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    Théo Ngwabije Kasi, est le Gouverneur que des habitants du Sud-Kivu considéraient comme issu de son sein. En effet, arrivé au pouvoir en 2018, il venait remplacer des Gouverneurs qui venaient de Kinshasa, qu’on appelait à Bukavu « des gouverneurs importés ».

    Le Gouverneur « providentiel ».

    Ils étaient nombreux qui réjouissaient que le nouveau Gouverneur soit quelqu’un qui vit à Bukavu, lui et sa famille. « Au moins lui on connaît sa résidence », commentait un acteur de la société civile, juste après son investiture par le gouvernement provincial.

    Plongé dans le tourment politique suite à la division de son regroupement politique Alliance des Forces Démocratiques du Congo et Alliés (AFDC-A), Ngwabidjé est sommé de démissionner ou de faire allégeance à Joseph Kabila.

    L’homme fort de Nyamoma obtient le soutien total de la société civile et des forces vives de la province. « Il faut sauver Ngwabidje », lancent-ils ;eux qui pensaient que la province avait une mauvaise réputation qui est celle de faire partir des Gouverneurs.

    Ceci étant vrai car en deux législatures, le Sud-Kivu venait de faire partir 4 Gouverneurs quand le Nord-Kivu gardait un seul gouverneur. « Cette situation est à la base du retard pris par la province pour son développement », pouvait-on entendre au sein de la société civile.

    Théo Ngwabije était adopté par des habitants de la province, et avec l’alternance politique au sommet du pays, l’espoir était permis.

    Que s’est-il donc passé ?

    « Je me souviens de l’homme quand il venait de prendre possession de son bureau. Théo disait qu’il n’avait pas besoin des honneurs policiers chaque matin. Et là je m’étais dit, la province a maintenant un Gouverneur « normal » . Mais quelques mois après c’est l’homme lui-même qui réclamait ces honneurs et se fâchait quand les policiers oubliaient de les lui rendre. L’homme avait changé », témoigne sous le sceau de l’anonymat un membre du cabinet du Gouverneur.

    Ce témoignage traduit ce qui s’est passé dans la vie de l’homme après que celui-ci ait pris goût du pouvoir. Et nombreux l’ont vite remarqué et parlent d’un Gouverneur « arrogant ».

    « Il n’écoute personne à part lui et un proche conseiller. L’homme dit souvent qu’il ne veut pas recevoir des leçons même de ses plus proches collaborateurs », poursuit un autre collaborateur.

    Lentement mais surement donc, le « technocrate » se lance dans la politique et la joue à sa manière. Il s’isole des habitants et est plus actif seulement sur les réseaux sociaux où il publie ses sorties. dans une communication trop souvent polémique. Il va plus s’illustrer  par des promesses non tenues, l’insouciance aux sérieux problèmes de ses habitants ou encore l’appropriation des actions ne lui appartenant pas. L’exemple des kilomètres de routes construites dans le cadre du programme de 100 jours du Chef de l’Etat en est une parfaite illustration. Theo Ngwabidje ne manque pas de s’en approprier. Ses communicateurs également. 

    Où est passé le Gouverneur ?

    La province du Sud-Kivu est en proie à une insécurité qui ne dit pas son dernier mot. A Bukavu on tue chaque jour. Des maisons sont pillées et des personnes sont braquées en pleine journée. Aucune autorité ne se prononce sur la question.

    Une situation dénoncée par la société civile qui, après des correspondances écrites au Gouverneur, des marches organisées dans les villes et territoires qui ne trouvent pas des solutions, se limite à comptabiliser le nombre des morts.

    La police n’intervient plus en cas d’appel. Du côté des services de sécurité on dénonce le manque des moyens. Même le ministre de l’intérieur se plaint du manque des moyens. « J’ai des missions de services qui restent impayées par la province », s’était-il crié devant les élus du peuple.

    L’état des routes en province reste à désirer. Si la route Bukavu-Mwenga est prise comme exemple de l’état de délabrement des routes en province, celles de Bukavu-Uvira et Uvira-Fizi ne sont pas en reste.

    Il faut dire que pour quitter Uvira vers Fizi, les véhicules sont obligés de passer dans le lac Tanganyika. Des accidents signalés chaque fois, qu’un citoyen avait crié alors qu’un camion se renversait dans le lac Tanganyika : « où est passé le Gouverneur ? ».

    A Bukavu, Uvira, Mwenga comme dans d’autres territoires, le Gouverneur Ngwabidje a fait au moins une promesse qu’il ne sait pas tenir alors qu’il s’agit d’une urgence pour les populations locales.

    L’Assemblée provinciale enfin réveillée

    L’Assemblée provinciale observait la descente de la province aux enfers et ne pouvait broncher.  L’image des élus provinciaux a été fortement écorchée par le rejet de la motion d’interpellation adressée au Gouverneur sur la situation sécuritaire en province.

    « Même nos élus ne savent pas voir que toute la province est en insécurité », s’était exclamé un citoyen après le rejet de la motion d’interpellation du député Hommer Bulakali. « Cette province n’a pas de chance », avait-il dit.

    Quelques mois après, c’est une motion de défiance qui est déposée au bureau de l’Assemblée provinciale par 5 députés. Ils reprochent au Gouverneur une négligence manifeste dans l’application des recommandations émises par leur organe et la violation du principe de séparation des pouvoirs.

    Lire aussi Sud-Kivu: Ngwabidje « vomi »

    Théo Ngwabidje est reproché également d’entorses graves dans le fonctionnement de son gouvernement, l’immixtion dans les affaires judiciaires, la mauvaise gestion des finances publiques. Mais aussi le détournement des deniers publics et des promesses non tenues.

    Sa survie à la tête du Sud-Kivu est entre les mains de l’Assemblée provinciale qui examinera ce samedi 26 décembre la motion de défiance contre lui.

    Mais ce qui étonne plus d’un est de constater le manque de soutien que jouit Ngwabidje en province aujourd’hui, lui qui était porté par le « peuple » et la société civile qui voulait à travers son choix désapprouver plus de dix ans de gestion hasardeuse de la province. 

    Comment a-t-il perdu la main? Nombreux évoquent des promesses fallacieuses, des actions de charme et la récupération des actions des organisations et du gouvernement central comme sous l’ancien régime, le manque de dialogue permanent avec des acteurs sociaux et politiques qu’il feint d’écouter pour faire autre chose, l’inconstance politique qui l’a amenée à changé de camp 3 fois au moins pendant sa gouvernance et plusieurs autres griefs. 

    Saura-t-il reconstruire la confiance des habitants au cas où les députés lui donnent une autre occasion de grâce? On le saura peut-être bientôt. 

    Thomas Uzima

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