La situation en République Démocratique du Congo (RDC) demeure un drame humanitaire et géopolitique largement ignoré par le monde. Depuis plus de 30 ans, le peuple congolais est victime d’une violence incessante, alimentée par des guerres soutenues par des puissances étrangères et l’exploitation implacable de ses ressources naturelles. Aujourd’hui, la RDC est confrontée à une nouvelle offensive rwandaise à travers le groupe armé M23 et les Forces de Défense Rwandaises (RDF), provoquant des destructions massives et des souffrances indicibles pour la population civile. Ce conflit, bien qu’aux racines profondément enracinées dans l’histoire coloniale et les intérêts géopolitiques mondiaux, est méconnu ou réduit à une simple lutte interne, tandis que la communauté internationale, complice par son silence, continue de fermer les yeux. Dans cette tribune, Justin Kashara, coopérant et activiste décolonial, choisit de briser ce silence, d’exposer les réalités cachées derrière cette guerre, et de rappeler la complicité silencieuse des puissances occidentales dans l’aggravation de cette tragédie. Le peuple congolais, épuisé et sacrifié, a le droit d’être entendu. (Tribune)
« 30 ans de souffrances, d’oppression, de massacres de civils, y compris des enfants, de violences sexuelles (la femme comme arme de guerre), de destruction aveugle du second poumon de notre planète, qui lutte contre le changement climatique, et du risque de non-exécution d’un des plus grands projets de l’histoire d’intérêt planétaire, appelé le corridor vert Kivu-Kinshasa… Sans oublier les bombardements de missiles solaires dans les camps de déplacés, en violation des droits humanitaires internationaux, etc.
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Tout cela n’est-il pas suffisant ?
Aujourd’hui, ma ville de Goma est sous le feu. Des combats violents opposent les Forces armées de la RDC à l’armée rwandaise et ses supplétifs, le M23 et les RDF. Ils semblent aussi occuper Goma, capitale du Nord-Kivu. Le 26 janvier 2025, le gouverneur de cette province, deux casques bleus de l’ONU et neuf membres de la mission de la SADC ont été tués, sans compter les civils et les blessés.
Les bombardements ciblent des infrastructures essentielles pour la survie de la population.
Près de 3 millions de personnes à Goma, encerclées par l’armée rwandaise/M23 et les RDF, vivent sans eau, électricité ni communication. C’est extrêmement inquiétant de ne pas pouvoir communiquer avec mes sœurs, nièces, neveux, partenaires et proches depuis le 26 janvier 2024.
L’insuffisance de l’aide humanitaire complique encore la situation, surtout en raison de la priorité accordée à l’Ukraine, la Palestine, etc.
Rappelons que cette énième invasion rwandaise/M23 dure depuis 2022. À ce jour, le mépris du Conseil de sécurité de l’ONU et des institutions internationales face à la barbarie rwandaise en RDC n’a pas cessé. Aucune résolution ni sanction n’a été prise contre le Rwanda, preuve de leur complicité. Ils se contentent de condamnations vaines et sans conséquence, pendant que des innocents meurent au Nord et au Sud-Kivu.
Il est à noter que le PIB du Rwanda dépend en grande partie de l’aide extérieure (60%) et des minerais de sang, ainsi que du tourisme (avec les gorilles de montagne comme principale attraction, des gorilles pillés en RDC où se trouvent les véritables sanctuaires naturels, notamment dans le parc de Virunga au Nord-Kivu et le parc de Kahuzi Biega au Sud-Kivu).
Forcés par les circonstances, et dans l’incapacité de continuer à jouer leur partition dans le concert du silence occidental sur les situations en Afrique, et en RDC en particulier, nous saluons le fait que certains médias occidentaux aient tout de même diffusé des reportages sur la situation actuelle en RDC.
Exemple : RTVE
Cependant, en tant que Congolais et activiste décolonial originaire du Kivu, j’ai le devoir d’éclairer la population européenne sur une certaine perversion dans le narratif de certains médias européens concernant cette question. À cet effet, il est à noter que :
Le M23, ou mouvement du 23 mars, ne sont pas des rebelles congolais. À l’heure actuelle, tous les groupes armés de la RDC sont en pourparlers avec le gouvernement congolais, sous la médiation de l’ex-président kenyan Uhuru Kenyatta. Le M23 est en réalité une métamorphose du RCD d’hier, du CNDP d’avant-hier, et du M23 aujourd’hui. C’est un mouvement créé et alimenté par Kigali, en coalition avec d’autres groupes armés étrangers et terroristes, comme les RDF ougandais, dans le but de balkaniser le Kivu, riche en minerais, pour mieux servir leurs maîtres occidentaux, véritables auteurs moraux du malheur des Congolais depuis la conférence de Berlin de 1884-1885. Ce malheur a été accentué par les régimes corrompus imposés à Kinshasa par les puissances étrangères.
Aujourd’hui, le péché du peuple congolais est d’avoir élu massivement un président, Félix Tshisekedi, qui, malgré les défaillances de son gouvernement, a osé affronter le tout-puissant Kagame et a exigé que la richesse du Congo profite aux Congolais, après une longue histoire de colonisation, de spoliation et de 30 ans de guerre, de violences sexuelles, de mutilation du corps des femmes, d’enrôlement forcé des enfants et de travail forcé dans les mines. L’impact humain et environnemental de ces guerres est incalculable.
