Intervenons-nous

Appel Patriotique a réagi au blocage des comptes bancaires de l’hôpital de Panzi, depuis novembre dernier par la Direction générale des Impôts (DGI). Dans une déclaration rendue publique, cette structure indique que cette mesure aux lourdes conséquences, paralysie le fonctionnement de cet hôpital qui a fait de la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles sa priorité.

Appel Patriotique parle d’un « crime contre l’humanité », et appelle les autorités à revenir sur cette décision, qu’il considère comme une « instrumentalisation » d’un service public.

Ci-dessous la déclaration

Harcèlement de l’hôpital général de Panzi par l’Etat congolais 

Le pouvoir est bon serviteur, mais très mauvais maître

En novembre dernier, pour la seconde fois, la direction provinciale des impôts du Sud Kivu avait scellé tous les comptes de l’hôpital général de référence de Panzi, créé par  le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, dans la périphérie de Bukavu pour le  compte de la 8ème Communauté des Eglises de Pentecôte d’Afrique Centrale (CEPAC).  Cet acte contre un service public à 12 mois jour pour jour des élections générales est  vécu comme une instrumentalisation d’une institution d’Etat à des fins inavouées. Et  ce, au regard d’une série des misères, intimidations, menaces, procès, etc. visant les  opposants déclarés ou pressentis dont les droits fondamentaux, comme simplement  la liberté d’aller et venir ou tenir une conférence, sont violés systématiquement par  ceux-là mêmes chargés de les garantir et de les protéger. Cette pratique  d’instrumentalisation des services publics contre des personnalités civiles et politiques  constitue, à n’en point douter, une funeste dérive qui menace la cohésion nationale et  le vivre ensemble. Le pouvoir public est service à la communauté, il est un moyen dont  disposent les autorités pour mener l’action publique, mais quand il devient une fin en  soi pour les hauts responsables politiques, sa conservation devient une obsession qui  finit par faire des dirigeants des esclaves du pouvoir dont ils devraient demeurer les  maîtres. Il en découle des abus et des errements graves du pouvoir devenu instrument  de harcèlement des adversaires politiques, supposés ou réels, imaginaires/fictifs ou effectifs. Quand cela touche indistinctement tout le monde, les conséquences n’en sont que plus néfastes. Cette tactique erratique semble avoir atteint son point  culminant à Panzi.

Étrange objet du scellé

La raison n’arrive pas à comprendre comment on en est arrivé à pénaliser un hôpital  public confessionnel, compromettant la santé des milliers des patients, pour avoir  offert, à la pause déjeuner, des repas du pauvre (du riz aux haricots !) au personnel et,  pire encore, pour avoir payé au personnel médical des communications devant leur  permettre de suivre l’évolution de leurs patients à distance quand ils ne sont pas de/au service. Ce qui a provoqué cette réflexion d’une infirmière de Panzi : à cette allure, je crains que l’on revienne faire payer à l’hôpital de Panzi des taxes sur les chaises, tables,  ordinateurs, stylos, papiers, imprimantes, bureaux, stéthoscopes, thermomètres, etc. mis à disposition du personnel pour le travail ?

Timing choisi

Le scellé de tous les comptes soulève également la question du moment choisi qui  relève d’un calcul machiavélique. La fin du mois est une période où l’on doit payer les  créanciers de l’hôpital (personnel, fournisseurs des biens et services, acquisition des  médicaments et matériels médicaux, etc.). Sceller tous les comptes empêche l’hôpital  d’honorer ses engagements tout en le plaçant sous la menace de ses créanciers et en  le rendant inapte à poursuivre l’administration des soins. Cette pratique vicieuse vise à mieux faire pression sur la direction de l’hôpital et le leadership de la 8ème CEPAC pour  lâcher du lest, que disons-nous ?, du lait, le morceau face aux cris des employés, des  patients et des fournisseurs. Elle intervient enfin dans un contexte préélectoral où, face  à la nation en danger, les appels à la candidature du Professeur Denis Mukwege,  fondateur et directeur de l’hôpital de Panzi, à la présidentielle de 2023 se multiplient et la société civile s’organise résolument pour faire le lit de cette candidature tant à  l’intérieur que dans la diaspora. 

Méthodes kafkaïennes

La stratégie de neutralisation de l’opposition et de la Société Civile parait surréaliste, mais elle est implacable. Les services publics (judiciaires, sécuritaires, politiques,  fiscaux, etc.) sont instrumentalisés au service d’un homme contre tous. Tous les esprits  libres, les intellectuels, les défenseurs des droits et les opposants politiques fictifs ou  effectifs sont continuellement harcelés et inquiétés, l’espace public des libertés se  rétrécit incessamment au fur et à mesure que l’on s’approche des élections. Contrôler  l’organisation et l’arbitrage des élections, y compris promulguer une loi électorale  inique, ne semble pas suffire à garantir le maintien au pouvoir. Vouloir faire le vide  autour de soi pour apparaître comme un grand et rempiler est une décision absurde.  A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. On reconnaît la grandeur d’un arbre dans  la forêt par sa hauteur et son diamètre par rapport aux autres arbres environnants et  non par l’abattage de tous les arbres à la ronde. Enfin, se servir directement et  grassement sur les comptes de l’Hôpital de Panzi est indécent d’autant plus que, sur la  cagnotte prélevée, le Trésor Public n’encaisse que 46% alors que des particuliers se  partagent 54%. Vive la prédatocratie !

