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Ce dimanche 13 février 2022, l’humanité a célébré la 11ème édition de la journée mondiale de la Radio. A ce jour, la radio reste l’un des médias les plus fiables et les plus utilisés. A l’occasion de cette journée, l’UNESCO a appelé toutes les stations de radio du monde entier à célébrer cette 11ème édition, qui a comme thème « Radio et Confiance, » en renforçant la confiance dans le journalisme radio, à travers la production d’un contenu indépendant et de qualité. Cette indépendance, et la neutralité, c’est ce qu’a choisi la Radio communautaire Amani, seul média basé à Rubaya, dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu, face au conflit entre la Société Minière de Bisunzu (SMB) et la Coopérative des Exploitants Artisanaux Miniers de Masisi (COOPERAMMA), qui secoue cette cité minière depuis une dizaine d’années.

Le conflit minier entre SMB et la Cooperamma date de plusieurs années. À la base de ce conflit, des irrégularités qui avaient animé l’installation de la SMB à Rubaya, et le probable non-respect de ses engagements vis- à-vis de la Cooperamma. La cohabitation entre ces deux structures minières est devenue quasi impossible, malgré les différents appels au calme, et les procédures judiciaires qui ont eu lieu.

La Cooperamma est la structure minière qui encadre le plus grand nombre de creuseurs artisanaux de la province du Nord-Kivu, dont certains sont des négociants, auprès de qui la SMB est censée acheter les minerais. Mais selon la Cooperamma, au lieu de passer par elle, la SMB mène des manœuvres sur terrain pour se procurer directement ces minerais.

L’autre élément à la base du conflit est le titre minier que la SMB a obtenu en 2001. Selon la Cooperamma, la SMB n’avait pas respecté la procédure réglementaire telle que stipulée dans le code minier de la République démocratique du Congo. Ce qu’a toujours réfuté la SMB, que la Cooperamma accuse également de prétendre être une société industrielle, alors qu’elle n’a aucun indice d’industrialisation des minerais.

Entre-temps, ce conflit continue de faire des victimes, notamment des morts dans la zone minière de Rubaya, où se trouve le Périmètre d’exploitation (P.E 4731) de plus de 3.000 hectares. Les personnes se réclamant d’une partie ou de l’autre, sont très souvent victimes d’exécutions extra-judiciaires.

Dans cette cité d’une population d’environ 100.000 habitants, la principale activité demeure l’extraction minière, pratiquée souvent dans des conditions infrahumaines. Située à 63 kilomètres de Goma, l’insécurité en territoire de Masisi y a amené un plus grand nombre d’habitants, fuyant des affrontements. Une seule radio y a survécu depuis 2014 : la Radio communautaire Amani (RCA). Elle couvre tout le territoire de Masisi, et une partie des territoires de Rutshuru, Lubero et Walikale [Nord-Kivu], ainsi qu’une partie de Kalehe [Sud-Kivu].

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En polo bleu, le Directeur de la RCA Rubaya. Sa radio compte une dizaine de journalistes

Dans un entretien avec laprunellerdc.cd, le Directeur de la RCA Rubaya, André Gitega, estime que c’est la neutralité qu’a choisi sa radio, qui a fait à ce que jusqu’à ce jour, aucun de ses journalistes n’a été victime de ce conflit.

«C’est depuis le 19 juin 2014 que la radio communautaire Amani a été créé dans le cadre du projet conjoint consolidation de la paix autour de la zone minière et artisanale de Masisi, finance par le Gouvernement Japonais avec le PNUD, sa mise en œuvre a été faite par l’ONG Seach for Common Ground. C’est depuis la création qu’on a mis en place un comité de gestion qui gère la radio et ses émissions au quotidien. C’est le seul media émettant ici à Rubaya. Vous savez que nous sommes dans une zone minière très conflictuelle, qui a été décimée par des groupes armés. La population très traumatisée, se heurtent à des multiples conflits, notamment celui entre la SMB et la Cooperamma. Mais nous, nous ne diffusons pas des informations pouvant conduire à la haine ou à la division. Nous restons juste neutres. Si non ces genres des conflits nous les avons vécus et nous avons cherché comment les surmonter. Car depuis la création aucun de nos journalistes n’a été menacé ou agressé,» déclare-t-il.

Mais à part ce contexte sécuritaire tendu, André Gitega explique que sa radio fait face à plusieurs autres difficultés, liés notamment aux moyens financiers, et à l’accessibilité de la station de radio.

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Le studio de la RCA Rubaya

«Nous fonctionnons grâce à des petites contributions de la population, des partenariats au niveau local, des églises qui donnent quelque chose pour faire passer leur message, des spots et publicités. Et donc c’est grâce à ces petits moyens que nous trouvons quelque chose à payer aux journalistes mais aussi pour fonctionner, en achetant des matériels en remplacement des anciens. C’est depuis 2014 que nous avons mis en place le comité de gestion, mais on n’a pas mis sur pied des activités génératrice de revenus pour faire vivre la radio. Nous vivons donc au taux du jour. Et si nous ne trouvons pas de partenariats, on risque même de manquer de quoi donner à nos journalistes, ou bien acheter les matériels» explique le Directeur de la RCA Rubaya.

Et d’ajouter: «Comme vous l’avez constaté, nous sommes au centre minier de Rubaya, mais la radio elle est sur la colline de Kishusha. Et il faut au moins 1 heure de marche à pied pour l’atteindre. Il y a un grand trajet. C’est pourquoi nous sommes entrain de chercher comment alléger la tâche à ces journalistes en mettant en place un autre studio de renforcement au centre de Rubaya,» affirme-t-il.

8 ans après, la Radio communautaire Amani envisage déjà d’avoir une chaîne de télévision. Une avancée, qui selon son Directeur, ne sera possible que grâce à l’implication des uns et des autres.

Freddy Ruvunangiza et Museza Cikuru, de retour de Rubaya

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