En marge du Forum sur la paix et la sécurité organisé à Kinshasa du 7 au 11 novembre 2024 au Centre Theresanium, la Société Civile Forces Vives de la République Démocratique du Congo (RDC) a publié une déclaration forte, appelant à des réformes urgentes dans plusieurs domaines cruciaux pour le pays. Cette plateforme non partisane des réseaux thématiques, ONG, associations et coordinations provinciales a exprimé ses préoccupations concernant l’état socio-économique, la sécurité nationale, la gouvernance politique, la justice et les droits humains en RDC.
La déclaration de la Société Civile commence par une critique acerbe de la situation socio-économique du pays, soulignant que la population congolaise vit dans une pauvreté extrême. Selon les données de la Banque Mondiale, l’indice de misère a considérablement augmenté, passant de 13,6 en 2019 à 25,7 en 2023, ce qui place la RDC parmi les cinq pays les plus pauvres du monde. Le taux d’inflation, qui a grimpé de 9,2 % en 2022 à 20,7 % en 2023, couplé à un taux de change en constante dépréciation, a aggravé les conditions de vie de la population.
La Société civile déplore également l’inefficacité des réformes économiques promises par le Président Félix Tshisekedi lors de son investiture en janvier 2024, en particulier celles relatives à la promotion de l’entrepreneuriat, la création d’emplois et l’amélioration des infrastructures de base. Le projet de développement des 145 territoires, qui devait améliorer la situation socio-économique d’ici décembre 2024, est largement perçu comme un échec, avec des composantes inachevées et une gestion opaque.
Un autre point préoccupant est le pillage des ressources naturelles par certaines entreprises, notamment chinoises, dans les provinces de l’Est, engendrant une pollution des eaux et la destruction de la biodiversité.
Le constat sécuritaire est tout aussi alarmant. La Société civile dénonce l’ampleur de l’insécurité dans tout le pays, avec un nombre croissant de massacres, de déplacements forcés et de pertes humaines. En dépit de la mise en place d’un cessez-le-feu depuis août 2024, des groupes armés tels que le M23 continuent de prendre le contrôle de territoires dans les provinces du Nord-Kivu, notamment à Walikale, Rutshuru et Lubero.
La RDC est en proie à une multiplication des groupes armés étrangers et locaux, et la situation reste particulièrement grave dans les provinces sous état de siège depuis plusieurs années. Les Forces armées de la RDC (FARDC) sont en première ligne, mais la Société civile insiste sur la nécessité de renforcer leur équipement et de mettre fin à la trahison de certains officiers militaires, accusés de détourner des fonds et des munitions destinés à la guerre.
Sur le plan politique, la déclaration de la Société Civile exprime une profonde frustration face aux irrégularités et incidents ayant marqué les récentes élections. La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) est accusée de ne pas respecter ses propres engagements, notamment en ce qui concerne l’organisation des élections des bourgmestres et des maires, contribuant ainsi au dysfonctionnement des entités territoriales décentralisées (ETD).
Le débat sur la modification de la Constitution, même en filigrane, est également perçu comme un danger pour la stabilité du pays, avec des risques de diviser davantage la population et de raviver les tensions sociales. Les acteurs politiques sont appelés à faire preuve de prudence et à privilégier la cohésion nationale face aux défis actuels.
Par ailleurs, la Société civile ne cache pas son indignation face à la corruption et à l’impunité qui gangrènent le pays. Le traitement des contentieux électoraux, notamment à la Cour Constitutionnelle, a mis en lumière les dérives du système judiciaire, où les influences politiques compromettent l’indépendance de la justice. Les États généraux de la justice, organisés actuellement, sont jugés inefficaces si les acteurs en place ne manifestent pas une réelle volonté de changement.
Les récents incidents, tels que la fuite de prisonniers à la prison de Makala, montrent à quel point le système pénitentiaire et judiciaire est défaillant.
