Dans le 27ème épisode de la saison 2 de « Po Na GEC » publié ce vendredi 2 septembre, le Groupe d’Experts sur le Congo (GEC) a indiqué qu’un député « simple » touche 25.000 dollars par mois. Un chiffre bien supérieur à celui de 21.000 dollars avancé par Martin Fayulu, et qui a été contesté. GEC indique qu’un membre du Bureau de l’Assemblée Nationale toucherait également un peu plus 200.000 dollars chaque mois.
Salaire des députés congolais : et si le scandale était ailleurs ?
C’est un secret de polichinelle. Tout le monde sait depuis des années que les parlementaires congolais sont grassement payés, pourtant tout le monde semble surpris d’apprendre que la rémunération des députés nationaux dépasse la barre des 20 000 dollars mensuels. Il a suffi en effet d’un communiqué fin août de l’opposant Martin Fayulu dénonçant les 21 000 dollars mensuels que l’Assemblée nationale verserait aux élus depuis janvier. D’autres sources ont confirmé à Ebuteli et au Groupe d’étude sur le Congo (GEC) que cette enveloppe pouvait, parfois, atteindre 25 000 dollars. Et multiplier la somme près de dix fois lorsque l’on est membre du bureau. Alors, dans cette affaire, où se situe vraiment le scandale ?
- Pourquoi maintenant ?
Oui, nous l’avons dit : que les députés congolais soient très bien payés n’est pas un scoop en soi. Et cela ne date pas d’aujourd’hui, et même pas de la législature en cours. Plus généralement d’ailleurs, des voix s’élèvent régulièrement pour exiger la réduction du train de vie des institutions. C’est le cas notamment du député Delly Sesanga qui dit avoir fait de cette cause son « cheval de bataille » depuis quatre ans.
Alors, pourquoi Martin Fayulu, qui continue à revendiquer le statut du « président de la République élu » en reparle maintenant ? « Parce qu’il vient de l’apprendre », soutient un de ses proches. « Opportunisme », « populisme », « intention de jeter en pâture tout un corps », répondent ses détracteurs. Le Collectif des députés nationaux de 26 provinces (C26) l’accuse même de « diffamation ». Quoi qu’il en soit, la sortie de M. Fayulu a le mérite de remettre cette question fondamentale au cœur du débat public, au moment où le gouvernement est en train de lever les grandes options pour le projet du budget à venir à déposer à l’Assemblée nationale avant le 15 septembre.
- Est-ce qu’un député congolais touche vraiment 21 000 dollars par mois ?
Ne pas pouvoir accéder à cette information censée être publique est scandaleux. Et la rémunération des députés congolais n’est pas la seule à se couvrir de ce voile d’opacité. Personne ne sait dire par exemple combien touche vraiment le président de la République, le président du Sénat, celui de l’Assemblée nationale, les ministres ou les gouverneurs de province.
Un mystère qu’un ancien membre du bureau de la chambre basse du Parlement a récemment accepté de lever, en avançant le chiffre de 25 000 dollars le mois pour un « député simple » et de presque dix fois plus pour un membre du bureau. « Je touche plus de 200 000 dollars américains le mois », nous affirmait-il, égrenant quelques rubriques de cette rémunération hallucinante : « fonds secrets de recherche, 50 000 dollars ; transport, communications, 35 000 ; prime de fonction, 45 000 ».
- Que retenir de ce scandale par rapport au système politique congolais ?
Comme on le voit, le système est fait de telle sorte que les politiques s’emparent littéralement des fonds publics. Le budget de l’État paraît être l’instrument qui consacre ce système de prédation des richesses sociales à leur profit. Et, souvent, lorsqu’il s’agit de leurs intérêts, les élus parlent le même langage. Il n’y a plus d’opposition, plus de majorité, à quelques rares exceptions près.
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En fait, plusieurs députés consultés expliquent que la fixation de leurs rémunérations tient compte des dysfonctionnements du système politique. Un système défaillant pour répondre aux besoins sociaux primaires de la population, incapable donc de mettre en place des politiques sociales en faveur de la population Celle-ci se tourne alors vers ses élus pour qu’ils suppléent à l’absence de l’État. Ce qui entretient et institutionnalise le clientélisme.
Avec cette polémique, n’est-ce pas enfin le temps de repenser tout le système de gestion et de redistribution des finances publiques ? Encore faut-il qu’il ait une bonne dose de volonté politique de changement et une pression populaire réclamant plus de transparence, d’équité et de justice sociale. À court terme, le strict minimum, à l’instar d’autres pays en Afrique et ailleurs, serait de publier les salaires et émoluments de toutes les autorités politiques, députés y compris.
Trésor Kibangula, coordonnateur des recherches sur la politique à Ebuteli, partenaire de recherche du GEC en RDC