Intervenons-nous

La pratique des barrières illégales n’est pas seulement l’œuvre des membres de services de défense et de sécurité ou encore des groupes armés. Dans plusieurs coins du Sud-Kivu, des citoyens ayant décidé de rendre praticables les routes qui traversent leurs entités obligent aux passants de payer des frais qu’ils fixent à leur gré.

Dans d’autres quartiers, la pratique est visible les jours des travaux communautaires communément appelés « Salongo ». Une situation que les autorités ne contrôlent visiblement pas, incapables de trouver des solutions aux problèmes criant d’infrastructures.

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Ces citoyens qui fournissent beaucoup d’efforts pour trouver des solutions à leurs problèmes estiment qu’ils sont en droit, malheureusement, de percevoir de l’agent sur les routes. Une situation qui peut dégénérer à tout moment en cas de résistance d’un conducteur d’un engin roulant.

Une vingtaine, Mugisho est un habitué de ces genres de travaux sur la route Bideka-Walungu centre en passant par Nkalakanja. Un dimanche matin, on le retrouve entre Kahembarhi et le terrain de Kanamoba en train de rendre la route praticable. Une petite déviation empruntée surtout par les motocyclistes pour atteindre facilement Walungu.

Il explique à LaPrunelleRDC.CD que lui et son groupe d’amis ont choisi de faire l’ «entretien » de cette déviation pour permettre aux engins roulant de passer. Mais cela ne doit pas rester « totalement » gratuit dit-il. « Il faut une canne à sucre pour redonner de l’énergie à nous qui travaillons.

La valeur de la Canne à sucre, c’est Mugisho et ses amis qui la fixent à leur gré. Les motards ne peuvent y traverser que s’ils déboursent un montant de 500 francs congolais.

« Chaque motard doit payer 500 francs congolais pour passer. Ce n’est pas l’Etat qui fixe mais c’est la bonne volonté de chacun qui veut soutenir les volontaires que nous sommes. Ce n’est pas obligatoire », raconte Mugisho.

Pourtant, Mugisho et ses copains ont bel et bien érigé une barrière pour percevoir ces fonds. Notre moto paiera 500 francs pour pouvoir quitter le lieu. Ce sera la même chose pour les quatre autres qui sont arrivées sur le lieu au même moment. Nous rencontrerons ce même groupe au retour, faisant payer la même somme et avec autant d’insistance.

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La situation de Kahembarhi n’est pas un fait isolé. La pratique est tellement implantée dans les avenues, villages, communes et Quartiers de nos entités qu’elle semble s’être normalisée.

En effet, des jeunes « courageux » sautent sur chaque évènement pour pouvoir arrêter les passants et/ou les engins roulant les obligeant de débourser une somme d’argent pour traverser.

Dans certains quartiers de Bukavu, il n’est pas étonnant de voir des barrières justifiées par un deuil dans le Quartier. La pratique est devenue normale et source de bagarre dans certains cas.

Une pratique plutôt rentable

Début octobre, la Société Civile Citoyenne, Coordination d’Uvira, s’indignait contre la barrière illégale érigée sur le pont de déviations sur la Rivière Kakenge à Sange, dans la plaine de la Ruzizi au sud de la province du Sud-Kivu.

Dans une lettre adressée au Chef de la cité de Sange et consultée par LaPrunelleRDC.CD, la Société Civile dénonçait un « rançonnement » des usagers la route par un groupe de « volontaires » qui a jeté un pont de déviation sur cette rivière. Ce, après que le vrai pont soit emporté par les eaux de la pluie sur la Route Nationale numéro 5.

La Société Civile Citoyenne précisait également que depuis 8 mois déjà, ce groupe doit avoir rançonné plus de 6.000 dollars américains aux usagers de ce pont. Pour traverser ce pont, un bus doit payer 2000 FC, une voiture 1000 FC et une moto 500 FC par jour.

« De notre estimation, Monsieur le Chef de Cité, s’il s’avère au minimum que vingt (20) engins fréquentent cette barrière, et, au regard du rythme de perception, il y aura: 3500 FC x 20 engins/jour soit 70 000 FC/Jour x 30jours soit deux millions cent mille francs (2 100 000 FC) le mois. Ce qui donne seize millions huit cent mille francs (16 800 000 FC) dans leurs huit mois de perception, qui équivalent 6720$ », dénonce-t-elle.

L’exemple de Sange illustre bien que l’activité est devenue lucrative dans certains coins et des nombreux citoyens n’ont pas de choix que de débourser l’argent demandé. Nombreux de ces groupes sont parfois violents.

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Les personnes qui mettent en place ces barrières illégales agissent en toute impunité, sans crainte d’être poursuivies ou sanctionnées. Bénéficient-ils de la complicité des agents de l’Etat ?

Des habitants de nombreux quartiers demandent toujours aux autorités compétentes de prendre des mesures fermes pour éradiquer ces barrières illégales. Cela nécessite une augmentation de la présence des forces de sécurité dans les zones concernées, ainsi qu’une volonté politique de poursuivre en justice les responsables de ces pratiques illégales.

Aussi, l’Etat ne devrait-il pas mettre une brigade de cantonniers dans toutes les routes pour remplacer des « volontaires » devenus au fil du temps « rançonneurs » malgré eux ?

Fidèle Ushindi

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