Intervenons-nous

    Le 15 janvier 2025, le Docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix et défenseur des droits humains, a exprimé son soutien inébranlable à l’appel lancé par la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC) pour la création d’un Pacte social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble en République Démocratique du Congo (RDC) et dans la sous-région des Grands Lacs. Cet appel, qui fait de la paix et de la justice des priorités essentielles pour l’année 2025, a résonné comme un cri d’alarme face à la dévastation continue dans la région.

    Dans son message de soutien, le Docteur Mukwege a mis en lumière les conséquences dramatiques de décennies de guerre, d’agression et de violences systémiques qui ont frappé le peuple congolais. 

    Selon lui, la RDC vit l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 7 millions de déplacés internes, un quart de la population confronté à la faim et des centaines de milliers de morts et de victimes de violences sexuelles, principalement des femmes et des enfants.

    Mukwege dénonce la politique de l’impunité qui a alimenté ce cycle de violences. Il souligne que les accords de paix successifs, de Lusaka à Sun City en passant par Goma, ont échoué à instaurer une véritable justice, en sacrifiant celle-ci sur l’autel de la paix fragile.

    « Ces accords ont intégré dans les forces de sécurité et de défense nationale des membres de groupes armés, aussi bien nationaux qu’étrangers, qui devraient répondre de leurs crimes. Ce processus a prolongé l’instabilité et légitimé la violence, » déplore-t-il.

    Il pointe également le rôle néfaste des puissances étrangères et des multinationales qui, selon lui, exploitent illégalement les ressources naturelles de la RDC, exacerbant ainsi les conflits.

    « L’économie politique de la guerre est profondément liée à l’exploitation illégale et à la contrebande des ressources naturelles congolaises par les pays voisins, et des bandes criminelles déstabilisant les provinces de l’Est et du Nord-Est du pays en tant que proxys de certaines grandes puissances et diverses multinationales. » a-t-il ajouté.

    La situation s’est intensifiée avec la résurgence du M23, un groupe armé soutenu par des États voisins, menaçant l’intégrité de la RDC et l’équilibre fragile de la sous-région des Grands Lacs. Mukwege met en garde : « La résurgence du M23 soutenu par le Rwanda et l’Ouganda constitue une menace existentielle pour la RDC et pourrait provoquer une conflagration dans la sous-région des Grands Lacs africains. Elle menace la paix et la sécurité régionales et internationales. »

    L’appel à l’action et à la solidarité internationale

    Pour Denis Mukwege, il est grand temps de réagir avec une action politique forte et multilatérale. Il soutient fermement l’idée de redynamiser l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, signé en 2013, pour résoudre les causes profondes du conflit en RDC et dans la région des Grands Lacs.

    Cet accord, selon lui, représente la dernière chance de mettre fin à la violence en mettant l’accent sur une approche collective impliquant les États, les institutions internationales et même le secteur privé, afin de trouver des solutions durables.

     « Il est essentiel de redynamiser l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération, signé en 2013, afin de s’attaquer aux causes profondes du conflit et de mettre fin aux cycles de violence récurrents. », a-t-il précisé.

    Le Docteur Mukwege rejoint la CENCO et l’ECC dans leur appel à la tenue d’un sommet international pour la paix en RDC en 2025. L’objectif du sommet est de mettre fin à la violence, de répondre aux besoins humanitaires urgents des Congolais et de poser les bases d’une paix juste et durable.

    « Il est temps d’appeler à une action politique et diplomatique forte, avec la participation du secteur privé et de la société civile, pour faire taire les armes et répondre au désastre humanitaire. » a-t-il insisté.

    Il invite également les acteurs du secteur privé, en particulier ceux du secteur minier, à jouer un rôle crucial en adoptant des pratiques commerciales responsables dans le cadre de la transition énergétique mondiale.

    « Cette transition énergétique dite « verte » offre une opportunité unique de promouvoir la paix au travers de l’approche du « Business For Peace », » explique Mukwege.

    Il ajoute que les entreprises mondiales de haute technologie ont une responsabilité morale à s’impliquer : « Les entreprises mondiales de haute technologie, dont certaines s’approvisionnent directement ou indirectement en minerais issus du pillage des ressources naturelles de la RDC, ont tout intérêt à promouvoir la construction de la paix durable en RDC. »

    L’initiative « Business for Peace »

    Un des éléments clés du message de Mukwege est l’opportunité offerte par le concept de « Business for Peace ».

    Selon lui, les entreprises mondiales qui s’approvisionnent en minerais essentiels, souvent issus de l’exploitation illégale en RDC, devraient s’engager activement dans la construction de la paix.

    En adoptant des pratiques éthiques et en veillant à la traçabilité de leurs chaînes d’approvisionnement, ces entreprises peuvent contribuer à éradiquer le commerce des « minerais du sang » et à promouvoir le développement économique durable, tout en respectant les droits humains et en protégeant l’environnement.

     « En s’assurant que la chaîne de valeur de leurs approvisionnements soit propre, respectueuse des droits humains, ces entreprises peuvent contribuer à mettre fin au trafic criminel des ressources naturelles de la RDC. », souligne Mukwege.

    Enfin, il considère la RDC comme un frein au développement de l’Afrique subsaharienne. « La RDC est devenue un obstacle au développement de l’Afrique subsaharienne, » observe-t-il, tout en soulignant que la coopération entre pays de la région, à travers des partenariats gagnant-gagnant, est cruciale pour un avenir meilleur.

    Selon lui, l’initiative « Business for Peace » peut être un catalyseur pour le développement : « Ce concept permettra aux pays de la CIRGL et d’autres pays africains de développer les échanges commerciaux avec la RDC et d’autres pays africains à travers la RDC, qui est aujourd’hui un obstacle aux échanges transafricains à cause de l’insécurité persistante. »

    Une solidarité globale pour la RDC

    Denis Mukwege réitère son soutien sans réserve à l’appel des Eglises pour le Pacte social pour la Paix et le Bien-Vivre-ensemble.

    Il exhorte tous les Congolais et les citoyens des Grands Lacs à s’approprier cette initiative. Selon lui, la paix doit être la priorité de tous, car sans elle, il n’y a pas de développement, ni de dignité pour les peuples de la région.

    « En cette année 2025, notre priorité, c’est la paix ! » conclut-il.

    Lire aussi: La CENCO et l’ECC lancent l’initiative du pacte social pour la Paix et le bien-vivre-ensemble en RDC et dans les Grands Lacs

    Mukwege souligne que l’heure est venue de faire entendre la voix du peuple congolais, de redonner à la RDC sa place en tant qu’acteur clé du développement de l’Afrique.

    Il insiste sur la nécessité d’une action commune et urgente pour que, enfin, la paix s’installe durablement en RDC et dans les Grands Lacs, et que la région puisse enfin tourner la page de ses conflits interminables.

    Jean-Luc M.

    Share.
    Leave A Reply

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.