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Face à ce tableau sombre, la Société Civile Forces Vives formule plusieurs recommandations à l’adresse des autorités congolaises :
Au Président de la République, elle demande de relever les officiers militaires accusés de trahison et de corruption, et de leur assigner des missions de réconfort pour redonner du moral aux troupes.
« De relever les officiers militaires ayant totalisé plus de deux ans dans le commandement des opérations dans les provinces de la partie Est de la RDC et qui sont mal réputés d’avoir trahi la nation en détournant les fonds et munitions destinés au front d’effectuer une mission de compassion dans les provinces de l’Est en proie à l’insécurité et parler aux troupes au front afin de remonter leur moral ».
Au Parlement, elle appelle à lever l’état de siège et à renforcer les capacités militaires des FARDC.
« A l’Assemblée nationale d’enjoindre à la CENI de réaménager son calendrier électoral en parachevant tous les scrutins restant à organiser dans les ETD et ordonner l’audit de ses comptes pour les opérations déjà clôturées »
Au Gouvernement, la Société Civile Forces Vives de la RDC insiste sur l’importance d’assainir le climat des affaires, de soutenir l’entrepreneuriat, d’améliorer les conditions de vie des fonctionnaires, notamment des enseignants, et de garantir le respect des normes environnementales par les entreprises exploitant les ressources naturelles.
« De rendre obligatoire la mise en place de Comité de suivi et d’évaluation pour tous les grands projets exécutés dans toute la République démocratique du Congo. Au gouvernement de la République d’assainir le climat des affaires pour encourager les investissements pour résorber le chômage des jeunes. Améliorer les conditions sociales des agents de l’État, notamment les enseignants qui traversent une misère indescriptible à cause du maigre salaire qu’ils reçoivent. Apporter urgemment de l’aide humanitaire aux déplacés qui vivent dans des conditions infra humaines. Exiger aux entreprises minières et auteurs entrepreneurs de grands projets d’investissement ou d’exploitation des ressources naturelles le respect de normes environnementales et mettre en place un mécanisme d’atténuation des impacts environnementaux et surtout de réparation de crimes environnementaux commis en vue de préserver la biodiversité de nos parcs, réserves naturelles et autres aires protégées car les droits de générations futures sont en danger ».
Aux autorités judiciaires, elle demande une lutte plus vigoureuse contre la corruption et l’impunité, ainsi qu’une réforme en profondeur du système judiciaire.
« Aux autorités judiciaires de punir sévèrement tous les acteurs impliqués dans la corruption et l’encadrement des groupes armés. Invitons les organisateurs des états généraux de la justice de trouver la vraie thérapie à la maladie de la justice congolaise à savoir la répartition équitable des ressources, l’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats et des tous les auxiliaires de la justice, l’éradication de l’impunité dans le détournement des deniers publics, etc. »
A la communauté internationale, elle appelle à condamner fermement les violations des droits humains, en particulier celles commises par le Rwanda et ses alliés dans l’Est du pays.
« A nos vaillants FARDC et Vrais Wazalendo au front de continuer à défendre l’intégrité territoriale malgré les conditions difficiles du moment et ne pas à la corruption. A la communauté humanitaire de sauver les vies humaines fauchées dans les différents camps des déplacés disséminés dans les provinces en conflit. A la Communauté internationale de condamner le régime de Kigali pour la violation du cessez- le-feu et le crime d’agression avec tous les autres crimes de guerre, crime contre l’humanité qui se poursuivent dans les zones occupées ».
La Société civile exhorte enfin le peuple congolais à rester uni dans cette période difficile, à résister à toute tentative de modification de la Constitution, et à continuer de revendiquer une meilleure prise en charge des priorités nationales, notamment l’éducation, la santé, l’eau, l’électricité et les infrastructures de base.
« De faire échec à toute tentative de modification de la constitution en cette période où la nation est en danger et la grogne sociale ne cesse de monter, et les infrastructures sociales de base délabrées. De continuer à exiger des gouvernants la redevabilité et la prise en compte des besoins prioritaires de la population à savoir l’éducation, les infrastructures, le social, l’eau et l’électricité, la santé, etc. »
Brigitte Furaha
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