Une intention malveillante

La ponction des comptes de l’hôpital de Panzi n’est qu’une cerise sur le gâteau, car  l’intention finale c’est de neutraliser un homme perçu à tort comme une menace. Il  s’agit de ternir l’image de l’hôpital de Panzi et du Prix Nobel de la Paix 2018 et de  détruire l’autorité morale de Denis Mukwege en le présentant comme un incivique  fiscal. Cela est animé d’un vain espoir de montrer aux partenaires de l’hôpital de Panzi  et du Dr Denis Mukwege qu’ils ne sont pas fiables et ne méritent donc pas de continuer  de bénéficier du soutien pour cause de fraude et d’incivisme. Aucun mot n’est assez  fort pour nommer la campagne de diabolisation du meilleur d’entre nous, l’un des  rares dignes fils que notre nation a pu donner au monde et qui fait notre fierté. Juste  pour conserver le pouvoir. Force est de constater que la neutralisation de ce  patrimoine mondial de l’humanité, Prof Denis Mukwege, que nous devrions tous  protéger comme on le fait avec les espèces rares menacées de disparition fait l’unanimité cordiale entre les dirigeants congolais et les ennemis avérés de notre  peuple et de notre pays comme le Rwanda ou l’Ouganda. Nul ne peut empêcher l’autre  de se représenter pour rempiler, mais dans le strict respect des règles  constitutionnelles et à travers une compétition loyale. Des faux pénaltys, c’est du déjà  vu et vécu dans ce pays. On connait aussi ce que ça a donné et ce que sont devenus  leurs auteurs. Pourquoi recourir à des méthodes surannées ? De quoi/ de qui a-t-on  peur ?

Une mesure lourde de conséquences

La conséquence finale d’une telle action hostile, c’est de porter atteinte au droit à la  vie en compromettant la qualité des soins aux malades (des victimes des viols graves  et autres patients graves) et en privant les agents de leurs salaires pendant près de  deux semaines. Bien d’autres conséquences sont là : rupture des stocks des  médicaments et matériels médicaux, impossibilité de payer les salaires du personnel  (difficulté de travailler sans savoir quand on sera payé, démotivation voire colère du  personnel), atteinte à la qualité des soins, détresse des malades et des familles du  personnel, et incapacité de payer les fournisseurs des biens et services, bref grave  dysfonctionnement du service public. Certes, l’objectif inavoué c’est ternir l’image de  marque de l’hôpital et du Prix Nobel de la Paix, il n’y a qu’à voir les commentaires de l’armée numérique du régime et de ses alliés rwandais et ougandais dans les réseaux  sociaux, pourfendant le Dr Mukwege de prétendre à la magistrature suprême alors  qu’il ne sait même pas bien faire à l’hôpital et ni même payer les impôts et taxes. Politiquement, l’on peut s’interroger sur la rationalité des décideurs de cette mesure.  Au regard du risque du soulèvement populaire, de la perte de l’électorat de l’est du pays, on peut penser que le régime est vraiment aux abois ou, pire, infiltré par des gens  qui le poussent à la faute pour mieux l’assommer.

Qualification de la pratique

Au regard de ses lourdes conséquences, force est de constater que cette mesure constitue un crime contre l’humanité tant l’intention de nuire à l’humanité, et, en particulier, à l’homme qui répare les femmes est manifeste. Le seul péché que le réparateur des femmes n’ait jamais commis, à cause de son intégrité morale, c’est de susciter un tel espoir et d’incarner un tel rempart contre la balkanisation et les humiliations de notre pays que des compatriotes lui adressent de multiples appels  interminables et désespérés à voler au secours de la nation en danger ! L’Etat apparaît  comme une association des malfaiteurs, au sens éthique du terme, une organisation visant à faire du mal aux autres. 

Le crime d’asphyxie d’un hôpital public est incompréhensible et révoltant. Quelle  différence peut-on encore faire entre ceux qui violent massivement, massacrent et  pillent impunément et les détenteurs des pouvoirs qui décident intentionnellement de tuer (indirectement) en paralysant un grand hôpital, centre d’excellence, qui fait la fierté nationale et de l’Afrique et qui exporte ses savoirs et savoir-faire dans le monde (République Centrafricaine, Colombie, Irak, Ukraine, Nations Unies, etc.) ?

Jusqu’à quand vont-ils abuser de notre patience, instrumentalisant les services publics à des fins personnelles de conservation autocratique du pouvoir ? L’histoire récente de  notre nation devrait les inspirer et les inciter à l’humilité et à la modestie. Comment  ont fini les potentats ayant régné sur nos terres comme en terrain conquis ? Que sont-ils devenus ainsi que leurs rejetons ? L’Histoire sert à tirer des leçons du passé pour ajuster le présent et anticiper le futur. Elle est bonne conseillère. Apprendre à l’écouter ouvrira les portes du panthéon de la Nation à ceux qui s’y exercent résolument et de  bonne foi.

Fait à Kinshasa, le 17 décembre 2022

Pour le Conseil Stratégique National

Professeur Alphonse Maindo

Pasteur Roger Puati

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Un commentaire

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