Dans un document parvenu à LaPrunelleRDC.CD, le Professeur Emile Bongeli revient sur les récents affrontements intercommunautaires dans la province de la Tshopo. Il charge sérieusement la Gouverneure de Province. Emile Bongeli dénonce le silence coupable des intellectuels et autres notabilités sur cette situation et critique la gestion de cette crise par les institutions. Ci-dessous, en forme de tribune l’explication de Emile Bongeli :
« Genèse des tueries à huis clos à Kisangani »
« Ce matin du dimanche 12 novembre, je me réveille sous un appel téléphonique anodin. L’homme qui m’appelle se présente comme journaliste d’une certaine presse écrite qui, parlant, selon lui, au nom de deux autres de ses confrères, sollicite un entretien pour vérifier les informations qu’ils venaient d’avoir. Sur mon insistance, des blablas habituels sur quelques membres du FCC dont moi-même qui seraient à la base des tueries de Kisangani !
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Je leur ai dit qu’ils pouvaient publier leur papier et me suis dit qu’il fallait enfin briser le silence longtemps entretenu sur ces massacres qui se perpètrent à huis clos à Kisangani, ma ville natale et qui impliquent deux tribus, dont la mienne. En effet, en matière de communication, il vaut mieux ne pas être cloué à la défensive car un mensonge surmédiatisé peut paraitre véridique. En même temps, des collaborateurs de Madame la Gouverneur, spécialisés en mensonges, injures (même contre leurs parents) et autres arguties peu éthiques, multiplient déclarations médiatiques en écrit, en audio et en vidéo, tentant de rejeter la responsabilité de la crise survenue aux autres en se disculpant sous une argumentation incongrue.
Voici, en quelques points le cours des événements ayant abouti à la situation dramatique qui sévit dans la périphérie et au cœur même de la ville de Kisangani.
1. Tout part de la contestation par les autochtones de la nomination d’un Bourgmestre dans le secteur de LUBUYA BERA, zone annexe de la ville de Kisangani, dès lors érigée en commune urbaine. La revendication portait sur l’origine de la personnalité nommée que les contestataires souhaitaient être autochtone.
2. Madame la Gouverneure de la Tshopo s’implique en ramenant à Kinshasa les jeunes leaders des communautés composant LUBUYA BERA. Ils sont reçus par le VPM et Ministre de l’Intérieur qui leur promet, d’après leurs dires, la récupération de leurs terres aux alentours de Kisangani. Les juristes savent l’hybridation juridique qui régit les terres, à la fois ancestrales (droit coutumier) et étatique (droit écrit).
3. De retour à Kisangani, ces leaders kumu (en rive droite du Fleuve Congo) et Lengola (en rive gauche) bénéficient du soutien tacite de Madame la Gouverneure dans leurs campagnes de récupération de ce qui est redevenu leurs terres, d’après la promesse qui leur aurait été faite par le VPM/Intérieur. Ainsi, menace-t-on, sur la rive droite, le Grand Séminaire Saint Augustin implanté en périphérie (aujourd’hui envahie par l’urbanisation) de la Ville depuis près de 50 ans, l’Aéroport International de Bangboka et autres concessions privées, notamment les constructions de part et d’autre de l’aval de la rivière Tshopo.
4. Sur la rive gauche du Fleuve Congo, Madame la Gouverneur vend clandestinement environ 4000 hectares de terre, morcelés en plus d’une vingtaine de contrats de 200 ha chacun, la compétence de la Province étant limitée à 200 ha. Le bénéficiaire de la vente est la société CAP dont le vrai propriétaire se cache toujours, mais comme un éléphant dans un champ d’arachides !
5. Cependant, les terres vendues sont occupées par les Walengola et les Bambole, deux communautés qui ont toujours entretenu des relations cordiales qui ont permis une cohabitation pacifique (plusieurs unions intercommunautaires) depuis toujours.
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6. Dans cette concession se trouvent pratiquées des activités champêtres paysannes qui alimentent la ville en diverses denrées alimentaires : plantations, champs vivriers, élevage, pisciculture, vergers, etc. Il y a des concessions officiellement obtenues depuis des décennies par certaines familles.
7. Les géomètres des cadastres qui s’y rendent tout aussi clandestinement pour des mesurages d’usage sont suspectés et chassés par la population.
