La décision est tombée ce 14 juillet 2025 : désormais, toutes les élèves filles enceintes seront maintenues dans les établissements scolaires à travers la République Démocratique du Congo. Le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Nouvelle Citoyenneté a, dans une circulaire sans ambiguïté, demandé à toutes les écoles du pays de respecter ce principe sans aucune condition ni discrimination.
Cette mesure est historique. Elle fait écho à des années de mobilisation de parents, d’organisations féministes, d’activistes pour les droits des filles, et de toutes celles et ceux qui ont dénoncé une injustice silencieuse, tolérée, enracinée dans les murs de nos écoles.
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Car soyons clairs : jusqu’à présent, des milliers de filles enceintes ont été expulsées de leur établissement scolaire, dans un silence complice. Cela s’est fait au nom d’une prétendue morale, d’un souci de « bonnes mœurs », ou encore de la peur qu’elles « contaminent » leurs camarades avec de soi-disant mauvaises influences.
Dans nombre d’écoles – notamment celles relevant de réseaux conventionnés catholiques et protestants – la grossesse d’une élève était assimilée à une faute morale impardonnable. Mais jamais, ou si rarement, le garçon à l’origine de cette grossesse ne subissait la moindre conséquence.
L’école devenait ainsi un espace d’injustice, où l’on punissait la fille et où l’on protégeait le garçon. Ce deux poids deux mesures ne relevait pas seulement d’un dysfonctionnement ; il traduisait une violence structurelle, celle qui considère encore la jeune fille comme la seule coupable d’un acte à deux.
Mais il y a un fait encore plus grave que la société a trop souvent préféré ignorer : dans une immense majorité des cas, ces filles enceintes ont moins de 18 ans.
En RDC, une fille de moins de 18 ans ne peut pas consentir légalement à une relation sexuelle. C’est clair. C’est la loi. Toute grossesse chez une mineure est donc, par définition, la conséquence d’un viol.
Il ne s’agit pas d’un choix sexuel libre ou assumé. Il s’agit d’un acte criminel. Un abus. Une violence. Et pourtant, dans la majorité des cas, l’auteur de ce viol n’est ni poursuivi, ni inquiété, ni même nommé. Pendant ce temps, la fille, elle, est pointée du doigt, humiliée, rejetée.
En maintenant désormais les élèves enceintes dans le système éducatif, le gouvernement affirme un principe fondamental : le droit à l’éducation ne s’interrompt pas avec une grossesse.
C’est une avancée majeure pour la RDC. Non seulement cette mesure protège les droits des filles, mais elle contribue à corriger les inégalités profondes qui freinent leur épanouissement. Trop de jeunes mères ont dû abandonner leur scolarité. Trop de promesses ont été brisées par une exclusion injuste. Trop de talents ont été sacrifiés sur l’autel du conformisme moral.
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Évidemment, le maintien ne doit pas être une contrainte. Il doit rester un choix éclairé de la fille et de sa famille, en fonction de sa santé, de sa situation personnelle et de ses projets. Mais que ce droit existe désormais, c’est une victoire que l’on ne peut minimiser.
Cette décision oblige aussi à briser le tabou sur la sexualité des jeunes. Faire semblant que nos élèves vivent dans une bulle d’abstinence parfaite est non seulement hypocrite, mais dangereux. Il est temps d’en finir avec ce déni collectif.
Les jeunes sont sexuellement actifs, parfois très tôt. Une éducation à la sexualité complète, adaptée, respectueuse des droits, est plus que jamais nécessaire. Cela implique :
- une sensibilisation aux rapports protégés,
- un accès libre aux préservatifs et aux méthodes contraceptives,
- et une adaptation pragmatique de notre législation pour mieux encadrer la santé sexuelle et reproductive.
Oui, certains – nourris à la rigueur religieuse – crieront au scandale. Mais les prêches autour de l’abstinence ont montré leurs limites. Il faut sortir du moralisme culpabilisateur et entrer dans une approche fondée sur les droits, la prévention et la réalité.
L’un des arguments les plus souvent brandis pour s’opposer à ce type de mesure, c’est la peur qu’elle « encourage » les jeunes filles à tomber enceintes. Mais aucune fille ne rêve de tomber enceinte sur les bancs de l’école. Cette mesure ne crée pas le désir d’être enceinte ; elle vient simplement éviter une double peine : celle de la grossesse non désirée, et celle de l’exclusion.
Refuser l’accès à l’éducation à une fille enceinte, c’est la pousser à ne plus jamais y revenir. C’est la diriger vers un avenir restreint, bricolé, éloigné de ses ambitions initiales. C’est tuer la promesse d’un avenir meilleur.
Ce changement de cap exige un accompagnement solide : des directives claires aux établissements, un encadrement médical et psychologique pour les filles concernées, et surtout, un vaste programme de sensibilisation auprès des leaders religieux et communautaires, trop souvent opposés à ce type d’avancées.
Changer la loi est une chose. Changer les mentalités en est une autre. Et sans cela, la circulaire risque de rester lettre morte dans bien des écoles reculées ou conservatrices.
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Refusons cette hypocrisie qui fait de la fille enceinte une fautive et de la société une victime. L’exclusion des élèves enceintes est un scandale social, une cruauté institutionnelle qui nie les réalités du terrain et punit les plus vulnérables.
À l’inverse, l’école qui accueille, accompagne, et soutient, est celle qui prépare un avenir plus juste, plus égalitaire. L’éducation ne doit jamais être un privilège conditionné à la conformité morale, mais un droit fondamental pour toutes et tous.
Le monde change. Et nous avons le devoir de changer avec lui !