Intervenons-nous

En province du Nord-Kivu, les femmes et filles déplacées font face à d’énormes difficultés et sont victimes de violences sexuelles et celles basées sur le genre dans les camps autour de Goma. Depuis plus de deux ans, la province est dévastée par un conflit opposant l’armée congolaise aux rebelles du M23 dans plusieurs localités, dont Masisi, Rutshuru, Nyiragongo et Lubero. Ce conflit a forcé des milliers de civils à fuir leurs villages pour trouver refuge dans des zones jugées plus sûres ou dans des camps de déplacés, où ils sont exposés aux intempéries et aux maladies.

Dans ces camps, de nombreuses personnes déplacées subissent des violences, notamment des agressions sexuelles, des mariages forcés et des violences domestiques. Malheureusement, ces formes de violence sont fréquentes dans un contexte où la sécurité et la protection restent insuffisantes.

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Au camp de Lushagala, situé à quelques kilomètres à l’ouest de Goma, les formes de violence les plus courantes sont les violences conjugales et les violences sexuelles, parfois perpétrées par des inconnus.

Le chef du camp, François Ndayambaje, déplore que de nombreuses victimes n’osent pas parler des abus subis, par honte ou par peur de représailles. Selon lui, les conditions de vie précaires et la promiscuité des personnes déplacées les exposent davantage aux violences.

« Les principaux défis auxquels nous sommes confrontés ici sont le manque de soutien médical et psychologique pour les victimes. Il n’y a qu’une seule organisation dans le camp qui prend en charge ces cas, mais elle ne peut pas répondre à toutes les demandes. Pour leur sécurité, nous les orientons vers des espaces sûrs au sein du camp, où elles peuvent être écoutées et soutenues. En cas de situation grave, nous transférons immédiatement la victime vers une structure médicale pour des soins appropriés », explique Ndayambaje.

Il regrette également le faible engagement des autorités pour assurer une prise en charge adéquate et une réparation pour les victimes, qui restent traumatisées par ces événements. Le manque de soutien exacerbe ces traumatismes.

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Certaines victimes rencontrées au camp de Lushagala dénoncent le manque d’accompagnement psycho-médical de la part du gouvernement et de ses partenaires. Elles évoquent également la misère et le surpeuplement dans les hangars comme facteurs aggravants.

« Nous dormons tous ensemble, hommes, femmes et enfants, dans le même espace, sans aucune mesure de sécurité. Cette situation expose particulièrement les jeunes filles et provoque des séparations au sein de plusieurs couples, car l’intimité est inexistante dans un tel contexte », témoigne l’une des déplacées.

Une autre victime, une femme âgée qui a fui les affrontements à Rutshuru, souligne la responsabilité des organisations humanitaires et du gouvernement dans la quête de justice pour les victimes.

« Un jour, alors que je cherchais du bois de chauffage, je suis tombée sur des hommes armés qui m’ont violée. J’ai souffert pendant plusieurs jours avant de recevoir des soins médicaux, mais je suis restée traumatisée. Il n’y a eu aucune tentative de retrouver les coupables pour que justice soit rendue. C’est l’un des grands défis auxquels nous faisons face ici », déclare-t-elle.

Le rôle des organisations humanitaires dans l’accompagnement des victimes

Malgré des moyens limités, certaines organisations locales, comme la Dynamique des Femmes Juristes (DFJ) et SOPROP, ont installé des services d’écoute pour les victimes dans les camps de déplacés.

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Mireille Kafele, chargée des programmes à la DFJ, indique que, face à l’insécurité croissante dans certaines zones rurales, son organisation a choisi d’orienter certaines activités vers les camps autour de Goma, à la suite des alertes provenant des femmes et filles victimes de violences basées sur le genre.

« La DFJ intervient principalement dans la prévention à travers des sessions de renforcement des capacités, des conseils éducatifs, des séances d’information et des campagnes de sensibilisation pour prévenir les VSBG », explique-t-elle.

Kafele précise qu’au-delà de la prévention, un ensemble de réponses est également mis en place pour soutenir les victimes à travers des espaces sécurisés, où des psychologues et des avocats sont disponibles pour fournir une assistance quotidienne et aider les victimes à se reconstruire.

« Nous assurons également un transfert vers des structures médicales pour les soins physiques, tout en offrant un accompagnement psychologique régulier pour aider les victimes à surmonter leur traumatisme. De plus, nous proposons une assistance juridique avec des avocats qui accompagnent les victimes, organisent des séances de médiation, et suivent certains cas devant les tribunaux, comme les affaires de viol sur mineur », ajoute-t-elle.

Les défis de l’accompagnement des victimes

Cependant, plusieurs défis freinent l’action des organisations humanitaires engagées dans la réponse. Parmi eux, l’insécurité dans les camps de déplacés, où le contrôle est souvent défaillant, et la présence de groupes armés, qui contribuent à la persistance des violences.

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Les auteurs des violences sont parfois inconnus, rendant difficile toute procédure judiciaire, comme le soulignent de nombreux rapports.

« Nous avons des difficultés à accompagner pleinement les survivantes, notamment parce que les auteurs des violences ne sont souvent pas identifiés. En outre, nous faisons face à une forte demande alors que les ressources disponibles sont limitées. Nous nous efforçons de mobiliser des fonds pour tenter de répondre à cette demande croissante dans les camps », souligne Kafele.

Elle insiste sur l’importance de soutenir et d’autonomiser les femmes et les filles dans les camps, afin de réduire efficacement les VSBG.

Il est important de noter que cette enquête s’inscrit dans le cadre du projet « Canada Monde : La voix des femmes et des filles », un programme de quatre ans mis en œuvre par JDH en RDC. Ce projet vise à renforcer les droits des femmes et des filles en développant le secteur médiatique et en promouvant des partenariats entre la Société civile, les organisations de défense des droits des femmes, les institutions académiques, les décideurs et d’autres acteurs clés.

Freddy Ruvunangiza

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