Intervenons-nous

A Minembwe, le bourgmestre de la Commune rurale qui porte le même nom dans le territoire de Fizi (Sud-Kivu)  a été installé le lundi 28 septembre 2020; en présence d’une forte délégation des officiels venus de Bukavu et Kinshasa.

Peu après cette installation, une vive polémique a envahi la toile congolaise. Les commentaires y vont dans tous les sens. Que s’est-il réellement passé à Minembwe le lundi 28 septembre 2020 ?

C’est en tout cas la principale question sur les lèvres de plusieurs citoyens au Sud-Kivu et en République Démocratique du Congo. LaprunelleRDC.info revient sur cette cérémonie « improvisée » qui fait couler ancre et salive.

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Tout commence avec la « caravane de la paix ». Il s’agit en fait d’une délégation mixte conduite par le ministre de la Défense Nationale de la République Démocratique du Congo avec plusieurs élus nationaux et quelques notabilités des provinces touchées par l’insécurité.

La délégation avait comme itinéraire Bunia en Ituri, Beni au Nord-Kivu, Minembwe-Kipupu au Sud-Kivu, Muliro et Kipushi au Tanganyika ou encore Lubumbashi-Kasumbalesa au Haut-Katanga. Elle avait pour missions d’écouter la population et les militaires et proposer les pistes des solutions, observer la situation sociale des militaires aux Fronts; se faire une idée sur comment utiliser les militaires en temps de guerre et de la Paix (Industrie militaires), etc.

Dans les premières destinations, la délégation ne connaît aucun problème, tout roule comme sur des roulettes. Le message de paix est lancé et la caravane avance. Arrive alors le tour du Sud-Kivu.

Ruberwa s’invite dans la danse

Le ministre de la décentralisation Azarias Ruberwa n’est pas dans la première délégation constituant la caravane de la paix dans les provinces à insécurité.

Pourtant, il arrive à l’aéroport de Kavumu  avec Théo Ngwabidje Kasi, le Gouverneur pour se retrouver quelques minutes plus tard à Minembwe dans une autre mission, apprend-t-on.

Une cérémonie « improvisée »

A Minembwe, plusieurs membres de la délégation constituant la « caravane de la paix » n’ont aucun programme sur une probable installation de l’animateur de la commune. Pourtant, ce programme se retrouve au rendez-vous. Les remous commencent en ce moment-là.

Le député Pardonne Kaliba qui faisait partie de la délégation le dit d’ailleurs après la polémique sur les réseaux sociaux.

«Je ne suis pas allé dans une mission pour l’installation d’un bourgmestre à Minembwe. C’est à Kavumu que nous rencontrons le ministre Ruberwa avec le Gouverneur du Sud-Kivu. Ils sont les seuls à connaitre leur mission pour l’installation des animateurs de la commune. Ni moi, moins encore le ministre de la défense n’étions au courant de son programme. Nulle part la délégation a fait mention de l’installation de cette fameuse commune de Minembwe. C’est là que nous nous sommes rendu compte qu’il est venu installer un bourgmestre. Nous n’avons plus réussi à nous rendre à Pinga et Kipupu à cause des désaccords nés déjà à l’aéroport de Minembwe.  J’ai alors refusé de faire le chemin avec lui parce que c’est un semeur des troubles. Nous n’avons pas été d’accord. Cette histoire a été faite frauduleusement. C’est un complot de Ruberwa», explique-t-il dans un audio largement relayé sur les réseaux sociaux.

La cérémonie n’était pas prévue, reconnait le ministre de l’intérieur. Il fallait profiter de sa présence sur le terrain pour procéder à cet acte purement administratif, explique-t-il à la presse, notamment à Laprunellerdc.info.

« Croyez-moi, Il s’agit d’une coïncidence. Je vous dis que je n’avais pas les textes pour constituer le procès-verbal. Je devais me référer à des textes que je n’avais pas sur moi, puisque je suis parti d’ici et ce n’était pas prévu. J’ai su à 22 heures que je partais le matin. Puisque j’ai été averti au courant du diner qui était offert en l’honneur du sénateur questeur du Sénat. C’est une coïncidence pure et simple. De là, j’ai demandé qu’on me communique par Whatsapp les textes nommant le bourgmestre, ceux qui le notifiait et c’est ce qui a été fait », explique Lwabanji Lwasi Ngabo.

Lire aussi: Sud-Kivu : « le ministre de la défense n’a pas participé à l’installation du bourgmestre de Minembwe » (Lwabanji Lwasi Ngabo)

Pourquoi l’installation dans la « précipitation »? Le ministre s’en défend. Pour lui, rien n’a été précipité. D’ailleurs, fait remarquer Lwabanji, le bourgmestre en question était déjà en fonction depuis longtemps.