Ces médias ne parlent pas de l’accord stratégique sur les minerais signé entre l’UE et le Rwanda en février 2024, deux ans après que le Rwanda ait occupé et exploité les importantes zones minières du Nord-Kivu. En outre, ils ne mentionnent pas l’implication directe et indirecte de certains États européens.
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Bien que je sois personnellement contre les armes, pour garantir une information impartiale et complète, ces médias devraient évoquer les déséquilibres dans cette guerre en soulignant que, pendant plusieurs années, la RDC a été soumise à un embargo sur les armes par le même Conseil de sécurité de l’ONU, tandis que l’agresseur apparent, le Rwanda, avait toute liberté d’acheter des armes, de former son armée, financée par l’Occident, et de posséder la dernière technologie de pointe pour protéger les intérêts de ses maîtres. La levée de l’embargo sur les armes contre la RDC, survenue récemment, fait suite à une forte pression du peuple congolais, qui ne pouvait plus se défendre face à un petit Rwanda, mais armé et soutenu par l’Occident. Kinshasa n’a pas eu le temps de réformer son armée, infiltrée par Kigali, ni de se débarrasser des corrompus pour former une véritable armée républicaine. Malgré ce retard, Kinshasa, poussé par un peuple fatigué de l’hypocrisie et de la double morale occidentale, est prêt à se battre jusqu’au sacrifice, n’acceptant plus une autre forme de colonisation.
En définitive, ces médias donnent l’impression que les Congolais se battent entre eux, alors qu’il s’agit d’une guerre économique opposant un peuple uni autour de son leader pour défendre son indépendance réelle et sa souveraineté. Il est donc normal que l’opinion publique européenne soit insensible et qu’il n’y ait pas d’initiatives spontanées, malgré la solidarité affichée par certains citoyens européens avec l’Afrique, contrairement à leurs autorités et médias, qui traitent les questions africaines de manière partielle.
En raison des circonstances actuelles, de la complexité des faits et de l’urgence humanitaire, nous invitons le citoyen européen de bonne volonté à écouter notre cri de désespoir, à comprendre le calvaire d’un peuple sacrifié à cause des intérêts égoïstes des grandes puissances et des États au service du capitalisme sauvage. Cela peut se traduire par des réalités similaires : travailler sans parvenir à joindre les deux bouts, payer plus d’impôts pour financer des achats d’armes, et vivre dignement dans un pays asphyxié par un modèle de tourisme sauvage et des investissements étrangers, au détriment des économies locales.
C’est pourquoi, moi et mes pairs congolais, nous nous unissons pour défendre l’intégrité territoriale de notre grand pays, la RDC, contre la prédation occidentale, contre la guerre qui nous est imposée, contre la nouvelle forme de colonisation, contre les violations des droits de l’homme et des droits humanitaires internationaux, contre le travail forcé des enfants dans les mines, contre les massacres de civils, contre les violences sexuelles faites aux femmes, et contre la destruction de notre biodiversité, et donc la destruction de notre planète. Nous adressons directement et avec grand espoir notre demande de soutien à ceux qui pourront se solidariser avec notre situation. Il s’agit de :
Briser le silence et faire connaître au monde le calvaire d’un peuple victime de sa richesse.
Dénoncer l’accord stratégique entre l’UE et le Rwanda, alors que ce pays ne possède pas de minerais dans son sol.
Refuser que l’argent des contribuables européens finance une armée semant la terreur en RDC, au Mozambique, au Burundi, en Centrafrique, etc. Les 20 millions d’euros reçus chaque année par l’armée rwandaise de l’UE pourraient être utilisés pour améliorer les services de base pour les citoyens européens.
Prendre position contre l’exploitation des minerais de sang par des géants technologiques comme Apple, actuellement en justice avec le gouvernement congolais.
Réfléchir sur la véritable écologie des voitures électriques, non seulement pour leur capacité de contamination, mais aussi pour la manière dont les matières premières sont extraites.
Dénoncer la double morale de l’Europe, qui combat un « Putin » en Russie, mais soutient un autre « Poutine » en la personne de Kagame, qui protège les intérêts de l’Occident, peu importe ses crimes.
Le peuple rwandais a également besoin de votre solidarité : un peuple opprimé sous un régime autoritaire de Kagame, qui gouverne depuis 30 ans, et qui ne peut pas manifester publiquement ni parler politique sans risquer des représailles du régime de Kigali. Voilà le partenaire privilégié de l’Europe et de l’Occident, qui donne des leçons de démocratie et de droits humains.
Votre solidarité avec le peuple congolais, c’est défendre la paix dans le monde, la justice sociale, la souveraineté d’un peuple, et l’indépendance réelle de l’Afrique. En le faisant, vous contribuerez également à la prévention d’une guerre à grande échelle, qui nous rappelle encore les séquelles du drame de 1994 dans la région.
Tous pour la paix, seule la paix et rien que la paix en RDC, en Afrique et dans le monde.
Justin Kashara, coopérant et activiste décolonial »