Intervenons-nous

Humble, souriante, intelligente, bosseuse et bienveillante c’est en ces termes que les personnes qui ont rencontré Nathalie Ndimubanzi Umutoni la décrivent. Agée d’une vingtaine d’années seulement Nathalie Ndimubanzi s’est engagée tôt dans la défense des droits des femmes gravissant plusieurs échelons (Portrait).

C’est à Goma, dans la province du Nord-Kivu que la jeune femme est née. Elle observe, comme toutes les filles de sa génération, la situation précaire de son entité. Une région caractérisée par de nombreux conflits armés qui affectent la vie des populations.

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Mais les solutions dans ces conflits et de nombreux problèmes de son environnement venaient toujours des autres. Très peu de considération à la voix du jeune et surtout de la jeune fille qu’elle était. Le besoin d’être écouté est grand mais ce n’était pas évident. Nathalie commence dès son bas-âge à s’engager dans le monde des organisations.

A seulement 20 ans et détentrice d’un diplôme d’Etat, Umutoni coordonne déjà une organisation locale et s’engage dans les études de Santé Communautaire où elle décroche son diplôme de Licence.

« J’ai commencé mon activisme en 2018, j’avais 20 ans en tant que coordinatrice d’une organisation locale au nom de « Akila’s Groupe », après j’ai enchaîné d’organisation locale à organisation locale, j’ai fini par travailler dans les réseaux des jeunes IWFP de 2019 à 2020 », dit-elle.

D’une voix très douce et toujours avec son sourire, Nathalie Ndimubanzi confie à La Prunelle RDC que le fait de voir les gens décider pour les filles et femmes a créé une émulation chez elle. Depuis, elle se bat désormais aux côtés de plusieurs autres femmes.   

Actuellement Chargée des Programme au sein de l’organisation internationale Suédoise « Kvinna Till Kvinna », Nathalie Ndimubanzi a été parmi le premières lauréates de la Bourse 1325, octroyée en mémoire de Zaida Catalan par le FBA autour de l’agenda Femme, Paix et Sécurité.

Elle mettra ce stage à profit pour perfectionner sa passion pour la défense des femmes et des jeunes. C’est après cette étape cruciale de sa vie qu’elle va mettre en place l’organisation « Club Zaida Catalan pour la Paix et la Sécurité » pour laquelle elle travaille à temps partiel.

Grâce à la bourse 1325 en mémoire de Zaida Catalan initié par FBA qu’a reçu Nathalie et 3 autres jeunes defenseuses des droits des femmes, qui leur a permis de passer une année de formation à Kvinna till Kvinna; une organisation féministe, Nathalie et ses collègues ont voulu capitaliser les acquis de cette formation en restituant leurs connaissances auprès d’autres jeunes. C’est là qu’est né le « Club Zaida Catalan pour la Paix et la Sécurité ».

Avant d’obtenir sa bourse, et de fouler ses pieds dans une organisation internationale, Nathalie Ndimubanzi se battait au côté d’autres jeunes pour le respect des droits des femmes.

Dans sa lutte, d’abord au Nord-Kivu, Nathalie Ndimubanzi a été le point focal « Santé Sexuelle et Reproductive » dans un réseau qui regroupe d’autres organisations des jeunes qui intervenaient spécialement sur la question de la santé sexuelle et reproductive des jeunes et la participation des jeunes dans le processus de paix.

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Passionnée du bien-être de son entourage, Nathalie a été aussi encadreur des jeunes dans le club des jeunes pour la vie, et tout cela avant l’obtention de sa bourse de 1325 en mémoire des Zaïda Catalan en 2021. Une bourse qui l’a amené à Bukavu pour approfondir ses connaissances et partager son expérience avec d’autres organisations locales. Dans son parcours, Nathalie a aussi travaillé avec l’organisation internationale « Fonds pour les Femmes Francophones » (FFC) comme assistante au programme « Subventions ».Nathalie Ndimubanzi Umotoni

Terrifiée par la situation des violences des droits des femmes, Nathalie veut la même chose que depuis sa jeunesse : se faire entendre en portant haut la voix de ceux et celles qui ne peuvent pas s’exprimer.

Être écoutée à tout prix !

