Le littoral du lac Kivu, dans la ville de Bukavu, est de plus en plus utilisé comme dépotoir pour les déchets ménagers, une situation alarmante qui menace gravement l’écosystème du lac et la santé des populations riveraines. François Zabene Zagabe, enseignant et chercheur au département de chimie-physique de l’Institut Supérieur Pédagogique (ISP) de Bukavu, au sein de l’unité d’enseignement et de recherche en hydrobiologie appliquée, tire la sonnette d’alarme.
Dans un entretien accordé à La Prunelle RDC ce jeudi 17 avril 2025, il alerte sur les effets dévastateurs de cette pollution croissante. Selon lui, la pêche des fretins et d’autres espèces de poissons est directement menacée, alors même qu’elle représente une source essentielle de subsistance et d’alimentation pour les habitants de Bukavu et de ses périphéries.
Le chercheur déplore particulièrement que les zones utilisées pour entreposer les déchets soient stratégiques : ce sont des lieux où se trouvent les œufs de poissons, cruciaux pour la reproduction aquatique. Il cite en exemple le littoral de Bwindi, dans la commune de Bagira, autrefois réputé pour la fraîcheur de son air, qui est désormais envahi par d’épais tas de déchets, notamment après les opérations de « Salongo » (journées de salubrité). Cette pratique, selon lui, contribue non seulement à la dégradation du lac mais aussi à la pollution de l’air ambiant.
« Une fois qu’on détruit les macrophages et qu’on y dépose les déchets, il y aura des problèmes majeurs : une pollution chimique, c’est-à-dire une perturbation des paramètres physico-chimiques, avec la présence de matières organiques pouvant affecter la vie aquatique. Si les taux de nitrites augmentent, on risque une perte importante de poissons, pas plus tard que ce 22 mars courant, nous avons procédé au nettoyage du lac Kivu», explique François Zabene.
Il poursuit en soulignant que cette eau est également utilisée par certaines personnes pour la baignade et les travaux ménagers, augmentant ainsi le risque de propagation de microbes dans la chaîne trophique, dont l’homme constitue le dernier maillon.

Concernant la pollution physique, le chercheur met en garde : l’accumulation de déchets plastiques à la surface du lac empêche la pénétration des rayons solaires, ce qui compromet la photosynthèse des algues. Or, cette photosynthèse est essentielle pour la production d’oxygène dans l’eau. Sa réduction pourrait entraîner une insuffisance en oxygène et, à terme, la disparition de certaines espèces aquatiques vitales à la productivité du lac.
Il alerte également sur la présence probable de métaux lourds dans ces déchets, qui peuvent s’accumuler dans les espèces aquatiques à travers un phénomène de bioaccumulation, avec des effets délétères sur la faune et la santé humaine.
En conclusion, François Zabene appelle la population de Bukavu, et en particulier les riverains, à une gestion responsable des déchets ménagers. Il propose d’identifier des zones stables pour servir de dépotoirs et encourage le tri et le recyclage des déchets.
« Avec ces déchets, nous pouvons produire des engrais utiles à l’agriculture, ou recycler les plastiques pour les transformer en pavés. C’est un grand avantage qu’il faut exploiter », conclut-il.