Intervenons-nous

    Une série noire s’installe dans l’Est de la RDC.

    En ce 8 juillet 2025, les balles, les braquages, les viols et les cris ont repris leur sinistre partition. La presse de deux Kivu dans son ensemble, tire la sonnette d’alarme. À Bukavu, Baraka, Mwenga, Goma ou encore Mungbwalu, les populations paient le prix fort d’un État en décomposition sécuritaire. Mais, çà et là, quelques gestes citoyens résistent à la résignation.

    Voici la revue de presse de Séraphin Mapenzi

    Pas de nuit paisible à Bukavu.
    Selon Le Souverain Libre, une attaque armée survenue dans la nuit du 5 au 6 juillet a fait un mort et plusieurs blessés dans le quartier Nkafu, en commune de Kadutu. Bahati Bavura Faustin, 31 ans, commerçant originaire de Kabare, a été tué dans sa boutique. Cinq maisons, un bistrot et un véhicule ont également été visés.
    Le journal rappelle qu’en moins d’une semaine, quatre corps sans vie ont été ramassés dans ce même quartier. La société civile dénonce une absence criante des services de sécurité, et redoute une banalisation de la violence.

    Même ambiance de tension à Baraka, cette fois dans les rangs mêmes des groupes d’autodéfense.

    Lire aussi : Sud-Kivu : des hommes armés braquent un convoi entre Kamituga et Bukavu, de l’or et de l’argent emportés

    Selon Kivu Times, un élément des Wazalendo a été abattu par l’un de ses compagnons, dimanche 7 juillet, dans une beuverie qui a mal tourné.
    Un incident, certes isolé, mais symptomatique d’une militarisation sans encadrement, estiment plusieurs habitants. Le média rappelle qu’en février déjà, un autre commandant wazalendo avait trouvé la mort dans des circonstances similaires.

    Le constat est le même sur la route nationale numéro 2.

    Dans son article, La Prunelle RDC relate un braquage ciblé ce lundi 7 juillet, dans les escarpements de Kisango, territoire de Mwenga. Trois hommes armés, dont un en uniforme militaire, ont intercepté un motard. Les assaillants, manifestement bien informés, détenaient une photo du transporteur, des clés adaptées, et savaient exactement où chercher : ils ont mis la main sur une importante quantité d’or et d’argent, propriété de la maison Fish Phone de Kamituga.

    Un fait loin d’être isolé. La Prunelle RDC rappelle qu’à peine dix jours plus tôt, le 29 juin, des fidèles de la 5e CELPA avaient été attaqués à Kandangu, alors qu’ils se rendaient à une retraite spirituelle.

    À Mungbwalu, dans le territoire de Djugu, c’est la violence sexuelle qui revient au-devant de l’actualité.

    Les Volcans News rapporte qu’une femme a été violée dans la nuit du 6 au 7 juillet par cinq hommes. Le drame a eu lieu dans sa propre maison, mais grâce aux cris de la victime, un voisin a pu alerter la police, permettant l’arrestation des agresseurs.
    L’agent de la PNC Michel Lifenge, cité par le média, accuse les drogues et les stupéfiants de favoriser ce genre de violences. L’enquête est en cours, et la victime reçoit des soins.

    Lire aussi : A la Une ce lundi matin: Crédit Bonobo à Kinshasa, crédit de survie à Kabare (Revue de presse)

    À Goma, ce n’est pas la violence armée, mais la misère sociale qui tue à petit feu.

    Dans un reportage poignant, Radio Go FM dresse le portrait d’une ville où les orphelinats sombrent dans l’oubli. À l’orphelinat Amour Foyer de l’Espérance, 109 enfants survivent sans aide régulière. « Depuis le début de l’année, la vie est devenue presque impossible », témoigne Judith Karkezi.

    Le média évoque une situation d’urgence humanitaire larvée, aggravée par l’insécurité, l’inaccessibilité des aides et la lassitude des donateurs. Une détresse invisible, mais bien réelle.

    Face à cette détresse, certains agissent.

