En République Démocratique du Congo, l’organisation Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) vient de rendre public un rapport sur la situation des journalistes exerçant dans la partie Est du pays.
Le rapport révèle qu’au cours de l’année 2023, 84 cas d’atteinte à la liberté de la presse dont 62% dans l’Est du pays ont été rapportés. De janvier à avril 2024, PPI dit avoir déjà documenté 22 cas d’atteintes à la liberté de la presse dans l’Est du pays.
A en croire cette organisation de défense des droits humains, jusqu’au 30 avril 2024, plus de 80 journalistes, hommes et femmes, de territoires de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et une partie de Walikale dans la province du Nord-Kivu ont été contraints de quitter leurs zones à cause de la guerre. Selon le rapport, la plupart d’entre eux ont assisté impuissamment à la fermeture de leurs médias dans ces zones.
Jonathan Magoma, Directeur des Programmes au PPI a révélé au cours d’une conférence de presse qu’il a animée à Bukavu ce vendredi 31 mai courant, que nombreux de ces Journalistes ont quitté leurs zones de travail.
« D’aucun se demanderait où seraient-ils alors présentement ou comment continuent-ils d’exercer? La réponse à cette question est tout simplement qu’ils mènent cette vie difficile çà et là, particulièrement à Goma dans des familles d’accueil ou sous d’autres formats », a déploré le Directeur des Programmes de PPI.
Selon lui, les affres de la guerre dans la province du Nord-Kivu de par leur allure et ampleur ont presque inhibé les exactions qui sont en train d’être commises à l’égard des journalistes et des médias dans d’autres provinces de l’Est dont l’Ituri, le Maniema, le Sud-Kivu et la province du Tanganyika.
PPI note que présentement, six journalistes du territoire de Moba dans la province du Tanganyika vivent sous menaces des services et autorités politiques de sécurité dont l’ANR et le parquet de Moba, pour avoir animé en février 2024, une émission dans laquelle était décriée l’insécurité grandissante qui sévit dans leur territoire.
Il s’agit de Kapata Kapaipi Dalyos et Boniface Mutanda de Moba FM (RTM); Kisimba Yobu Brett de Moba FM (RTM) et correspondant à la radio Ndenga News de Kalemie; Kasase Kikungulu Flonbert de la radio communautaire de Moba (RCMO); Esther Katubilwa et Kashulwe Kalombe isidore fous indépendants).
« Ces journalistes sont contraints de vivre dans la clandestinité, malheureusement! », regrette l’organisation.
Pour la province du Sud-Kivu, le rapport regrette que sans motif, les formalistes ont été expulsés de la salle des plénières de l’Assemblée provinciale au moment du dépouillement des votes de sénateurs et gouverneurs, le 29 avril 2024.
Toujours dans le cadre d’atteintes à la liberté de la presse, PPI note que 3 professionnels des médias du Sud-Kivu ont leurs dossiers pendant devant la justice, dont un est en train de comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de Bukavu et deux devant le Parquet Général.
Il s’agit du joumaliste Pascal Kamanzi de Mabadiliko Fm dans la ville de Bukavu, de Shasha Rubenga de la Radio Amka Kalonge dans le territoire de Kalehe et de Philémon Mutula du RATECO; tous poursuivis en justice pour avoir exercé leur travail (dans un contexte électoral tendu).
L’organisation souligne qu’à Goma et dans la périphérie, les armes circulent et sont entre les mains des gâchettes faciles. Elle regrette que ces individus portent des armes à feu comme un accessoire de routine et tirent à tout moment et partout.
Le rapport révèle également que le 26 février 2024, les journalistes Jean de Dieu Awa de Hope Channel TV (et correspondant de Nyota TV de Lubumbashi) et Cadet Mukata de Mishapi Voice TV ont été agressés par des inconnus en pleine ville de Goma dans la soirée.
A Irumu, dans la province de l’Ituri, PPI révèle que le journaliste Kambale Fidèle a été tué le 21 février de cette année par un militaire des FARDC dans des circonstances non élucidées jusqu’à présent. Ce militaire aurait été en état d’ivresse.
Le 24 avril 2024, à une semaine de la célébration de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse, le journaliste Serge Karba de la RTNC station provinciale de l’lturi, a été victime d’attaque par des hommes armés à son domicile dans la commune Mbunya, à Bunia! Il a été grièvement blessé.
Le même jour, à Beni, dans la province du Nord-Kivu, Georgine Kyavasoki, journaliste à la Radio Pambazuko, territoire de Beni, a été agressée par des hommes en uniforme de FARDC, mais non autrement identifiés.
Dans un contexte pareil de criminalité et d’insécurité généralisées, l’organisation note qu’il devient difficile pour le journaliste de travailler en toute indépendance et quiétude.
Tout en louant l’appui technique et financier de certains partenaires qui se rangent du côté de PPI afin qu’il agisse en temps réel pour apporter une assistance à tous les journalistes en détresse ou pour leur doter des stratégies de protection préventive, l’organisation note qu’actuellement, exercer dans l’Est de la RDC comme journaliste est un signe de bravoure, de patriotisme et de passion pour la liberté d’informer.
« Les journalistes sont en train d’accomplir ce noble métier tout en n’ignorent pas les risques et le prix à payer qui, vu l’hostilité de la zone, peut aller jusqu’à l’irréparable », regrette Jonathan Magoma.
Néanmoins, il salue les efforts fournis par les parties prenantes et particulièrement le Gouvernement de la RDC dans l’avènement, l’an passé, de l’Ordonnance-loi sur l’exercice de la liberté de la presse, la loi relative à la protection et responsabilité du défenseur des droits de l’homme en RDC et l’ordonnance-loi portant Code du numérique sont à louer.
Cependant, le Directeur des Programmes de PPI a fait observer que malgré l’existence de ces textes tant attendus, la situation des journalistes sur le plan sécuritaire ne s’est presque pas améliorée au pays en général et à l’Est en particulier. Surtout que les informations relatives au rapport démontrent que les 22 cas d’atteintes à la liberté de la presse dans l’Est du pays ont été occasionnés par les agents de l’Etat, en particulier de service de l’ordre et de sécurité, responsables de violations à l’égard des journalistes à 77,8%.
L’organisation fait appel au Gouvernement congolais afin de rappeler à l’ordre ses différents services et de tout mettre en œuvre pour le retour de la paix dans toute la partie Est de la RDC.
A l’allure actuelle où les conditions de travail du journaliste de l’Est deviennent de plus en plus difficiles et où les besoins ne font que se multiplier, PPI souhaite voir tous les acteurs du secteur mettre la main à la pâte une fois de plus afin de soulager cette souffrance et maintenir la liberté de la presse dans l’Est de la RDC.
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