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Depuis plusieurs mois, le taux de change est instable en République Démocratique du Congo. Le prix des biens et services sont fixés selon les humeurs des vendeurs. Le taux de change quant à lui dépend du lieu d’emplacement de la personne qui possède les devises et celui qui détient des francs Congolais. Le gouvernement Congolais tente de résoudre ce problème mais cela risque d’en créer davantage. Les économistes sont formels : l’éjection des réserves en circulation n’est pas une solution pour la stabilisation du taux de change.

Dans la ville de Bukavu par exemple, chez certains cambistes du boulevard Patrice Emery Lumuba, un dollar se négocie entre 2100 et 22000 Francs Congolais alors que vers le marché de Nyawera, un dollar s’échange à 2300 et 2400 francs Congolais.

Malgré cette baisse relative, la spéculation autour du taux de change persiste, le pouvoir d’achat de la population continue de baisser. Le prix des biens et services quant à lui prend de l’ascenseur.

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Des grands opérateurs économiques, des commerçants, des acheteurs, tous se plaignent de la situation économique actuelle.

« On nous dit que le taux a baissé, mais on ne voit aucun impact positif sur la vie du congolais. Aucun changement sur la vie dans les ménages. Au contraire, les choses ont empiré. Le prix des denrées alimentaires a augmenté. Avec 20.000 francs Congolais on ne se sait plus payer la nourriture à la maison. La vie est devenue dure et nous ne savons pas quoi faire » se plaint Mireille, une femme ménagère qui achète des légumes au marché de Nyawera.

Le prix n’a pas seulement augmenté pour les denrées alimentaires et autres produits de première nécessité. Le transport, la communication, le prix des soins de santé, eux aussi ne sont pas sortis du lot. D’ailleurs pour des maisons de télécommunication, les grandes entreprises et hôpitaux de la ville de Bukavu, le taux est maintenu à 2600 Francs congolais. Même taux pour plusieurs institutions de microfinance et sociétés commerciales.

Depuis l’annonce de la baisse du taux de change sur le compte twitter de la Présidence de la République, qui  a évoqué un taux de 2.300 francs congolais le week-end dernier, le taux officiel affiché à la valve de la Banque Centrale reste de 2427,8464 Francs congolais. Une situation qui renforce la misère de la population au pouvoir d’achat faible.

Même si à Kinshasa on se vente de l’appréciation de 15 pourcents du franc congolais par rapport au dollar, après les mesures annoncées par la Présidence via son compte twitter, la misère et le désespoir continuent à se lire sur les visages de la population.

Coup de pouce de la Banque Mondiale, FMI ?

Enseignant en économie, Akili Ndatabaye ne croit pas à cette baisse du taux de change alors que le pays ne possède pas assez des réserves dans la Banque. Pour lui, cette baisse n’est pas durable à moins que la Banque Mondiale, le FMI (Fonds Monétaire International) prêtent des devises  à la RDC.

« L’Etat est intervenu en rachetant massivement les francs Congolais et en éjectant des dollars. Après, j’imagine que l’Etat a un peu vidé des réserves de change actuelles en augmentant la quantité des dollars en circulation et en réduisant la quantité de francs Congolais ou pour une même quantité des francs congolais, la monnaie locale ne pouvait que s’apprécier par rapport au dollar. Mais là, il faut vraiment faire une différence, il s’agit d’une baisse spectaculaire du dollar. Or, on a beaucoup plus besoin d’une baisse durable du taux de change. Ça c’est vraiment conjoncturel ».

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Ce dernier pense que les agents économiques n’ajustent pas le taux de change tel qu’affiché par la Banque centrale, parce qu’ils sont rationnels et il faut des anticipations.




« Rien ne rassure que le taux de change affiché aujourd’hui va être le même dans 2 mois, …parce qu’en réalité notre monnaie ne remplit pas les 3 fonctions qu’on lui reconnaît notamment la réserve de valeur. Nous sommes dans un régime de change flottant ou finalement ce sont les mécanismes d’offre et de demande de devise qui déterminent le taux de change plutôt que la seule force de l’Etat»

Pour lui, la seule solution pour la stabilisation durable du taux de change en RDC c’est la Banque mondiale et le FMI.

Difficile réduction

« Les réserves de change servent à faire des importations. Allons-nous éjecter ces réserves de change dans l’économie plutôt que de faire des importations ? Nous allons résoudre un problème en créant un autre parce que si nous cessons de faire des importations, les biens vont être rares sur le marché et là, il y aura une inflation liée à la rareté des biens et services sur le marché. Si on peut négocier beaucoup plus avec les partenaires comme la Banque mondiale et le FMI et que ces derniers nous donne suffisamment de devises sous forme de crédit, (mais généralement c’est ça les risques, ce sont des crédits qui sont donnés dans des conditions beaucoup plus défavorables). C’est cela qui peut nous permettre d’injecter de façon durable les devises en circulation, ce qui peut permettre de maintenir stable le taux de change », insiste-t-il.




Akili Ndatabaye ne croit pas à une potentielle réduction à très court terme mais à la stabilité au cas où ces interventions se faisaient.

« Je ne vais vraiment pas penser que nous pouvons le réduire, c’est peut-être très difficile mais nous pouvons au moins le stabiliser. J’ai des doutes à dire qu’on peut le réduire ; c’est presque impossible. Mais encore une fois, je ne vois pas par quelle magie on peut avoir autant de réserves qui vont nous permettre de stabiliser le taux de change pendant deux mois ou trois mois. Je doute… ».




En attendant, la situation est confuse et les habitants ne savent plus sur quel pied danser alors que l’autorité, elle, tarde à donner des nouvelles rassurantes.

Claudine Kitumaini
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