    Dans un article publié par la RTNK Bukavu, on apprend que le Mouvement des Jeunes Charitables (MJC) a rendu visite le week-end dernier aux enfants du centre CROFEM à Bagira. Vivres, repas chauds, moments de joie : un peu de lumière dans un paysage bien sombre.

    « Chaque geste compte », insiste la coordinatrice du MJC, Neema Shindano Grâce, qui appelle à un sursaut citoyen. Une action saluée aussi par le pasteur Jérémie Ciza, qui souligne son opportunité.

    Une autre forme de résistance se tisse à la machine à coudre.

    À Bukavu, la Coopération suisse a organisé le défilé « Made in Bukavu », mettant en avant neuf créateurs textiles dont la plupart sont de jeunes femmes.

    Le Courrier de Bukavu et Mama Radio saluent l’initiative, qui valorise non seulement le savoir-faire local, mais aussi l’art du recyclage textile.

    Trois collections ont été primées : MG CollectionMaja Machine et Édith Couture.
    « C’est une mode qui parle, qui dénonce, qui crée du lien », a commenté Thomas Jenatsch, représentant de la Coopération suisse. Un podium comme acte de foi.

    Côté institutionsLife Info revient sur la promulgation de la “Loi Loando”, annoncée samedi 5 juillet.
    Le texte vise à rationaliser l’usage du territoire national, en luttant contre les constructions anarchiques et les conflits fonciers.
    Le ministre Guy Loando, cité par Life Info, parle d’un texte historique, qui donne enfin au pays un cadre moderne, décentralisé et inclusif pour planifier son développement.

    Lire aussi : A la Une : Uvira sous le choc, Bukavu en flammes et endeuillée (Revue de presse)

    EnfinJambo RDC donne la parole à Joseph Konda, président du centre culturel Ndaro à Bukavu, qui alerte sur les discours de haine, amplifiés par les réseaux sociaux.
    « Quand la haine dure, elle traverse les montagnes », résume-t-il. Son appel : reconstruire la paix, aussi avec les mots.

    Et justement, il y a des mots qui rassemblent : le Kiswahili célébré, questionné, espéré.

    Le 7 juillet, l’Afrique a célébré la Journée mondiale du Kiswahili, seule langue africaine honorée par une journée officielle des Nations Unies.
    La Prunelle RDC rappelle que cette langue parlée par plus de 200 millions de personnes est langue officielle de l’Union africaine, de la SADC et de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est. En RDC, environ 40% de la population la parle, notamment dans les provinces de l’Est.

    Mais si le Kiswahili est un symbole d’unité et d’identité africaine, sa transmission est en péril.

    Watoto News, dans un reportage depuis Bukavu, note que dans de nombreuses écoles et familles urbaines, les enfants sont élevés en français ou en anglais. Le swahili devient une langue de rue, reléguée à l’informel.

    Josué, 10 ans, explique :

    « Chez moi, on me parle uniquement en français. Le swahili, je l’apprends en écoutant maman parler avec les visiteurs, ou dans la cour de récréation. »

    Pour Joseph Birindwa, père de famille cité par Watoto News, le risque est grave :

    « L’enfant ne connaît plus les proverbes, ni les contes, ni les valeurs transmises dans sa langue. Au village, il ne sait plus parler à ses grands-parents. C’est nous les parents qui avons échoué. »

    Les deux médias appellent à réintroduire le swahili dans l’éducation, la littérature enfantine, les médias jeunesse, pour faire de cette langue un vecteur de fierté et de cohésion.
    « Apprendre à parler et écrire le swahili aux enfants, c’est les faire grandir enracinés, capables de dialoguer avec le monde sans oublier leurs origines. »

    Et si, face aux balles et aux blessures, il ne nous restait que les mots ?
    Ceux du Kiswahili, langue de paix, de contes, de tendresse et de résistance.
    Ceux des enfants, quand on leur apprend à nommer leur monde avec fierté.
    Ceux des citoyens, quand ils choisissent de partager un repas plutôt que de se résigner.
    Dans ce Congo meurtri, chaque mot qui soigne, chaque geste qui relie, est une victoire. Petite. Mais précieuse.

    C’est la fin de cette revue de presse de Séraphin Mapenzi. Merci de l’avoir suivi et à très bientôt.

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