision de suspendre sa participation aux activités du Comité Provincial de Suivi des Activités Minières du Sud-Kivu (CPS-SK). Cette décision, prise après plusieurs mois de tensions internes et d’incompréhensions, révèle de graves dysfonctionnements qui minent la gouvernance du CPS et compromettent son efficacité. Dans une lettre adressée au Gouverneur de la Province du Sud-Kivu, la Chambre des Mines expose en détail les raisons qui ont conduit à cette suspension.
La réclamation de 11 500 USD par Didier Shamamba
La première source de friction réside dans une réclamation financière formulée par Didier Shamamba, l’ex-Coordonnateur du CPS-SK, pour un montant de 11.500 USD concernant des mois durant lesquels il n’a pas presté. Son nom avait été proposé en mai 2023 par un arrêté provincial n°23/086/GP/SK, mais cette nomination s’est faite sans consultation préalable des acteurs clés du secteur minier, ce qui a provoqué une crise de confiance. Face à cela, plusieurs parties prenantes ont suspendu leur participation, provoquant une paralysie des activités du CPS pendant plus de six mois.
Ce n’est qu’en novembre et décembre 2023 que Shamamba, conscient de l’impasse, a sollicité des soutiens pour convaincre les autres acteurs de son intégration au CPS, explique le document consulté par La Prunelle RDC. Un consensus s’est finalement dégagé à la mi-décembre, permettant une reprise partielle des activités. Cependant, il est apparu que Shamamba avait ignoré la situation financière du CPS, qu’il avait pourtant promis de redresser, sans succès. La réclamation de 11.500 USD qu’il a formulée ne prend pas en compte l’ensemble du processus ayant conduit à son intégration et semble négliger les réalités financières du CPS, note la FEC.
La question de la légitimité de Shamamba en tant que Coordonnateur
La question de la légitimité de Didier Shamamba en tant que Coordonnateur du CPS est également mise en lumière. Selon l’article 1 de l’arrêté le nommant, sa fonction de Coordonnateur est directement liée à son poste de Directeur de Cabinet du Ministre Provincial des Mines, ce qui implique qu’il ne peut plus exercer cette fonction après la nomination d’un nouveau Directeur de Cabinet.
En d’autres termes, Shamamba a perdu son droit de représenter ou d’engager le CPS, ce qui remet en cause sa légitimité. Le principe « l’accessoire suit le sort du principal » s’applique donc parfaitement à ce cas.
De ce fait, la Chambre des Mines du Sud-Kivu estime que Shamamba n’a plus le droit de parler ou d’agir au nom du CPS, et ce, bien qu’il ait tenté de continuer à jouer un rôle de représentation en dépit de la perte de sa fonction.
“Conformément aux dispositions de l’article 1 de l’arrêté précité, il est clairement établi que Mr Didier Shamamba avait perdu le droit d’engager le CPS en qualité de Coordonnateur depuis la nomination d’un nouveau Directeur de Cabinet du Ministre Provincial des Mines. Sa qualité de Délégué du Gouvernement Provincial et Coordonnateur du CPS étant liée au poste de Directeur de Cabinet du Ministre, il ne peut ni parler au nom du CPS ni l’engager à quelque niveau que ce soit car, il ne l’est plus. Le principe « l’accessoire suit le sort du principal » mérite d’être scrupuleusement observé dans le cas précis. Il ne peut pas prétendre représenter le Gouvernement Provincial au sein de la Coordination du CPS alors qu’il ne le reconnaît plus comme membre ».
La gestion controversée du véhicule du CPS
Un autre point de discorde concerne la gestion du véhicule du CPS, un Land Cruiser acquis en 2017 avec des contributions des opérateurs économiques, membres de la Chambre des Mines. Ce véhicule a été mis à la disposition du CPS pour faciliter ses missions de suivi des projets de développement communautaire et des incidents dans les chaînes d’approvisionnement en minerais.
Afin d’éviter tout abus, il avait été convenu de garer le véhicule au sein de la société Singral, avec l’accord de celle-ci. Le véhicule n’était mis à disposition d’aucun membre de la Coordination du CPS, quel que soit son rang, et ne devait être utilisé que dans le cadre des activités du CPS. Cependant, Shamamba a cherché à attacher ce véhicule à sa personne, une démarche incompatible avec les règles de gestion du CPS, ce qui a alimenté les tensions au sein de la structure.
