Intervenons-nous

Depuis quelques jours, une rumeur tenace secoue le paysage politique congolais : Joseph Kabila serait de retour à Goma. Ni confirmée, ni démentie, l’information enflamme les réseaux et met en alerte les cercles du pouvoir. Fidèle à son style opaque et calculateur, l’ancien président semble, une fois de plus, orchestrer une montée en tension maîtrisée. Entre agitation politique, réactions sécuritaires et manœuvres de coulisse, Ewing Ahmed Salumu décrypte cette opération de brouillage savamment dosée. Coup de bluff ou stratégie magistrale ?  (Tribune)

Kabila à Goma : coup de maître ou flop stratégique ?

Depuis quelques jours, une rumeur persistante agite la scène politique congolaise : Joseph Kabila serait à Goma. Vrai ou faux ? Personne ne le sait avec certitude. Et comme souvent avec l’ancien président, le doute semble parfaitement calculé. Fidèle à son style énigmatique, Kabila agit à la manière d’un joueur d’échecs, avançant ses pions dans l’ombre et provoquant l’agitation dans l’arène politique nationale.

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Joseph Kabila n’a jamais été un homme de déclarations intempestives. Son silence est son langage, ses absences sont des messages, et chaque information le concernant devient une traînée de poudre. C’est précisément ce qu’illustre cette nouvelle séquence. Un murmure qui se propage, des relais qui s’activent, et en quelques heures, l’opinion publique et les médias se retrouvent embarqués dans un tourbillon d’hypothèses.

La théorie des six degrés de séparation et les dynamiques de chambre d’écho font le reste. Dans son ouvrage Noise: A Flaw in Human Judgment, le prix Nobel Daniel Kahneman alerte sur ce phénomène : le bruit informationnel altère la perception et les décisions. Kabila le sait. Et il en joue.

Comme à chaque coup d’éclat, la réaction est immédiate. Rumeurs de saisies de biens, suspension des activités du PPRD, arrestations ciblées d’opposants et de journalistes, et survoltes dans les milieux politiques et sécuritaires de Kinshasa. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, aurait, selon plusieurs sources, coordonné ces actions avec son collègue de l’Intérieur, Jacquemin Shabani. Ce climat délétère n’est pas nouveau, mais il marque une nouvelle étape dans une démocratie congolaise encore fragile.

À travers cette manœuvre, Kabila réussit un double coup : réaffirmer sa présence politique et tester la nervosité d’un pouvoir qui, face aux défis sécuritaires et sociaux, peine à garder le contrôle. 

Pour l’heure, la question reste sans réponse officielle. Kikaya bin Karubi annonce une prochaine adresse à la nation. Barbara Nzimbi assure que l’ancien président prendra la parole. Steve Wembi, journaliste réputé, affirme dans un tweet daté du 18 avril 2025 que Joseph Kabila a foulé le sol de Goma. Théo Binamungu a fait un audio de bienvenue. Rien de confirmé, mais le simple fait que cette rumeur occupe autant d’espace médiatique est, en soi, un succès pour l’intéressé.

Si Kabila est effectivement à Goma, il redonne des béquilles à une rébellion aux fronts figés et pousse un gouvernement qui patine à réagir. Les négociations en cours avec Erik Prince, fondateur de Blackwater et désormais consultant en sécurité, viennent ajouter une couche de complexité à cette équation déjà trouble.

Reste à savoir quel rôle Kabila entend jouer dans cette partie. Le Constitution congolaise, notamment son article 30, garantit à tout citoyen la liberté de circulation. Aucun texte ne condamne le silence ni la discrétion stratégique. Le terrain juridique reste mince pour légitimer une chasse aux sorcières.

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Coup de maître ou flop ? L’histoire le dira. Si les rebelles progressent, si Erik Prince entre dans la danse, et si Kinshasa continue à perdre ses nerfs, alors le coup aura été parfaitement exécuté. Dans

le cas contraire, il ne restera qu’un brouhaha médiatique de plus dans un pays habitué aux emballements passagers.

 En attendant, une seule certitude : dans cette partie d’échecs politique, Joseph Kabila reste l’un des rares à savoir tenir ses cartes.

 Bonne fête pascale à tous!

 Par Ewing Ahmed Salumu

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