Intervenons-nous

Le Fond des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a noté que 45 cas de violences sexuelles sur des enfants et 70 enfants blessés de moins de 5 ans ont été envoyés à l’hôpital Virunga à Goma (capitale du Nord-Kivu) pour y recevoir des soins spécialisés.

« Selon des sources locales, des éléments armés auraient profité du contexte délétère pour perpétrer des pillages et des viols dans les quartiers de Majengo, Virunga, Birere, ainsi qu’autour de l’aéroport et du rond-point Instigo », a indiqué pour sa part, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), dans son dernier rapport de situation.

Outre les abus recensés au Nord-Kivu, de « nombreux incidents de protection » sont également signalés au Sud-Kivu. « Cinq filles d’une même famille auraient été violées par des hommes armés à Kalungu, une localité du territoire de Kalehe (Sud-Kivu). Elles ont été prises en charge à l’hôpital local », a détaillé l’OCHA.

Les précédents conflits dans l’est de la RDC, tels que la conquête de Goma par le M23 en 2012, ont souvent été accompagnés de graves violations des droits humains, notamment des meurtres de civils et des violences sexuelles.

Des rapports de viol et d’exploitation tragiquement devenus routiniers

L’augmentation des déplacements « éloigne les femmes et les filles des filets de sécurité minimaux » que les communautés ont mis en place au fil du temps, « amplifiant davantage le risque de violence basée sur le genre », y compris les violences sexuelles et les violences conjugales.

De son côté, ONU Femmes souligne que les femmes et les filles congolaises sont actuellement confrontées à des « niveaux accrus de violence sexuelle et sexiste, les rapports de viol et d’exploitation devenant tragiquement routiniers ».

Lors d’une récente réunion organisée par ONU Femmes, les organisations de femmes ont fait part de leurs préoccupations urgentes concernant les déplacements forcés, les violences sexuelles généralisées et les lacunes importantes en matière de protection et de services sociaux de base.

Ce contexte de déplacements accrus et de pénurie de ressources, ajouté aux inégalités préexistantes entre les sexes, exacerbe la vulnérabilité des femmes et des filles en RDC.

« Les efforts collectifs sur les initiatives politiques et de paix régionales en cours doivent être axés sur la garantie que les voix et les besoins des femmes sont au cœur de la réponse et du processus de rétablissement », a déclaré Sofia Calltorp, Directrice du Bureau d’ONU Femmes à Genève et cheffe de l’action humanitaire.

En écho à cette alerte, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a examiné, mardi, un rapport présenté à titre exceptionnel par la RDC traitant de la réponse des autorités congolaises aux violences sexuelles liées au conflit à l’est du pays.

A cette occasion, la ministre congolaise des droits humains, Chantal Chambu Mwavita, est revenue sur les « divers rapports pertinents des Nations Unies, des ONG nationales et internationales », ainsi que les témoignages et récits poignants des survivantes de violences sexuelles liées au conflit, qui relèvent qu’au cours de la guerre actuelle dans la province du Nord et Sud-Kivu, « des milliers de femmes et des filles ont été victimes de viols, de mutilations et d’autres formes de violences inhumaines ».

Selon Kinshasa, ces atrocités ne se limitent pas seulement aux camps de personnes déplacées, mais se commettent également dans les lieux où les femmes devraient être en sécurité, telles que leurs propres maisons.

« Les groupes armés actifs dans la province de l’Ituri se sont également illustrés dans les exactions similaires. Aujourd’hui, à l’heure où se tient cette session, la ville de Goma et ses alentours ont été prises par l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23. La ville de Bukavu et d’autres localités du Sud-Kivu sont aussi menacées », a déploré Chantal Chambu Mwavita, redoutant « une extension du cycle des violences, avec des conséquences dramatiques pour les femmes et filles congolaises ».

Ces derniers développements interviennent alors que l’Alliance Fleuve Congo, une coalition politico-militaire dont le principal membre est le mouvement rebelle M23, a annoncé lundi dans un communiqué décréter un cessez-le-feu dans l’est de la RDC pour des raisons humanitaires à partir de ce mardi.

