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Les crimes de masse continuent à être commis en République Démocratique du Congo malgré les efforts de répression de certains par la Cour Pénale Internationale (CPI), 25 ans après la signature du Statut de Rome. Pour Jacques Mbokani, Docteur en droit, Professeur à l’Université de Goma et Spécialiste en Droit International Pénal, la Cour Pénale Internationale doit continuer à agir pour donner justice aux victimes des atrocités en République Démocratique du Congo.




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D’abord, recommande le professeur Jacques Mbokani, il y a un travail de vulgarisation du travail de la CPI qui doit être fait afin que toutes les victimes et témoins y contribuent. 




« Il y a encore un travail que les ONG doivent faire par rapport à la vulgarisation du Statut de Rome pour que tout le monde comprenne le travail de la CPI. Que les victimes sachent comment elles peuvent aussi contribuer à cette justice internationale pénale afin que l’on puisse finalement mettre fin à l’impunité de ces crimes graves que connait la RDC depuis des années et espérer contribuer à la prévention des nouveaux crimes parce qu’on ne sait pas très bien où-est-ce qu’on va avec cette impunité qui encourage la création des groupes armés. » dit Jacques Mbokani.

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Mais des nombreux défis demeurent pour permettre à la Cour de faire efficacement son travail, reconnaît-il, rejetant certaines critiques des Etats Africains qui accusent la Cour de ne poursuivre que les Africains.




« Avec la jeunesse de la Cour, il y a inévitablement des erreurs, des faux pas. Mais de plus en plus la Cour se renforce à partir de son expérience. On peut regretter évidemment que la Cour n’ait pas agi comme on aurait pu s’attendre. Par exemple avec les victimes, ce ne sont pas toutes qui trouvaient justice. On peut même regretter le choix de certaines affaires comme dans l’affaire Lubanga où on a poursuivi qu’une catégorie des crimes qui n’étaient vraiment les crimes les plus graves auxquels on aurait pu s’attendre mais je fais confiance aux autorités de la Cour et elles ont tiré des enseignements par rapport aux expériences passées », soutient le Professeur Jacques Mbokani.

Un travail toujours complémentaire !

Le travail de la Cour reste un travail complémentaire, la responsabilité de répression des graves crimes revient en premier lieu aux Cours et Tribunaux nationaux, rappelle le Professeur Jacques Mbokani.

« Il faut donc penser à renforcer les Cours et Tribunaux Nationaux qui s’occupent de la grande partie de ces crimes ».

Un travail en dessous des attentes !

« Les attentes étaient nombreuses. Mais le travail n’est pas à la hauteur », reconnait encore une fois le Professeur Mbokani.

Au Nord-Kivu par exemple des graves crimes ont été commis et beaucoup sont toujours en cours et à ce jour, « il n’y a pas d’enquête sur la situation au Nord-Kivu ».




«  Je crois qu’il y a une grande attente au Nord-Kivu comme au Sud-Kivu. Les tribunaux congolais essaient de s’y mettre mais je crois qu’avec l’action de la CPI, ça aurait pu booster l’action des tribunaux congolais. L’avenir est prometteur mais les attentes étaient nombreuses pour le passé mais l’action de la CPI n’a pas été à la hauteur des attentes. En le disant, évidemment il faut savoir que la CPI a aussi des problèmes notamment d’effectifs, de budget, mais par rapport aux attentes, on est encore loin », dit-il.

Avoir des preuves solides

Pour que la Cour Pénale Internationale arrive à avoir des résultats dans la répression des crimes graves, il faut des preuves solides. Cet enseignant de droit appelle aider les équipes du bureau du Procureur à les réunir.




« On a tout un travail qu’il faut faire ici au Congo parce que c’est dommage de voir qu’il y a des affaires qui aboutissent à des acquittements et avec toute la volonté, le bureau du Procureur n’y peut rien.  Pour éviter ce type de problèmes, c’est vraiment important qu’on aide les victimes et les témoins congolais à savoir comment aider la Cour à réunir les preuves tout en se protégeant. Que les ONG prennent conscience et je crois qu’il faut beaucoup des choses au niveau de la formation. Et sur ce point, il faut combattre le fanatisme et le militantisme. Il faut être objectif dans le travail à faire puisque quand les preuves ne sont pas bonnes, c’est le travail du Procureur qui est en difficulté et je ne crois pas que le Procureur soit prêt à se lancer dans des procédures qui ne présentent pas beaucoup de chance d’aboutir à des condamnations. C’est quelque part de notre responsabilité à nous congolais de pouvoir aider le bureau Procureur à bien faire son travail et à contribuer ainsi à la lutte contre l’impunité des principaux crimes graves qui relèvent de la compétence de la Cour », suggère-t-il.

Des tribunaux spécialisés ?

Comment poursuivre les crimes antérieurs à 2002 en République Démocratique du Congo ? Faut-il faire des plaidoyers pour adapter la compétence temporelle de la Cour ?

Le débat fait rage entre la proposition d’un Tribunal Pénal International sur la RDC et la constitution des Chambres mixtes dans les juridictions congolaises.




Là, encore une fois, s’inquiète le Professeur, il faut la volonté politique, qui, jusqu’à présent « semble faire défaut ».

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« Si déjà au Congo, nous n’arrivons pas à être d’accord sur ce point-là, je ne crois pas que ce soit possible qu’on puisse mobiliser la communauté internationale pour qu’on puisse reculer la compétence temporelle de la Cour Pénale Internationale rien que pour la situation congolaise. Je suis plutôt plus sceptique par rapport à ça ».

Contexte 

Adopté le 17 juillet 1998, le Statut de Rome est le traité fondateur de la CPI, qui a été ratifié par 123 pays. La Cour pénale internationale est la première juridiction pénale internationale permanente créée pour contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le crime de génocide et le crime d’agression.

Le Statut de Rome a également créé le Fonds au profit des victimes chargé de réparer le préjudice subi par les victimes des crimes du Statut de Rome, par le biais de l’octroi de réparations ordonnées par la CPI et d’autres programmes en leur faveur. Le Fonds met en œuvre d’autres programmes au profit des victimes à travers la fourniture de soins médicaux, de réhabilitation psychologique, de soutien socio-économique et d’éducation.

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Le Fonds aide les survivants à entamer le processus de guérison et de reconstruction de leur vie, afin qu’ils puissent promouvoir la paix et la réconciliation.

Jean-Luc M.
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