Dans son rapport qui couvre enquêtes menées sur la situation sécuritaire en RDC jusqu’au 23 avril 2021, le Groupe d’Experts de l’ONU note que dans la province du Sud-Kivu, les violents accrochages et attaques se sont intensifiés dans les Hauts-Plateaux des territoires de Fizi, d’Uvira et de Mwenga, principalement entre les Twirwaneho, qui sont devenus un groupe armé organisé, et une nouvelle coalition ad hoc de groupes Maï-Maï, dont les Maï-Maï Yakutumba faisaient partie.
Les groupes Maï-Maï et Twirwaneho ont obtenu des armes et des munitions, notamment au moyen d’attaques contre les FARDC, de trafic dans le pays et du détournement des armes des FARDC. La collusion entre quelques-uns de ces groupes et des membres des FARDC ont alimenté le conflit.
Les attaques contre les civils et les affrontements armés ont entraîné des déplacements en masse et l’ethnicisation de l’espace géographique. Des combattants du groupe Twirwaneho et de la coalition des Maï-Maï ont commis des violences sexuelles liées au conflit et ont procédé à des enlèvements. Certains propos ont incité à la discrimination, à l’hostilité et à la violence.
Les conclusions dans la présente section sont fondées sur des entretiens avec 99 personnes appartenant à des communautés diverses, des chefs, des combattants et des ex-combattants des groupes Twirwaneho et Gumino et des Maï-Maï Ebuela, des personnes proches d’eux, des personnes déplacées, des témoins oculaires, des victimes, des analystes, des représentants d’autorités locales, des sources d’ONG, des FARDC, de la PNC, de l’ONU, des sources médicales et diplomatiques, des observations du Groupe d’experts, des enregistrements vidéo et des preuves photographiques et documentaires.
La situation humanitaire et de la sécurité dans les Hauts-Plateaux des territoires de Fizi, d’Uvira et de Mwenga (Hauts-Plateaux) s’est dégradée depuis 2019, au cours d’un cycle de représailles qui a entraîné la destruction de villages, des meurtres de civils, des viols, des déplacements en masse et des vols de bétail, concentrés en particulier autour de Minembwe, Mikenge et Bijombo.
Des accrochages et des représailles auxquels participaient parfois des membres des FARDC se sont intensifiés, avec la présence de coalitions de groupes armés, principalement liés aux ethnies babembe, bafuliiru, banyindu et bavira, d’une part, et banyamulenge, d’autrepart.
Les causes et les facteurs du conflit sont complexes et vont au-delà des tensions ethniques ou des hostilités intercommunautaires. L’accès aux terres et aux ressources y joue également une part, comme la transhumance, les vols de bétail et la gouvernance locale, bien que l’appartenance ethnique soit exploitée de plus en plus par les deux camps pour justifier la mobilisation et le recours à la force.
Makanika, chef du groupe Twirwaneho
Tout au long de 2019, tandis que les attaques contre des civils banyamulenge et les combats s’intensifiaient, des groupes et des individus banyamulenge ont commencé à se mobiliser dans des villages des Hauts-Plateaux sous la bannière des Twirwaneho, qui signifie « défendons-nous » en kinyamulenge.
Parallèlement, les Twirwaneho ont été renforcés par des transferts de combattants du groupe armé Gumino et par des jeunes Banyamulenge de la diaspora régionale, communément appelés « les Android » .
Les Twirwaneho ont également reçu une aide financière importante de certains Banyamulenge vivant à l’intérieur ou à l’extérieur de la République démocratique du Congo.
Les Twirwaneho sont devenus progressivement un groupe armé organisé et coordonné. L’arrivée du déserteur des FARDC, le Colonel Michel Rukunda, alias Makanika, dans les Hauts-Plateaux au début de 2020 pour prendre le commandement des Twirwaneho a renforcé cette évolution. Makanika a déclaré au Groupe d’experts qu’il avait fait défection et s’était rendu dans les Hauts-Plateaux pour protéger les droits des Banyamulenge.
Au sein des Twirwaneho, le Groupe d’experts a répertorié l’existence d’un groupe de base avec une structure de commandement et de contrôle définie, établi par Makanika. Ce groupe de base a récemment été renforcé par des membres des FARDC qui avaient fait défection et de nouveaux combattants recrutés aux niveaux local, national, régional et à l’étranger, presque exclusivement au sein de l’ethnie banyamulenge. Ces recrutements, dont certains étaient forcés, se sont intensifiés à partir de la mi-2020.
Le groupe de base des Twirwaneho a été appuyé par une base civile qui a continué de vivre dans les villages et fait office de groupe de réserve. Ces civils disposaient d’armements et pouvaient être facilement mobilisés pour mener des opérations armées, en appui du groupe de base.
L’arrivée de Makanika a amélioré la force et la capacité militaire globale de Twirwaneho participer à des affrontements et de lancer des attaques contre d’autres groupes armés, les FARDC et parfois les populations civiles . Les affrontements et les attaques ont augmenté à partir de la mi-2020.
Le groupe Twirwaneho s’est également renforcé sur le plan militaire à la suite de la défection de plusieurs officiers et soldats des FARDC qui ont rejoint le groupe de Makanika, parfois avec des armes, tel que le colonel Charles Sematama à la fin de février 2021, ainsi qu’avec des armes fournies à Makanika par des civils banyamulenge locaux.
En mars 2020, Makanika planifiait de construire une bande d’atterrissage clandestine pour importer de l’armement et autres ressources afin de soutenir le groupe Twirwaneho, qui opérait dans une zone reculée. Les FARDC ont interrompu la construction de la bande d’atterrissage en juin 2020.
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Un commentaire
Un procureur militaire a déclaré au Groupe d’experts que 46 membres des FARDC, dont bon nombre appartenaient à la 12e brigade de réaction rapide opérant dans les Hauts-Plateaux, avaient été arrêtés en raison de ce trafic entre la fin de 2019 et la fin de 2020. On trouvera à l’annexe 106 plusieurs exemples de soldats et de commandants des FARDC suspectés de participer au trafic d’armes ou arrêtés pour cette raison.
Plusieurs membres des FARDC étaient également de connivence avec des groupes Maï-Maï lorsque ces derniers ont attaqué des villages banyamulenge et volé du bétail. Six sources des FARDC, des chefs de la société civile, des chefs locaux banyamulenge, des personnes proches de chefs Maï-Maï, des chercheurs et des sources de la MONUSCO ont cité le Général Dieudonné Batenchi Muhima, commandant de la 12e brigade de réaction rapide à Minembwe depuis mars 2020, comme étant un élément déterminant de l’appui apporté par les FARDC à des groupes Maï-Maï. Le Groupe d’experts n’a pas pu joindre Muhima (voir annexe 107). 145. La collusion entre des groupes armés dans les Hauts-Plateaux et certains soldats et commandants des FARDC, notamment l’aide logistique et les armes fournies par des officiers des FARDC aux groupes armés, constitue une violation du régime de sanctions au regard des dispositions du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016) du Conseil de sécurité, telles que reconduites dans sa résolution 2528 (2020), et a contribué à perpétuer et à alimenter le conflit dans la région.