Intervenons-nous

    Orphelin de père et de mère, Mushagalusa Munganga Blaise incarne une jeunesse congolaise à la fois résiliente, travailleuse et visionnaire. Malgré les épreuves, ce jeune ingénieur agronome phytotechnicien, diplômé de l’Université Catholique de Bukavu (UCB), a choisi de ne pas céder au découragement. C’est dans l’aviculture, l’élevage de poulets de chair, qu’il a trouvé à la fois une passion, un moyen de survie et une voie de responsabilité pour prendre en charge toute sa fratrie.

    « Humble, visionnaire, brave, responsable et résilient » : ce sont les mots que son entourage emploie pour le décrire.

    Munganga Blaise, un jeune aviculteur

    Quand entrepreneuriat rime avec survie familiale

    À peine diplômé, Blaise ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Poussé par la nécessité de subvenir aux besoins de ses frères et sœurs, il investit ses maigres économies dans un petit élevage. Un choix qui, s’il cadre bien avec sa formation, est aussi un acte de courage.

    « Mon entreprise est restée à un stade dynamique, car au lieu d’épargner ou de réinvestir, j’ai été contraint d’utiliser les revenus pour couvrir les besoins essentiels de ma famille », regrette-t-il. Une situation qui a freiné sa productivité, mais pas sa volonté de réussir.

    Une opportunité déclencheuse

    Âgé d’une vingtaine d’années seulement, Blaise s’est tourné vers un domaine qu’il maîtrisait théoriquement, mais dans lequel il voulait acquérir de l’expérience pratique. Et c’est une opportunité inattendue qui a tout accéléré.

    « Un ami m’a appelé pour me dire qu’il allait ouvrir un restaurant. C’était l’élément déclencheur. J’ai vu une opportunité : si je devenais son fournisseur, cette activité pourrait être économiquement rentable. »

    C’est ainsi qu’en 2020, à Bukavu, Blaise commence son aventure entrepreneuriale.

    Un démarrage modeste mais stratégique

    Avec ses petites économies, il se procure 4 poules pondeuses à 12 dollars chacune, et un sac de 50 kg d’aliments à 26 dollars. Ses poules produisent 3 à 4 œufs par jour, qu’il vend à 500 francs congolais l’unité, soit 15 000 francs la plaquette.

    Mais son ambition ne s’arrête pas là. Son objectif est clair : produire des poulets de chair, plus rentables à court terme.

    Cap sur l’élevage de chair : persévérance et calculs

    Avec 350 dollars capitalisés, il construit un petit poulailler, achète 100 poussins pour 90 dollars, deux sacs d’aliments pour 56 dollars, et réserve 30 dollars pour la vaccination et les médicaments.

    Mais les réalités logistiques le rattrapent vite :

    « Après trois semaines, j’ai réalisé que ma planification était insuffisante : les poussins consommaient un sac tous les trois jours. Pour faire face à cette situation, j’ai vendu 50 poulets au bout d’un mois à 8 dollars chacun, ce qui m’a permis de faire grandir les 50 autres. »

    Petit à petit, il parvient à faire croître son activité. Aujourd’hui, il élève entre 150 et 200 poulets tous les 45 jours.

    Obstacles d’un jeune entrepreneur congolais

    Malgré ses efforts et sa rigueur, Blaise se heurte à des obstacles de taille : coût élevé des aliments, vaccins de mauvaise qualité, accès quasi inexistant au crédit.

    « Peu de banques soutiennent l’agriculture ou l’élevage, à cause des risques élevés », confie-t-il à La Prunelle RDC.

    Autre problème : la concurrence déloyale. Certains éleveurs cassent les prix de vente au point de nuire à tout le secteur.

    « Certains vendent à des prix très bas, ce qui réduit considérablement la marge bénéficiaire et dévalorise notre travail. »

    Les poulets de chair

    Message à la jeunesse, plaidoyer aux autorités

    Malgré tout, Blaise reste positif et déterminé. Il encourage la jeunesse congolaise, notamment celle de l’Est du pays, à se lancer sans attendre de financement massif.

    « Le plus difficile, c’est de commencer. Il suffit d’oser. Il n’y a pas de montant minimum pour débuter : même avec une seule poule, c’est déjà un départ. »

    Après cinq années d’expérience, il plaide pour l’organisation de foires entrepreneuriales et de sessions de formation thématiques sur l’élevage et la gestion. Il en appelle également au Gouvernement congolais :

    « Il faut mettre en place un système de régulation des prix, pour qu’ils soient stables et universels. C’est indispensable à la pérennisation du secteur. »

    À Bukavu, Mushagalusa Munganga Blaise ne se contente pas d’élever des poulets. Il élève aussi l’espoir d’une jeunesse qui, malgré les obstacles, refuse de baisser les bras. À travers lui, c’est tout un modèle de développement par le bas qui prend vie, une preuve qu’avec peu, on peut faire beaucoup.

    Suzanne Baleke

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