« Ma motivation à moi c’était le fait que j’étais tout le temps à la recherche de la parole, je voulais tout le temps qu’on m’accorde la parole et ce n’était pas évident à chaque fois quand je voulais qu’on m’écoute. Je voulais qu’on me laisse parler, je voulais qu’on me laisse soumettre mon opinion, je voulais avoir quelque chose à dire sur la vie et ce n’était pas évident. J’ai grandi dans un environnement où seuls les hommes pouvaient diriger où les hommes pouvaient aller à telle école et pas les filles malgré le choix qu’on avait comme fille. J’ai grandi dans un environnement où les jeunes filles étaient violées et où on les convainc de se taire pour ne pas faire honte à la famille et de garder le secret, on était réduit au silence comme jeune et chacun dans son contexte autour de moi ».

Voir des filles violées et être obligées de marier avec leurs bourreaux était le pire cauchemar de Nathalie. Celle-ci a refusé de rester une observatrice alors que les filles ne pouvaient pas faire des choix pour leur avenir.

« Elles ne pouvaient pas aller dans des écoles qu’elles voulaient juste parce qu’elles étaient des filles, ce qui était un peu mon cas et tout ça m’a vraiment motivé à défendre les droits des femmes afin qu’on nous accorde la parole et qu’on nous considère comme des êtres humains à part entière et non qu’on nous voie comme des sous-personnes pour qui ont doit prendre des décisions, qu’on doit à tout prix diriger », explique-t-elle.

L’environnement dans lequel a grandi Nathalie ne lui a pas laissé le choix de grandir comme tous les enfants. Et pour elle, l’âge ne pouvait en aucun cas empêcher à une personne de défendre ses droits ou ceux des autres

« Je me disais que si je voulais qu’on m’accorde la parole, il fallait que je commence à chercher cette parole dès le bas âge, c’est vrai que je ne me voyais pas aussi jeune, je me voyais suffisamment grande pour lutter pour ces droits, pour conduire d’autres jeunes, pour porter la voix de celles qui ne pouvaient pas oser parler, je me voyais suffisamment en âge de le faire et je trouvais que chercher à ce qu’on m’accorde la parole ne pouvait pas attendre. Il fallait à tout prix qu’on m’accorde la parole et je savais qu’il fallait que je me batte, il fallait que je me constitue en tant que personne, que je m’instruise, que j’ai tout ce background afin d’aider à avancer et d’avancer moi-même sur le plan professionnel comme personnel ».

Club Zaïda Catalan pour porter haut la voix des jeunes et des femmes

Pour rendre effective les Résolutions 1325 et 2250, Nathalie et son équipe essayent de porter la voix des personnes vivant dans les milieux ruraux. Pour elles, ces personnes n’ont pas souvent la parole alors qu’elles contribuent suffisamment au processus de paix. Fort malheureusement, leurs contributions ne sont pas reconnues

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« Dans notre organisation, nous constituons des structures à la base dans différents territoires, actuellement à Kabare et Kalehe et aussi dans la ville de Goma et Bukavu. Nous essayons de mettre en place ces structures à la base qui unissent les jeunes et les femmes et qui nous permettent de savoir et cerner ce qu’elles veulent, de les écouter, leur donner la parole, de les laisser s’exprimer mais aussi de porter leur voix du mieux que nous le pouvons à travers des sensibilisations, à travers des plaidoyers, à travers des séances ouvertes. 0n essaie un peu de leur faire rencontrer différentes autorités, les différents décideurs afin que la voix de ces femmes soit entendue. Ce que nous faisons également sur ce point, c’est d’organiser des formations, des assises où on essaie un peu de renforcer les capacités de ces femmes et ces jeunes afin que leurs contributions soient efficaces et significatives », explique avec humilité, Nathalie Ndimubanzi.

Rigoureuse, travailleuse, formatrice et bienveillante

Beaucoup d’initiatives des jeunes et des femmes sont déjà visibles dans les provinces du Kivu (Nord-Kivu et Sud-Kivu). Mais les efforts de ces jeunes femmes ne sont pas très souvent connus parce très peu acceptent de porter leur voix à cause notamment de leur inexpérience. D’où le besoin de formation.

« C’est vrai qu’elles font de leur mieux, les jeunes et les femmes en participant à des groupes communautaires, en participant à des petites réunions au sein de la communauté pour arranger x et y problème, en faisant même des médiations même si c’est de façon clandestine. Alors, l’idée pour nous c’est de renforcer leurs capacités afin qu’elles fassent toutes ces activités qui contribuent au processus de paix et qu’elles le fassent correctement. Nous, on leur donne des outils nécessaires, des connaissances nécessaires afin qu’ils puissent bien faire leur travail et qu’ils puissent se faire entendre »

Sur le plan professionnel, Nathalie est connue pour sa rigueur et son courage. Elle n’hésite pas à apporter son aide aux collègues lorsqu’il le faut. 

