À Bukavu, un cercueil transporté sur les toits faute de route praticable révèle l’ampleur dramatique de la spoliation des voies publiques. Une crise urbaine ignorée des autorités mais insupportable pour les habitants.
Dans le quartier Cahi, commune de Bagira, une scène choquante : les habitants ont été contraints de hisser un cercueil par-dessus les toits en tôle des maisons, faute de voie d’accès praticable. L’image est saisissante, mais elle n’est que la face visible d’un problème plus profond : la disparition progressive des servitudes publiques dans la ville.
« On avait dû passer le corps comme un colis, entre les maisons, sur les toitures. Même les morts ne sont plus respectés ici », témoigne un habitant, bouleversé.
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Depuis plusieurs années, la ville de Bukavu est rongée par une spoliation systématique des espaces publics. Des ruelles, des chemins, des servitudes, des parcelles publiques, jusqu’à des cimetières sont vendus, clôturés ou annexés par des particuliers. Et cela, souvent avec la complicité passive ou active de certaines autorités.
Conséquence : des maisons deviennent inaccessibles, des malades ne peuvent plus être évacués, des convois funéraires doivent improviser. Les rares sentiers restants sont si étroits qu’un cercueil ne peut même plus passer.
« C’est une ville sans issue », déplore un acteur de la Société Civile.
Pire encore, des familles dénoncent la profanation de tombes dans les cimetières de Panzi, Camp Saio ou Musigiko. Certaines tombes sont détruites pour permettre des constructions immobilières.
« Que les vivants manquent de passage est déjà grave, mais que les morts soient déterrés pour faire place à des murs, c’est une honte nationale », s’indigne une habitante de Panzi.
Malgré les multiples alertes de la Société civile, les autorités locales semblent garder un silence assourdissant. Des noms de personnalités politico-administratives ou militaires sont cités dans la vente illégale de ces espaces publics.
« Certains agents de l’administration vendent les voies publiques au vu et au su de tout le monde. C’est un réseau bien organisé », accuse un militant de la Société Civile.
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Ce sentiment d’injustice et d’abandon par les pouvoirs publics alimente une profonde frustration au sein de la population, qui demande des mesures urgentes et fermes :
- Une cartographie officielle des voies publiques ;
- L’annulation des ventes illégales ;
- La restitution des espaces spoliés ;
- Et des poursuites judiciaires contre les auteurs et complices.
« Ce n’est pas qu’un problème d’urbanisme. C’est une question de dignité humaine, de justice et de mémoire », conclut un acteur engagé.
Sans action immédiate, Bukavu court vers l’asphyxie : plus de passage pour les vivants, plus de repos pour les morts, plus de confiance dans l’autorité. L’urgence est là. Il en va de l’avenir de la ville, de son humanité et de sa mémoire collective.