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L’étonnante déclaration de Modeste Bahati Lukwebo, le Président du Senat congolais, contre la Mission de l’ONU pour la Stabilité de la RDC (MONUSCO), alimente débats et questionnements ! A quand date la radicalisation de Modeste Bahati Lukwebo ?

Lors de son adresse à la population de Bukavu, au Sud-Kivu, Bahati Lukwebo n’a pas ménagé la plus grande mission de maintien de la paix de l’ONU dans le monde ; celle affectée en RDC depuis près d’un quart de siècle. 

« La MONUSCO doit plier les bagages… nous-mêmes nous allons assurer la paix, la sécurité et l’intégrité de notre territoire », a annoncé Lukwebo, dans un meeting qu’il tenait à la Place de l’Indépendance, dans le cadre de ses vacances parlementaires. Il l’avait déjà dit dès son passage à Goma au Nord-Kivu. 

Lire aussi: Bahati Lukwebo à Goma: «Nous nous demandons si ça vaut la peine de garder la Monusco sur notre territoire»

Si cette inédite déclaration s’adjoint à une série d’actions mettant en cause l’importance de la MONUSCO pour le rétablissement de la paix en RDC, le changement brusque de rhétorique de l’élu des élus du Sud-Kivu étonne plus d’un observateur.

Certes qu’elle est couramment critiquée pour l’inefficacité de son intervention militaire, et son départ a toujours fait l’objet de débat. Plusieurs fois des politiques congolais, même au plus haut sommet, ont évoqué le retrait (définitif ou progressif) de cette mission.

Elle n’y est jamais parvenue ! La MONUSCO n’a jamais réussi sa  mission de stabiliser l’Est de la RDC. Pourquoi, et pour combien de temps, la maintiendrait-on donc ? Ce questionnement est ressorti à plusieurs reprises de la bouche de Joseph Kabila, alors Président de la République.

Curieusement, toujours dans le cercle restreint du pouvoir depuis l’ère Mobutu, Modeste Lukwebo ne s’est prononcé ni en faveur ni contre cette expédition, alors que des populations civiles sont couramment massacrées dans la zone de Beni, et dans divers coins du Nord et du Sud-Kivu, régions dont il réclame l’appartenance. Toujours silencieux, Lukwebo refuse souvent d’exister dans des débats ayant trait à la sécurité, à l’intégrité territoriale ou à ceux qui touchent les intérêts du plus grand nombre.

Pourtant sous Joseph Kabila, alors qu’il avait le statut de super ministre, l’un des enfants terribles du système, Bahati Lukwebo était perçu comme le porte-voix et le principal gardien des intérêts du Kivu, au sein des différents gouvernements et n’avait jamais évoqué clairement cette question liée à la Monusco. Fin calculateur, et tacticien sans semblable dans le sciage politique, Modeste Bahati Lukwebo a survécu à tous les remaniements gouvernementaux.

Etonnant, ses différentes sorties médiatiques et autres interventions publiques portaient principalement sur sa santé politique que sur l’intérêt de sa communauté. Ceci lui vaudra une série de sanctions populaires, car il se fit élire difficilement élu à la députation nationale à Kabare en 2011 (après recours à la Cours Suprême de Justice). En 2018, ce fit plus difficile pour l’homme de Katana, qui choisit cette fois de solliciter les votes de la population urbaine.

Mauvais calcul ! Malgré des moyens colossaux mis en jeu, et une campagne à l’américaine, Lukwebo n’a pas réussi à faire partie de 5 meilleurs élus de la ville de Bukavu. Peut-être pas même parmi les cinq premiers perdants. 

Pourquoi Lukwebo s’acharne-t-il contre la MONUSCO?

Tant l’hostilité de Modeste Bahati Lukwebo à l’égard de la mission onusienne (MONUSCO)  étonne plus d’un, la procédure qu’il a adoptée semble plus anodine, et son efficacité reste à remettre en cause.

Venu pour des vacances parlementaires, l’élu du Sud-Kivu se devait de présenter un rapport bilan à sa base, pour élucider l’efficience de son mandat au Sénat.

Speaker de la chambre haute, n’aurait-il pas mieux fait d’initier une action parlementaire pour écourter le mandat de la mission, plutôt qu’en faire matière de propagande pendant ses vacances ? Ou bien, n’aurait-il pas dû faire une proposition solennelle au chef de l’Etat évoquant cette mesure comme une alternative pour le retour de la paix ?

Agissant tel qu’il l’a choisi, adoptant même le langage du Rwanda contre la Monusco et se réservant de citer le pays agresseur connu de tous, plus d’uns peuvent constater que le président du Senat vise autre chose que le départ de la MONUSCO.  

Conscient de la méfiance de la population du Kivu à l’égard de la force onusienne, Bahati aura bien choisi ses mots pour corser sa côte de popularité. Mais, on doit le reconnaître, ce n’est pas facile !

Tout se joue autour du leadership à l’Est de la RDC

Président de la chambre haute du parlement, Modeste Bahati se voit dans la peau du représentant légitime de la partie orientale de la RDC au sommet des institutions. De ce fait, l’élu du Sud-Kivu tient contre vents et marrais à s’attirer le plus de sympathie de la part de la population, et cela à travers tout message susceptible d’accrocher.

Déjà moins enthousiasmant au niveau de la base, Bahati Lukwebo n’est pas prêt à digérer sa stature de leader sans arrières solides. Malheureux aux derniers scrutins à la députation nationale, il n’a pu sauver sa carrière que par une élection inattendue à la sénatoriale, un vote au scrutin universel indirect avec toutes les histoires négatives qu’on lui colle.

Selon toute vraisemblance, le leader de l’AFDC voudrait profiter de l’absence du devant de la scène de certains leaders naturels de la zone linguistique swahiliphone pour se rattraper !

Cependant, la carte semble tourner un peu à l’envers au vu des derniers événements qui risquent de maintenir la hiérarchie intacte.

La disculpation de Vital Kamerhe, après plus de 2 années de détention dans le dossier dit des maisons préfabriquées, compliquera sans doute la carte à Bahati. Il le sait et toutes ses sorties comme actions, sont faites en fonction de la posture de Kamerhe, dont la popularité dans la région est restée intacte. C’est également le retour sur les devants de la scène de l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo.

Leader de la même zone linguistique, Augustin Matata venait à peine de révéler ses ambitions à vouloir briguer la magistrature suprême aux prochaines échéances électorales.

Pour l’instant, Lukwebo a promis monts et merveilles dans la ville de Bukavu et ses périphéries, espérant rattraper le retard encaissé en choisissant de ne servir que les membres de sa famille depuis des années. Peut-être que cette posture populiste lui réussira mais Bukavu est une ville « rebelle ». Elle a du mal à accepter ceux qui viennent en dernier lieu avec cadeaux et discours mielleux! Mais pour la foule, les billets des dollars distribués comptent et mobilisent, pour l’instant!

Jean-Luc M.

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