De nombreux députés nationaux ont été également élus députés provinciaux dans plusieurs circonscriptions électorales de la République Démocratique du Congo. Des élus à deux niveaux on en compte également à Bukavu, Chef-lieu du Sud-Kivu et dans des territoires. Mais la question de la légitimité de leurs remplaçants quand ils renoncent à un de ces mandats suscite toujours des questionnements.
Le Professeur Arnold Nyaluma, avocat et enseignant à l’Université Catholique de Bukavu rappelle que cela est légal. Il regrette tout de même que les suppléants soient choisis dans la complaisance.
Plusieurs candidats ne prennent que leurs plus proches ou des personnes qu’ils estiment « faibles » alors qu’ils n’ont pas forcément la même vision avec leurs partis/regroupements politiques ou encore celle du candidat titulaire.
« Le problème est d’abord lié à notre système électoral puisque c’est ce système qui permet qu’un candidat postule à deux niveaux avec comme conséquence qu’il y a un niveau où il ne va siéger », dit d’emblée, Arnold Nyaluma.
La Politique comme « commerce qui paie »
Conséquence, regrette ce célèbre enseignant : on sait qu’on a voté pour la personne alors qu’on ne sait nécessairement qui est derrière l’élu « et à la fin il y a une fausseté par ce que celui qui a été élu sur base de ses prouesses, de la confiance alors que celui qui va siéger c’est un autre ».
Pour Nyaluma, il y a pire.
« Il y a pire puisqu’il y e en a qui ont pour suppléants, les membres de leurs familles. Les époux, les épouses, les enfants, etc. et du coup, on accorde un mandat à quelqu’un, qui, en réalité n’a aucun engagement politique. Pourquoi cela arrive ? C’est parce qu’en fait, on a détruit la politique en République démocratique du Congo. Lorsque vous observez aujourd’hui, que ce soit les professeurs d’universités, les avocats, les pasteurs, commerçants…tous veulent faire de la politique parce que c’est le commerce qui paie. Les enseignants n’enseignent plus, les opérateurs économiques ne sont plus dans le business et tout le monde veut aller prendre de l’argent rapide et gratuit.
Pour arrêter cela, Nyaluma propose une solution : extirper l’argent du secteur politique.
« Quand vous allez en Chine par exemple, les députés ne sont pas payés. Quand vous regardez tous les pays qui nous entourent, les émoluments du député ne représentent pas un intérêt économique particulier. La politique devrait être faite pour l’honneur et pour le sens de l’histoire et pas pour l’argent ».
Il dénonce une « dynastie démocratique ».
« A côté des suppléants, vous voyez qu’il est en train de s’établir une sorte de dynastie démocratique, une aristocratie qui ne connaît pas son nom, c’est-à-dire carrément un véritable népotisme. Les enfants des politiciens sont devenus des politiques. Ce n’est pas mauvais puisqu’on est tous des citoyens mais ce n’est pas correct lorsqu’on utilise les ressources qu’on a, les moyens de l’Etat, l’emprise sociale dont on dispose pour imposer sa progéniture dans le secteur politique ».
Des réformes, mais avec qui ?
« Le mal est fait », reconnaît encore le Professeur Nyaluma qui recommande aux suppléants de se « sentir suffisamment redevables ».
« …de savoir qu’ils sont élus pour travailler pour le peuple et non pas pour les titulaires. Ensuite, c’est aux partis politiques d’encadrer leurs élus parce qu’en fait, c’est là que se pose le problème. Si les partis politiques encadraient sérieusement les élus, ils ont des projets de société et ce sont ces projets qui sont proposés pendant la campagne et tous les élus peu importe leur situation pourraient travailler pour ces projets-là. On nous a promis des routes, la sécurité, etc… ».
Arnold Nyaluma recommande aussi aux organisations et personnes en dehors du système de faire pression pour que les choses changent.
« D’autre part, si la Société Civile et les Forces sociales, les Eglises ne disent pas qu’ils vont rencontrer ces élus après la fin du mandat, si on continue à accompagner et à faire pression sur les élus, même les suppléants pourraient jouer un rôle positif. En fait, c’est de la honte. Il n’y a qu’au Congo que vous avez ce genre des situations et on devrait inviter à la réforme. Sauf que, malheureusement, ce sont les mêmes élus qui doivent réformer…Il appartient donc à tous ceux-là qui ne se retrouvent pas dans le système de pouvoir faire suffisamment de pression pour que ça change. On l’a vu, l’Eglise Catholique a haussé le ton en demandant de ne pas voter pour ceux qui sont sur deux terrains. Il y en a qui sont quand même passés et nous espérons qu’effectivement, les députés puissent changer la loi pour mettre fin à ces pratiques ».
Il faut dire qu’au Sud-Kivu, plusieurs candidats ont été élus au niveau national et au niveau provincial.
Il s’agit par exemple pour Bukavu et Walungu de Aimé Boji Sangara, Kahasha Murhula Foka Mike et Olive Mudekereza. Une situation qui suscite des questionnements dans l’opinion.
Vinciane Ntabala
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