«L’occasion faisant le larron, moi qui suis l’autorité compétente, j’ai procédé à l’installation officielle du bourgmestre de Minembwe. Je dois souligner que le bourgmestre de Minembwe n’est pas allé là-bas à cette occasion-là. Il y est depuis longtemps….ce n’est pas de la précipitation. C’est un acte administratif. Ça pouvait se faire ce jour-là ou plus tard ». dit-il encore, expliquant que ni Ruberwa moins encore Mukena n’étaient concernés par la cérémonie.

Plusieurs sources dans la délégation reconnaissent le malaise né de la décision d’installer officiellement le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe; une installation qui « n’était pas prévue ».

Etonnement et justification à la Présidence de la RDC

A la Présidence de la RDC, c’est le total embarras. Un conseiller du Président Tshisekedi et membre de de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti présidentiel ne décolère. Il pense que cette situation a été « boutiquée » par le 1er ministre et le PPRD.

« Un dossier aussi sensible comme celui-là devait être au moins discuté en Conseil des Ministres mais cela n’a pas été le cas. Le Président n’en sait rien » expliquait ce conseiller à Laprunellerdc.info.

Même position exprimée par Jean-Jacques Elakano, membre du Collège des Conseillers à la Présidence de la République. Lui aussi se limite à accuser l’ancien régime et les partenaires du Front Commun pour le Congo de Joseph Kabila.

« Je prends tout notre peuple à témoin. Nous sommes dans un gouvernement de coalition et il y a certains enfants de Fizi, d’Uvira et du Sud-Kivu qui ne veulent pas contribuer à la paix comme le veut le Président. Nous n’allons pas aussi dormir, nous sommes fatigués. Nous ferons aussi quelque chose et eux aussi vont pleurnicher. Nous ne sommes plus à l’opposition pour pleurnicher. Nous sommes tous au pouvoir. Nous attendons l’arrivée du Président Tshisekedi pour lui dire clairement que ces ennemis de la paix qui avaient crée le problématique territoire de Minembwe, qui avaient nommé le bourgmestre et procédé à son installation sont encore venus rallumer le feu et nous demanderons son implication comme Président », disait Jean-Jacques Elakano sur les ondes de Radio Ngoma ya Amani de Fizi (RNA).

Des voix dénoncent des « conditions floues »

Disons que la parmi les éléments qui suscitent la polémique dans le Sud-Kivu, c’est aussi le fait que Minembwe est la seule commune rurale parmi une dizaine créée au Sud-Kivu à avoir des animateurs. Les autres communes n’ont jamais reçu des animateurs nommés par les autorités du pays.

C’est d’ailleurs ce que relève le député national Muhindo Nzangi Butondo qui a décidé d’interpeller le ministre d’Etat à la décentralisation Azarias Ruberwa. 

« Il y a plus de 310 nouvelles communes et villes qui ont été créées par le Premier ministre Matata en 2013 et en 2015, par décision du Conseil des Ministres, il a été décidé de surseoir à l’installation de ces communes. Le ministre de la Décentralisation se permet d’aller installer une commune singulière sur les 310 qui n’ont pas été installées dans les conditions qui sont floues », s’indigne Nzangi.

Nzangi Butombo, rappelle également que parmi les raisons de la surséance de l’arrêté sur les nouvelles communes, il y en avait celles qui étaient sur le document sans respecter la procédure notamment concernant l’avis de l’Assemblée Provinciale.

Lire aussi: Sud-Kivu : la commune de Minembwe a été créée par l’ancien premier ministre Matata Ponyo

En effet, parlant de l’avis de l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu, disons que l’organe délibérant avait dressé en 2009 une proposition des entités qui devraient devenir des communes et villes sans la commune rurale de Minembwe.

« Comment s’est-elle retrouvée sur la liste des entités à ériger en communes ? Sur quel document s’est-on basé ?

« Le ministre Ruberwa est allé installer de manière cavalière un bourgmestre d’une commune qui a été insérée de manière frauduleuse sur un arrêté qui est en surséance », crie haut et fort Nzangi.

En attendant, le ministre de l’intérieur au Sud-Kivu appelle à préserver la paix et de ne pas distiller des rumeurs sur la question de Minembwe. Un appel qui n’a visiblement pas encore reçu d’échos favorables de la part de plusieurs citoyens qui veulent plus d’explication de la part des dirigeants.

Richard Kaponirwe

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