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    Le verdict est tombé : Madame Nadine a été condamnée à la peine de mort ce samedi 5 août 2023 pour meurtre d’une petite fille à Bagira dans la Commune qui porte le même nom, ville de Bukavu (Sud-Kivu). C’est le Tribunal de Grande Instance de Bukavu, siégeant en flagrance en matière pénale qui en a décidé ainsi.




    Le Ministère Public poursuivait Nadine pour association de malfaiteurs, assassinat, traite et enlèvement des enfants et l’administration des substances nocives, assassinat, complicité d’assassinat. Son mari était également poursuivi pour association de malfaiteurs mais a été acquitté.

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    Le corps de la petite fille Mervedi a été retrouvé sur la rivière Nyakabera non loin de chez « Vanny » (Kabare) après être disparue. Elle était, la veille, avec son frère chez une voisine au Quartier Nyakavogo dans la commune de Bagira.

    Le déroulé des événements

    Tout se passe alors que Madame Nadine organise une fête d’anniversaire le 31 Juillet pour, dit-elle, créer des liens d’amitié avec la famille de la petite « Mervedi ». Après l’anniversaire, la condamnée fera tout pour réinviter les deux enfants de la famille : Mervedi (6 ans) et son frère Daniel le 1er août.




    Curieusement, madame Nadine le fait cette fois à l’insu de leurs parents.

    Dans les après-midi vers 13 heures, les parents commenceront à poser des questions sur la destination de leurs enfants. La recherche a aussitôt commencé. La voisine a été questionnée mais elle affirmait à maintes reprises qu’elle ne connaissait la destination des enfants de ses voisins.

    Madame Nadine reconnaitra après qu’elle prenait soins de tous les enfants en leur offrant du thé et du riz.

    Daniel, le frère de la victime qui avait pris le thé offert par Nadine commencera à vomir. Nadine viendra alors annoncer à la famille de Mervedi que Daniel est malade chez-elle et qu’il a vomi.




    C’est là que la famille de Daniel trouve louche la situation et proteste, rappelant qu’il était impossible de trouver ses enfants malgré les multiples recherches. L’enfant sera quand même amené à l’hôpital. Le rapport médical de l’hôpital de Bagira renseignera déjà qu’il y avait des intoxications alimentaires liées à ce que l’enfant avait consommé. L’enfant avait des vertiges et de la conscience altérée.

    Pourtant, sa sœur Mervedi ne se fait toujours pas voir. Le papa ira demander où est sa fille qui était avec Daniel, désormais à l’hôpital.




    Madame Nadine répondra simplement qu’elle est partie. Mais comme il n’y a pas de crime parfait, le père remarque les babouches de sa fille dans la maison même. Mais la voisine prétextera que les enfants ont échangé les babouches.

    Drame : la fille a été retrouvée déjà morte avec des traces d’étranglement qui feraient penser au phénomène « Kabanga ». Nadine a été alors arrêtée. Le procès en flagrance ouvert.




    Les avocats et toutes les parties au procès ont aussi constaté que les traces d’étranglement ont été retrouvée dans son coup. On n’a pas aussi examiné son appareil génital mais plusieurs traces ont été visibles sur les cuisses, ses grandes lèvres, renseignent les discussions au cours du procès.

    Nadine sera donc acquittée pour l’infraction d’association de malfaiteurs parce que les éléments constitutifs de cette infraction n’étaient pas réunis. Ce sera la même chose pour les autres inculpations, sauf pour meurtre.




    Pourtant Nadine a continué à rejeter tout en bloc. Elle n’a rien reconnu.

    Résultat : peine de mort prononcée contre madame Nadine et acquittement pour son mari. Il n’y avait pas d’éléments de preuve prouvant qu’il avait préparé, avec son épouse, ce crime odieux.

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    Elle devra également payer 50.000 dollars américains équivalents en francs congolais à la famille de « Mervedi ».




    Le célèbre défenseur des droits humains David Bugamba, un des avocats de la partie civile, et responsable du « Pilier Legal » de la Fondation Panzi du Docteur Denis Mukwege, a salué un « procès équitable » et le verdict alors que le Ministère public a fait appel de cette condamnation. (Comme dans toutes les condamnations à la peine de mort qui n’est pas exécutée en RDC depuis des années).

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    La défense n’exclut pas également d’interjeter appel contre ce verdict malgré le fait qu’elle s’est dite « satisfaite » que l’un de ses clients (en l’occurrence le mari de la condamnée) soit reconnu innocent. Mais l’appel du Ministère public suffit, dans ce cas.

    Meurtres et enlèvements récurrents

    Ce procès suivi de condamnation est un des rares cas instruits par la justice dans les cas d’enlèvements et meurtres devenus monnaie courante à Bukavu et sur l’ensemble de la Province du Sud-Kivu.

    Ce procès Nadine apparait donc comme pédagogique dans une province devenue l’épicentre d’un phénomène criminel que les autorités ne savent toujours pas expliquer.

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    En effet, chaque jour, chaque semaine, des cas d’enlèvements suivis parfois des morts sont rapportés. Malgré l’appel des défenseurs des droits humains envers les autorités, les enquêtes ne semblent pas avancer alors que le phénomène s’amplifie.

    Au moins 7 personnes ont été victimes d’enlèvement au Sud-Kivu au cours du mois de juin écoulé contre 10 au mois de mai.  Le gros vient d’Uvira avec trois cas suivi de Bukavu avec 2 cas, explique, l’organisation SAJECEK Forces Vives. Une organisation spécialisée dans la gouvernance sécuritaire, notamment.

    Même si cette condamnation ne suffit pas à elle seule pour expliquer l’ampleur du phénomène et dénicher les différents acteurs, ceci constitue, selon plusieurs habitants, un cas d’école pour ceux qui s’adonneraient à des actes criminels de ce genre.

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    La justice saura-t-elle aller plus loin que le cas Nadine? C’est le vœu de tous à Bukavu. 

    Jean-Luc M.

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