« L’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) informe le public qu’en réponse à la crise humanitaire provoquée par le régime de Kinshasa, elle décrète un cessez-le-feu qui prend effet à partir du 4 février 2025 pour des raisons humanitaires », ont fait part les rebelles dans une déclaration postée sur la plateforme X.

Par ailleurs, l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive a été fortement limité par l’insécurité grandissante et le manque de fournitures. Les principaux couloirs d’approvisionnement humanitaire ont été bloqués par les combats, ce qui a entraîné une pénurie de produits essentiels pour les opérations des acteurs humanitaires. Avec environ 400.000 personnes touchées par la crise, l’agence de l’ONU chargée des questions de santé sexuelle et reproductive (UNFPA) estime que près de 90.000 sont des femmes en âge de procréer, tandis que plus de 12.000 sont enceintes.

Le groupe armé M23 est actif dans l’est de la RDC depuis des années et a désormais pris le contrôle de large pans du Nord-Kivu, dont le sous-sol est riche en métaux rares et précieux, notamment le coltan, l’or, le nickel, le cobalt et le cuivre.

Pour la réouverture urgente de l’aéroport de Goma

De son côté, le Coordonnateur humanitaire de l’ONU en RDC appelle à la mobilisation de toutes les parties pour la réouverture urgente de l’aéroport de Goma, point d’accès crucial à l’aide humanitaire.

Bruno Lemarquis appelle toutes les parties à tout mettre en œuvre pour une réouverture urgente de l’aéroport. Tous les acteurs concernés doivent agir sans délai pour permettre aux vols humanitaires de reprendre leurs opérations et garantir l’accès aux secours.

 Après les combats d’une intensité que la région n’avait pas connue depuis des décennies et au lourd bilan humain, Goma fait face à une urgence humanitaire. De très nombreux blessés nécessitent des soins urgents, les infrastructures médicales restent débordées, et des milliers de civils sont toujours privés d’assistance vitale.

« L’aéroport de Goma est une ligne de vie. Sans lui, l’évacuation des blessés graves, l’acheminement des fournitures médicales et la réception des renforts humanitaires sont paralysés », a affirmé M. Lemarquis. « Chaque heure perdue met davantage de vies en péril. La survie de milliers de personnes en dépend. L’urgence est absolue ».

Impact du gel de l’aide américaine

En attendant, les organisations humanitaires tentent de reprendre l’acheminement de l’aide dans et autour de Goma. C’est le cas du Programme alimentaire mondial (PAM) qui prépositionne activement des fournitures et s’est dit prêt à reprendre ses opérations dès que les conditions le permettront.

L’agence renforce également ses efforts de préparation dans les pays voisins, en collaboration avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organismes, afin de mettre au point des plans d’urgence. Compte tenu du risque d’augmentation des déplacements de population, le PAM veille à être prêt à intervenir au Rwanda, en Ouganda, au Burundi et en Tanzanie.

Mais l’OCHA alerte que la suspension pour 90 jours du financement humanitaire de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) à ses partenaires, à la suite d’une décision du gouvernement américain, « affecte gravement les projets de sécurité alimentaire, d’eau, d’hygiène et d’assainissement à Minova (Sud-Kivu) ». « Cette suspension réduit considérablement la capacité des acteurs humanitaires à répondre aux urgences dans le Sud-Kivu comme dans le Nord-Kivu pendant cette période », a insisté l’OCHA.

Session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme vendredi à Genève

Par ailleurs, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève se réunira vendredi en session extraordinaire sur la situation dans l’Est de la RDC. Une demande congolaise a été relayée lundi soir auprès du bureau de l’organe, a affirmé mardi à la presse un porte-parole de l’organe, Pascal Sim.

Pour une session extraordinaire, il faut que la requête soit validée par au moins un tiers des 47 membres. « Cette demande est à ce jour soutenue par 29 Etats membres et 21 pays observateurs », a précisé le porte-parole, relevant qu’un projet de résolution est en cours.

La réunion de vendredi sur la RDC sera la 37e session spéciale depuis la création du conseil en 2006. La dernière a eu lieu en mai 2023 sur le conflit au Soudan, et avant cela en novembre 2022 sur la situation des droits humains en Iran.

Jean-Luc M.
Share.
Leave A Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.