Plaidoyer pour Kalehe : Une des plus grandes catastrophes naturelles de l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) mérite plus d’attention et une plus grande solidarité
Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC et Cheffe de la MONUSCO
Les fortes pluies du 4 mai dernier ont occasionné dans le territoire de Kalehe (Sud- Kivu) des coulées de boues emportant une grande partie des villages de Bushushu et Nyamukubi. Le bilan officiel fait état de 438 morts, plus de 5000 disparus et des milliers de sinistrés.
Face à l’ampleur de cette tragédie, je me suis rendue sur place en tant que premier responsable du système des Nations Unies en RDC, afin de présenter mes condoléances aux autorités de la RDC, aux populations si durement éprouvées et aussi exprimer toute ma compassion à ces milliers de familles qui ont pratiquement tout perdu au lendemain de ce qui apparaît comme l’une des plus grandes catastrophes naturelles de l’histoire de la RDC.
A Bushusu, j’ai vu des veuves déboussolées, des orphelins hagards mais aussi une communauté soudée, malgré le deuil. J’ai rencontré deux jeunes de 19 et 14 ans, incapables de s’éloigner de la montagne de boue sous laquelle leurs parents, leurs six petits frères et sœurs et ce qui fut leur maison sont ensevelis. J’ai vu aussi un père de famille sous le choc, réalisant qu’il ne lui reste que sa petite fille de deux ans, son épouse et ses autres enfants ayant péri dans le désastre. Des drames indicibles qui en disent long sur l’énorme catastrophe qui a endeuillé cette partie du pays.
La famille des Nations Unies et les partenaires humanitaires sont mobilisés pour appuyer les efforts des autorités nationales et provinciales, porter secours aux victimes et surtout éviter qu’un drame sanitaire ne s’ajoute à cette tragédie.
J’appelle la communauté internationale, les bailleurs de fonds, les amis de la RDC et toutes les bonnes volontés à mobiliser les fonds nécessaires pour cette urgence humanitaire.
Je les invite à coordonner leurs interventions pour plus d’efficacité. Le coordonnateur humanitaire, Bruno Lemarquis, a déjà alloué 3 millions de dollars du Fonds humanitaire en RDC en assistance aux victimes pour la réponse immédiate.
Mais cela est loin d’être suffisant devant l’ampleur des besoins, y compris en termes de relèvement et de reconstruction, qui devront démarrer le plus rapidement possible pour éviter que le provisoire ne devienne permanent. Les autorités nationales et provinciales, les agences, fonds et programmes du système des Nations Unies, les ONG locales et internationales sont présentes sur place pour apporter assistance aux victimes et ont besoin d’appui.
Pour ce qui est de la MONUSCO, j’ai déjà instruit les services d’ingénierie au sein de la Mission de construire un pont temporaire au-dessus de la rivière Luzira pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et l’accès aux zones sinistrées.
Selon plusieurs discussions que j’ai eues avec des témoins de la catastrophe, il est difficile d’établir avec exactitude un bilan car le drame est survenu un jour de marché à Nyamukubi et beaucoup de victimes n’habitaient pas dans la zone. Ils venaient de lointaines contrées pour participer au marché hebdomadaire organisé au bord du lac, devenu, malheureusement, la dernière demeure de nombreuses victimes, englouties par les flots provenant des rivières voisines. Une catastrophe climatique qui rappelle l’impérieuse nécessité de délocaliser les villages situés sur des zones impropre à l’habitation, une doléance émise avec insistance par les acteurs de la société civile locale, les femmes et les jeunes avec qui j’ai longuement échangé.
Ces acteurs locaux m’ont fait part d’une autre doléance et non des moindres : la reconstruction du tronçon de la Route Nationale 2, complètement détruit par les fortes pluies et qui occasionnent l’enclavement des villages affectés. Un travail titanesque qui requiert une collaboration large et des expertises diverses. La MONUSCO est disposée à relayer le plaidoyer auprès des partenaires et à appuyer, dans la limite de ses moyens, les autorités nationales pour alléger les souffrances des populations éprouvées.
Ma conviction profonde est que les aléas naturels ne doivent pas nécessairement se transformer en catastrophes meurtrières. Il n’y a pas de fatalité. Ces inondations dramatiques doivent servir de rappel et stimuler l’action par rapport à la prévention et la gestion des risques de catastrophes.
En ces temps de mobilisation générale pour d’autres crises et catastrophes naturelles, il est essentiel que les sinistres de Kalehe ne soient pas oubliés. La RDC et ses nombreuses crises mérite qu’une plus grande attention lui soit portée par la communauté internationale.
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