« Sur base des contributions des opérateurs économiques regroupés au sein de la Chambre des Mines de la Fédération des Entreprises du Congo, Groupement du Sud- Kivu, pour appuyer les projets de développement dans les milieux de provenance des minerais, dans le cadre de fonds de développement communautaire « basket fund » suspendu à la suite de l’introduction de la redevance minière dans le code minier de 2018, le véhicule marque land cruiser avait été acheté en 2017 pour faciliter la mobilité du CPS dans le suivi de ces projets et des incidents déclarés sur les différentes chaines d’approvisionnement en minerais en Province du Sud-Kivu. Cependant, pour assurer la gestion optimale de ce véhicule et éviter les abus dans le chef de certains acteurs, il avait été décidé de le garer au sein de la Société Singral et ce, après avoir sollicité et obtenu l’accord de ladite société à cet effet. Ce véhicule n’est mis à la disposition d’aucun membre de la Coordination du CPS quel que soit son rang. Il ne sort que pour les questions en lien avec les missions du CPS. Or, l’ex délégué du Gouvernement au sein de la Coordination technique voulait à tout prix que ce dernier soit attaché à sa personne, ce qui irait totalement à l’encontre des us et coutumes du CPS qui, jusqu’à ce jour, ont permis à ce dernier de survivre ».
L’inaction de Shamamba et l’absence de résultats
Sous la direction de Didier Shamamba, le CPS-SK n’a enregistré aucun progrès concret dans l’accomplissement de ses missions, insiste la FEC à travers la Chambre des Mines.
Les chaînes d’approvisionnement en minerais demeurent entachées de nombreux incidents, mais aucune mesure proactive n’a été prise pour résoudre ces problèmes. Shamamba n’a pas alerté les parties prenantes, contrairement à ses prédécesseurs qui avaient pris des mesures pour prévenir de tels incidents.
Cette inaction a compromis les efforts de gouvernance du secteur minier au Sud-Kivu et a contribué à la situation précaire du CPS. À l’heure actuelle, aucune solution n’a été apportée pour améliorer la régulation du secteur minier, ce qui met en péril l’objectif du CPS de contribuer au développement économique de la province à travers une gestion transparente et efficace des ressources minières.
« Par ailleurs, il convient de souligner que depuis la nomination de Mr Didier Shamamba, le CPS n’a enregistré aucun résultat palpable quant aux missions lui dévolues par le texte qui le crée, compromettant ainsi l’élan entrepris par les différents acteurs pour assainir le secteur minier en Province du Sud-Kivu. A ce jour, toutes les chaines d’approvisionnement en minerais sont entachées de beaucoup d’incidents sans qu’il ne s’observe de sa part, contrairement à ses prédécesseurs, une quelconque alerte pour qu’à différents niveaux des solutions soient trouvées ».
La suspension de la participation de la FEC
Face à cette situation chaotique, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), par la voix de sa Chambre des Mines du Sud-Kivu, a décidé de suspendre sa participation aux activités du CPS-SK.
Cette décision, qui inclut l’arrêt des contributions financières volontaires, a été prise en raison des dysfonctionnements persistants et de l’inefficacité de la gestion du CPS sous l’administration de Shamamba. La FEC dénonce également le fait que la partie gouvernementale n’a pas honoré ses engagements financiers envers le CPS.
La suspension de la participation de la FEC souligne l’urgence de réformer le CPS afin d’assurer une gestion plus transparente et plus efficace de la régulation des activités minières dans la province. La Chambre des Mines indique que tant que cette crise de gouvernance perdure, la FEC ne reprendra pas ses contributions.
Un appel à la nomination d’un Coordonnateur consensuel
La Chambre des Mines appelle le Gouverneur de la Province du Sud-Kivu à nommer un Coordonnateur consensuel du CPS, afin de sortir de cette crise. La nomination d’un Coordonnateur qui jouit du soutien de tous les acteurs, y compris de la société civile et des autres parties prenantes, est jugée essentielle pour redonner de la crédibilité au CPS et pour assurer la stabilité du secteur minier.
Une telle nomination serait garante d’une meilleure gouvernance et permettrait de relancer les projets de développement minier dans la province. Il est également souligné que cette nomination concertée permettrait d’éviter de retomber dans les erreurs du passé et garantirait une meilleure cohésion entre les différentes parties impliquées dans la gestion du CPS.
« Pour toutes ces raisons et bien d’autres, votre Excellence est priée de nommer celui/celle qui représentera votre Gouvernement au sein de cette structure combien importante dans la gouvernance du secteur minier en Province du Sud-Kivu. En revanche, une nomination concertée évitera de retomber dans la situation similaire et décriée par tous les intervenants », recommande la FEC.
En attendant, La Prunelle RDC n’a pas encore eu la réaction de la partie incriminée.
Trésor Wilondja