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17 Janvier, c’est la commémoration du 63ème anniversaire de la mort de Patrice Emery Lumumba. La jeunesse aime vivre l’idée de Lumumba mais pas ses valeurs. Du coup, on a l’impression que Lumumba est mort pour rien. C’est en tout cas ce que pense Nicolas Kyalangalilwa, acteur politique du Sud-Kivu ce 17 janvier 2024 en marge de la célébration de la mort de Patrice Emery Lumumba, proclamé héros national.

Pour Nicolas Kyalangalilwa, Lumumba est mort parce qu’il voulait voir un Congo indépendant mais malheureusement le « colon blanc a été changé par le colon noir ». A part le fait d’être indépendant sur la forme, rien n’a été mis œuvre sur la vision de Lumumba.

La Prunelle RDC s’est entretenue avec Nicolas Kyalangalilwa. Il est Président Fédéral du LGD, parti d’opposition. Il répond aux questions de Claudine Kitumaini (Interview).

La Prunelle RDC: Soixante-trois ans après la mort de Emery Patrice Lumumba, le pays ne semble pas avoir des avancées. Quelle analyse faites- vous en tant qu’acteur politique du Sud-Kivu?

Nicolas Kyalangalilwa : Comme vous le savez aujourd’hui, nous célébrons  encore une nouvelle fois la mort de Patrice Émery Lumumba, qui, non seulement a été une figure d’inspiration pour les congolais au vu de son combat pour l’indépendance, mais aussi une figure qui a inspiré des générations des jeunes de par le monde. Quand on regarde la République Démocratique du Congo, on se pose la question, si Patrice Emery Lumumba n’est pas mort pour rien. On a l’impression que plus de 6 décennies après sa mort, il a eu du mal à inspirer les nouvelles générations, particulièrement des jeunes, à suivre son combat sur évidemment des valeurs  et les principes qu’il a édictés. Ainsi donc, vous le voyez très jeune qui meurt à cause de la lutte pour l’indépendance et de la lutte pour que réellement les congolais soient maîtres de leur destin. On a l’impression que la jeunesse n’a pas beaucoup appris de lui sauf évidemment le mythe qui l’entoure et le fait d’être un héros. On a du mal à penser qu’il y ait plus de soixante ans, des jeunes incapables d’embrasser le même chemin de martyr comme lui. On a plutôt l’impression que la jeunesse aime les actes de celui-ci mais n’est pas prête à vivre les valeurs et la vie de Lumumba.

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La Prunelle RDCLumumba est héros national parce qu’il avait milité pour l’indépendance du pays en 1960, certaines personnes pensent qu’il l’avait fait prématurément ; que pensez-vous ?

Nicolas Kyalangalilwa : L’histoire juge les personnes telles qu’ils l’entendent, je ne pense pas qu’il y a eu d’approche prématurée, et on a des pays comme l’Éthiopie qui n’ont jamais connu la colonisation. Donc c’est vraiment déplacé à mon humble avis de penser que la colonisation pouvait durer 3 à 4, 5 ans. On a l’impression qu’on pense que l’homme noir a besoin de tutelle pour faire ce que les autres font. Nous sommes de ceux qui pensent que nous avons la dignité et l’intelligence qu’il faut pour répondre aux attentes du monde par rapport à nos générations.

Est-ce que nous en prenons conscience ? C’est le problème. Et un des grands échecs de Lumumba c’est de n’avoir pas réussi à décoloniser l’homme noir, particulièrement le Congolais en ce qui concerne la pensée. C’est-à-dire qu’on a plus besoin de l’approbation des autres et plus particulièrement de l’occident pour faire ce qu’on pense être important pour nous.  Je ne pense pas que c’était trop tôt. Je pense que c’était à temps. Je pense plutôt que ce qui a manqué, c’est la capacité de continuer ses idées et de les transmettre aux générations à venir afin d’influencer les jeunes et de créer une population et un groupe des jeunes leaders qui soient principalement engagés pour le bien-être des congolais et pas pour leur propre bien-être.

La Prunelle RDC: Pensez-vous, comme d’autres acteurs sociaux et politiques, qu’avant Lumumba égal à après Lumumba?

Nicolas Kyalangalilwa: Il y a une différence, sur le plan de la forme nous sommes un pays libéré, indépendant, donc cette bataille, Lumumba l’a gagnée avec ses amis parce qu’il n’était pas seul. Le problème, ce qu’au fait, on a remplacé un colon blanc par un colon noir.

Aujourd’hui, on se retrouve avec des noirs, des congolais à la tête de l’Etat qui font exactement ce que le colon faisait. D’ailleurs, toutes les statistiques nous montrent que la RDC en 1960 était 10 ou 15 fois mieux que la RDC en 2024. La vérité est que nous avons régressé.

Donc, nous avions quand même des colons blancs qui en quelque sorte investissent dans leur champ pour extraire plus et aujourd’hui nous avons des colons noirs qui malheureusement au lieu même d’investir pour extraire n’investissent rien et ne font qu’extraire. Ce qu’il nous faut maintenant, si nous voulons être des vrais héritiers de Lumumba, c’est le changement de mentalité.  Ça commence par la classe dirigeante et puis le peuple. Il doit arriver à un niveau de se dire trop c’est trop et la classe dirigeante doit arriver à un niveau de se dire, il nous faut changer l’objet de notre combat.

Le but ce n’est pas l’enrichissement personnel, le but c’est le bien-être du peuple et que ça ne soit pas seulement des discours. Qu’on le voit dans les actions et malheureusement c’est ce qui fait défaut à ce jour.

La Prunelle RDC : 4 cycles électoraux passés au pays et la vision de Lumumba ne semble pas marcher, quel appel faites-vous aux jeunes et aux nouveaux dirigeants ?

Nicolas Kyalangalilwa : A la jeunesse il faut dire que c’est bien beau de se réclamer disciple de Lumumba mais qu’est-ce qui se fait en actions ? C’est bien beau de se réclamer de nationalistes, – on entend tous ces grands aujourd’hui chacun se réclame disciple de Lumumba ou de Kabila – mais en réalité en quoi est-ce que ça change la vie de tous les jours du congolais ?

En réalité, on a comme l’impression que ce ne sont que des discours. J’invite la jeunesse à éviter des discours vides. La vérité c’est qu’on n’a pas beaucoup de modèles à suivre au sein de la classe politique et dirigeante. Mais à cette jeunesse, comme Lumumba, il n’avait pas de modèle à suivre, il s’était inspiré d’autres ailleurs. On doit trouver des repères qui nous permettent d’agir différemment de ceux qui sont passés avant nous.

A la classe dirigeante, c’est quand même une honte 63 ans après de se retrouver dans des situations précaires que sous les colons belges.

C’est quand même une honte de voir aujourd’hui que la RDC est parmi le pays le plus faible et les plus pauvres alors qu’à l’époque, on était parmi les pays qui avaient plus de potentialités.

Aujourd’hui, nous avons une économie littéralement par terre alors qu’elle était une économie vibrante avec toutes les potentialités. Ils peuvent quand même se ressaisir et en s’inspirant de Lumumba, n’ont pas seulement en termes de discours mais en analysant sa pensée et en essayant de la mettre en pratique. Je crois que la pensée est simple : le nationalisme. Les congolais le peuvent mais orienté vers le peuple. Il faut le faire dans l’intérêt du peuple.

Propos recueillis par Claudine Kitumaini

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