8. Pour pouvoir déloger les occupants en vue de faire exécuter ces contrats sorciers, Madame la Gouverneure manipule un de ces jeunes leaders qu’elle avait emmenés à Kinshasa, un certain BONI, lui-même sujet lengola de père mais de mère mbole. Celui-ci annonce à ses oncles Mbole que le terrain est vendu et qu’ils doivent dégager.
9. C’est le point de départ de cette spirale de tueries entre les deux communautés qui débordent aujourd’hui les milieux ruraux pour atteindre la ville de Kisangani, notamment la Commune de Lubunga et ses environs sur les routes Opala et Ubundu.
10.Aussi, les deux peuples qui s’entretuent sans savoir pourquoi partagent une grande forêt commune (Forêt BIYANDA) où des meurtres se pratiquent sans témoins et sans experts en comptabilité macabre.
11. Au départ, aucune action du Gouvernement provincial n’a été amorcée pour arrêter le cycle devenu aujourd’hui infernal. Par contre, Madame la Gouverneure a réussi, tout en ne maitrisant plus la situation qu’elle a créée à l’instar du magicien qui ne sait plus arrêter les forces qu’il a lui-même invoquées, à imposer une omerta sur la tournure prise par les événements, notamment le nombre effrayant des morts, à bénéficier du silence complice de la majorité des élus provinciaux et des membres du Comité provincial de sécurité, à intimider tout le monde en usant d’un trafic d’influence ignoble et inacceptable. L’instigateur BONI, connu et reconnu, vit aujourd’hui sous la protection de l’autorité provinciale, après une timide interpellation par une instance judiciaire boyomaise.
12. A ce jour, les tueries ont commencé sur l’autre rive de la Tshopo, impliquant cette fois les Kumu, l’autre communauté autochtone, elle aussi vraisemblablement instrumentalisée par Madame la Gouverneure de la Tshopo et opérant sans scrupule et en toute impunité.
13. Le gouvernement provincial ayant brillé par une incompétence dramatique à sécuriser les peuples compte tenu des intérêts propres à Madame la Gouverneure et de ses protecteurs locaux et centraux, étant elle-même à l’origine du conflit, le Gouvernement national ayant fait preuve, par l’indifférence du Ministère de l’Intérieur (où l’on semble encore douter de l’existence des contrats aujourd’hui rendus publics) qui hésite à interpeller l’auteur intellectuel de ces massacres, le dernier recours reste le Chef de l’Etat.
14. Plus on tarde à stopper les massacres intercommunautaires aveugles, plus la situation sera mortellement complexe.
15. Toutes les manœuvres tendant à impliquer des anciens et nouveaux politiciens locaux relève du dilatoire et de la digression. Bien au contraire, toute l’élite de Kisangani (dont moi-même) a laissé faire. L’Université (Kisangani est ville universitaire depuis 60 ans cette année), le Barreau, les Confessions religieuses (sauf timidement l’Eglise catholique lorsqu’elle fit elle-même attaquée), la Société civile (agissante contre un professeur d’université qui, malgré la faute grave commise, n’a ni tué ni blessé, mais atone face à des atrocités meurtrières qui se déroulent à ses yeux), les élus (nationaux et provinciaux), les jeunes instruits, les partis politiques, les personnalités notables… tous se sont tus et se sentent aujourd’hui coupables par omission de dénonciation ou par indifférence ou par lâcheté !!!
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16. Un Député provincial a tenté de recourir aux moyens parlementaires d’interpellation. Il a été tourné en bourrique par ses collègues au cours d’un huis clos de l’Assemblé provinciale en présence de l’autorité provinciale. Un second a tenté et s’est heurté au refus du bureau de l’AP de réceptionner le courrier ainsi qu’au même refus des instances judiciaires de transmettre ce courrier par les agents patentés de la Justice. En fait, la législature se clôture et l’affaire sera noyée dans les brouhahas de la compagne électorale !
17. Tous, moi y compris, avons tremblé ou pris peur face au charisme désolant de Madame la Gouverneure de la Tshopo ! Et il y a eu de morts. Il y a de morts. Et il y en aura tant que la complaisance envers l’auteur intellectuel de la crise sera observée.
18. Une crise, on la provoque facilement mais on l’éteint douloureusement si on ne s’y prend pas à temps.
A Kisangani, on continue à tuer à huis clos ! »
Par Emile BONGELI Yeikelo ya Ato