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La campagne électorale en vue des élections générales en RDC a pris fin ce lundi 18 décembre 2023 à minuit. Les congolais se préparent à être dans les urnes ce mercredi 20 décembre 2023 après donc une campagne électorale aux allures d’exhibition de la force populaire mais aussi pécuniaire.

Dans l’Est de la RDC, c’est des foules massées par ci par là sur appel des candidats Président de la République, députés nationaux et provinciaux ou encore des conseillers communaux. Pourtant, dans la quasi-totalité de ces mobilisations se cache une force financière énorme pour certains.

A Bukavu par exemple, la campagne a mis à nu ce qu’est devenue la société congolaise : des dirigeants extrêmement riches face aux populations vraiment pauvres.

LaPrunelleRDC.CD a constaté par exemple que des nombreux habitants mobilisés en faveur des candidats recevaient généralement entre 5.000 et 10.000 francs congolais chacun par rassemblement.

Une véritable guerre d’images enclenchée à côté de la guerre de fortune. Cette sorte d’exhibition financière a été fortement observée dans le camp des fonctionnaires publics en pleine campagne électorale essentiellement.

En ce qui concerne les candidats députés nationaux et provinciaux par exemple, Modeste Bahati Lukwebo (candidat député national à Bukavu) et Aimé Boji Sangara (Candidat député provincial à Bukavu), respectivement Président du Sénat et Ministre d’Etat au Budget de la RDC ont été parmi les meilleurs à remettre du cash. En effet, dans de nombreuses rencontres, des habitants mobilisés pour eux ont été financièrement remerciés avant leur départ.

A Bukavu, plusieurs vidéos montrant des habitants se distribuant de l’argent ont été visionnées et partagées sur les réseaux sociaux, suscitant un tollé dans l’opinion publique.

« Je suis content pour aujourd’hui. J’ai eu mon argent de transport et je suis dans tous les meetings de notre Mupenda watu. [Quelqu’un qui aime les gens]. Au moins avec lui, on est sûr de revenir à la maison avec quelque chose à manger. Il aura ma voix sauf si quelqu’un me donne mieux », témoigne une femme venue assister à un rassemblement de campagne de Bahati Lukwebo.

Cet argent est donné en forme de frais de transport à chaque meeting, rencontre et cela sans tenir compte des actions dites sociales entreprises dans les différentes entités selon les sollicitations et les endroits populaires de la ville.

 « Transport, transport, Aimé Boji est mieux que vous. Avec lui, on a au moins 10.000 francs par rassemblement », criait une femme au sortir d’un rassemblement ayant comme orateur Vital Kamerhe. Ce dernier, lui, n’a rien remis [du moins publiquement] à chaque rassemblement ou mobilisation.

Plusieurs autres cris ont été lancés pour exiger de l’argent dans un contexte de pauvreté accrue de la communauté. Boji est considéré à Bukavu et dans le Sud-Kivu comme le nouveau riche. Il a l’argent et il sait passer aux « actions de grande envergure ».

Les mêmes chances ?

Plusieurs autres candidats députés nationaux et/ou provinciaux ont fait la même chose pour espérer être écoutés et entendus par des habitants venus à leur rencontre.

A la Présidence de la République par exemple, de nombreux candidats n’ont pas eu des moyens financiers suffisants pour pouvoir battre campagne. Seul Félix Tshisekedi, le Président en exercice et candidat à sa propre succession a su rivaliser avec Moïse Katumbi, ancien Gouverneur de la riche province du Katanga et prospère homme d’affaires.

Cette situation d’argent distribué à chaque rencontre publique pose la question de la gestion des finances publiques de l’Etat alors que les principaux animateurs ne cachent pas leur passion à exhiber du cash à chaque rencontre au point de faire de la campagne électorale un moment d’achat déguisé des consciences.

A l’Assemblée Nationale de la République Démocratique du Congo, les députés nationaux ont rejeté la proposition criminalisant la remise des cadeaux et de l’argent aux électeurs lors des campagnes électorales. Pourtant une majeure proposition des acteurs de la Société Civile pour espérer lutter contre la corruption et donner des chances égales aux candidats, cette proposition n’a pas été soutenue.

A Bukavu comme au Sud-Kivu, plusieurs candidats n’ont même pas eu la chance d’imprimer des photos de campagne. Nombreux ne pouvaient avoir des moyens pour s’assurer du déplacement sans entraves au cours de la campagne électorale.

Dans l’opposition comme à la majorité au pouvoir, on a donc assisté à des plus pauvres face aux plus riches capables de mobiliser les foules grâce notamment à leurs moyens financiers.

Cette situation pose des questions sérieuses : faut-il vraiment continuer à permettre aux fonctionnaires publics candidats de rester en fonction dès lors qu’ils annoncent leurs ambitions de se porter candidat à des postes de responsabilités ? Faut-il obliger aux Chefs et gestionnaires d’institutions de démissionner avant de se lancer dans la campagne électorale ? L’Etat est-il capable de contrôler la gestion des finances publiques dans le contexte congolais ?

Plusieurs questions reviennent en cette période alors que les congolais, eux, continuent de croire qu’il sera possible que la situation de pauvreté dans laquelle ils vivent change un jour.

Des dirigeants de plus en plus riches face à une population très pauvre

Cette campagne aura donc mis en lumière un fait en RDC : c’est seulement en politique où des animateurs peuvent avoir de l’argent à distribuer à chaque coin de rue alors que les fonctionnaires et les autres congolais vivent dans la misère.

En tout cas, il fallait observer autant d’habitants mobilisés à chaque meeting sans tenir compte de leur appartenance politique. Pour eux, seuls les petits fonds distribués comptent dans un contexte de pauvreté généralisée dans le pays.

En attendant, les congolais sont attendus dans les urnes ce 20 décembre 2023 et toutes les sensibilisations les appellent à voter « utile ». En seront-ils capables ? La réponse ne va plus tarder !

Fidèle Ushindi 

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