Le Professeur Stanislas Baleke séjourne dans la Province du Sud-Kivu depuis le 10 novembre dernier. Il est à la tête d’une forte délégation dépêchée par le Président du sénat, Modeste Bahati Lukwebo, avec comme objectif de compatir avec la population de Bukavu après l’attaque armée qui a fait des morts et des blessés en début du mois de novembre en cours.
Ancien de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23), l’un des bras droits du sénateur Modeste Bahati Lukwebo, Stanislas Baleke a profité de son passage en province pour aller dans son fief de Luvungi en territoire d’Uvira. Objectifs: rencontrer les habitants de cette contrée et procéder à l’inauguration d’une école construite par lui dans le groupement d’Itara.
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Mais que s’est-il réellement passé à Luvungi lors de ce passage plutôt mouvementé?
En effet, comme on peut le voir dans une vidéo qui fait la ronde des réseaux sociaux, une foule est descendue au lieu d’accueil de Stanislas Baleke, banderoles à la main, scandant des chants hostiles envers celui-ci, lui demandant de retourner au M23.
« M23, M23, M23, M23… », pouvait-on entendre dans cette vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux.
Ces habitants avaient des affiches sur lesquelles on pouvait lire « M23 », comme pour rappeler à Stanislas Baleke son passé récent dans ce mouvement rebelle.
Cette information est confirmée par plusieurs sources présentes à Luvungi, qui soulignent que malgré l’insistance de cette frange de la population, qui ne voulait pas voir un « ancien » rebelle dans son milieu, l’homme a quand même bravé la peur et est allé jusqu’au lieu prévu pour son meeting. Ses autres activités ont eu lieu comme prévu.
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En fait, le Professeur Stanislas Baleke est un ancien cadre du Mouvement du 23 Mars « M23 ».
En octobre 2012, le Journal « Le Figaro » l’avait déjà repéré en France.
Ici, Stanislas est présenté comme celui qui gère le Ministère du Tourisme et de l’Environnement d’un gouvernement tranquillement installé dans le territoire de Rutshuru et qui a pu y établir une administration parallèle des plus complètes.
Calmement installé dans sa maison de Haute-Loire, il était impossible de deviner que ce Congolais, diplômé de philosophie de l’université de Lyon, vivait déjà une double vie comme porte-parole d’un mouvement rebelle qui mettait l’Est du Congo à feu et à sang.
« Le M23 est très structuré. Nous pensons à tous les aspects nécessaires au bien-être de la population et au bon fonctionnement du territoire. Mon objectif est que l’environnement soit respecté et que les touristes puissent venir voir les gorilles », avait déclaré Baleke.
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Avant de poursuivre :
« Ce que j’ai appris en France c’est le sens de la Révolution, des droits de l’homme et la revendication de ces droits dans la rue. Je voudrais appliquer cela au Congo », avait-il déclaré.
L’homme était donc à tous les rendez-vous pour « vendre » l’image de son mouvement rebelle dans les capitales occidentales.
Mais en Avril 2014, Stanislas Baleke fait partie des premiers à bénéficier de l’amnistie parmi les premiers 410 membres du M23. Il se lance donc calmement en politique.
Coup monté?
Dans la région de Luvungi, Stanislas Baleke ne peut pas être tranquille. Ils sont nombreux, des leaders politiques qui se disputent la région.
C’est à l’exemple du député national Luc Mulimbalimba condamné par la Justice militaire à 10 ans de prison pour complicité dans le meurtre d’un jeune de la région. Depuis, il vit en fugitif à l’étranger mais ne digère pas que son « fief » soit occupé par quelqu’un d’autre.
Dans des messages sur les réseaux sociaux, les partisans de Baleke accusent d’ailleurs le camp Mulimbalimba d’avoir monté ce « coup ». Tous deux sont de l’AFDC.
« C’est un coup monté. Regardez juste ceux qui partagent ces images et vous comprendrez que nous faisons peur. Nos adversaires utilisent tous les moyens pour nous détruire » affirme un partisan du Prof. Baleke.
Un réveil des habitants?
Les populations locales commencent-elles à se réveiller et à être exigeantes par rapport au passé rebelle des hommes politiques congolais? C’est en tout cas ce qu’espèrent plusieurs acteurs de la Société Civile du Sud-Kivu impliquées dans la lutte pour la justice transitionnelle en République Démocratique du Congo.
Depuis l’engagement du Prix Nobel de la Paix, le Docteur Denis Mukwege, en faveur de la justice en faveur des victimes des crimes graves commis en RDC, les lignes commencent à bouger. Les acteurs sociaux, les couches de la population évoquent de plus en plus le passé de plusieurs acteurs politiques.
Un activiste pro-démocratie pense d’ailleurs que c’est le début d’un réveil. Il pense que « coup politique » ou pas, les habitants n’ont rappelé que les « faits ».
« Il est clair que nos acteurs politiques actuels réfléchiront deux fois pour faire partie des groupes armés rebelles qui font souffrir nos populations. Leurs atrocités sont encore fraiches dans notre société », commente-t-il sur les réseaux sociaux.
A l’heure où on accuse les rebelles du M23 d’avoir fait une incursion dans la région de Rutshuru il y a quelques jours, cette actions de certains habitants de Luvungi est donc explicable, répond un acteur politique du PPRD.
Le Kivu pense encore aux séquelles de la guerre avec les différentes rebellions ayant fait des millions des morts. Il est peut-être temps que les uns et les autres reviennent vers les habitants pour faire un « mea culpa » sincère avant que la justice n’établisse le rôle de chacun dans le désastre congolais.