« Derrière cette simplicité, humilité, gentillesse et ce sourire, se cache une femme de rigueur, professionnelle, et bienveillante. Nathalie a toujours été prête à répondre aux préoccupations de ceux qui en ont besoin sur le plan professionnel. Elle fait toujours des remarques d’une manière constructive, qui nous aident bien à faire notre travail dans la défense des droits des femmes », témoigne Rolande Karhebwa, Chargée de Suivi et Evaluation au sein de l’Association des Femmes Juristes Congolaises (AFEJUCO).

Nathalie Ndimubanzi Umotonyi

Dans son combat quotidien, Nathalie Ndimubanzi veut voir les jeunes et les femmes qui ont pris conscience de ce qu’ils valent. La plus grande difficulté que rencontre l’organisation pour laquelle travaille Nathalie c’est le manque de confiance de certaines femmes et la résistance de certains hommes.

« Les difficultés sont nombreuses mais la plus grande c’est celle des femmes et jeunes qui sont convaincus qu’ils n’ont pas du tout droit à la parole, qui ne comprennent pas encore qu’ils ont droit à prendre part à des assises de prise de décisions, qui pensent que c’est juste l’apanage des hommes. Ça, c’est un grand défi auquel nous faisons face parce qu’il faut qu’on puisse leur faire comprendre leurs droits et l’importance est d’en jouir afin de continuer de les impliquer dans le processus de paix. A côté de ça il y a aussi des hommes qui sont résistants du fait qu’on soit des femmes et des jeunes. (Puisque mon organisation est constituée spécialement des jeunes femmes) alors le fait qu’on soit des jeunes et qu’on soit des femmes certaines conduit que certaines personnes ne nous prennent pas directement au sérieux. Ça nous demande encore de travailler doublement pour qu’on soit écoutée et prise au sérieux et que notre travail face effet au sein de la communauté. Mais il y a aussi le défi de financement. Ce n’est pas vraiment évident pour une jeune organisation dirigée par les jeunes de trouver facilement des bailleurs qui vont nous faire confiance, nous accompagner financièrement mais Dieu merci nous sommes en train de surmonter ces défis étant donné que nous avons notre premier bailleur qui nous a fait confiance. Nous sommes confiantes que le prochain viendra et qu’ensemble nous pourrons faire des avancées significatives dans la lutte pour les droits des femmes ».

S’approprier les Résolutions 1325 et 2250

Les Résolutions 1325 et 2250 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies mettent un accent sur le rôle des jeunes, des femmes dans les questions les touchant et leur implication dans les questions de paix et de sécurité.

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Nathalie Ndimubanzi appelle les jeunes et les femmes à s’approprier la 1325 et la 2250 en s’impliquant directement en tant qu’acteur pour apporter le changement dans la communauté.

« Ces outils sont là pour nous accorder la parole, pour nous permettre d’être impliqués significativement dans le processus de paix et pour permettre à ce que nos contributions soient reconnues. Il est vraiment de notre devoir de nous approprier ces outils et de demander et chercher des renforcements des capacités si nous pensons qu’il nous le faut afin de nous approprier ces outils. Faisons de ces outils nôtres et unissons-nous pour leur implémentation et pour leur vulgarisation parce qu’il n’y a que de cette façon que nos contributions seront reconnues et que nos besoins seront pris en compte dans les différents agendas des femmes, jeunes paix et sécurité »,dit fiérement Nathalie Ndimubanzi.

En attendant, Nathalie Ndimubanzi est sans nul doute, une figure avec laquelle il faut compter pour plusieurs prochaines décennies dans la lutte pour les droits des jeunes et des femmes. Son travail, charisme, sa détermination et surtout sa jeunesse sont des atouts incontestables pour faire d’elle l’une des plus influentes femmes de la République démocratique du Congo.

Il faut rappeler que dans le cadre du projet « amplification de la voix des jeunes et des femmes et leur implication au processus de consolidation de la paix au Nord-Kivu », La Prunelle RDC asbl soutenu par ONU Femmes avec le soutien de l’Ambassade de Norvège, approche les femmes, les filles qui, par leur travail au quotidien, contribuent à l’effectivité de la Résolution 1325 pour mettre au-devant de la scène leur apport dans la résolution des conflits, la lutte pour les droits des femmes et la consolidation de la paix.

Claudine Kitumaini 

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