Des députés nationaux et provinciaux, ainsi que des acteurs judiciaires (militaires et civils) des acteurs de la Société Civile et différents leaders du Sud-Kivu, ont été formés ce lundi 20 septembre 2021 à Bukavu, par l’organisation Actions pour la Paix et le Développement (AJPD- RDC Asbl), sur le plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort, mais aussi l’amélioration des conditions de vie des prisonniers, particulièrement ceux condamnés à la peine de mort qui vivent dans la prison Centrale de Bukavu.
En organisant cet atelier, AJPD dit avoir voulu outiller différents acteurs politiques, judiciaires et sociaux de la province du Sud-Kivu sur le plaidoyer à faire pour la suppression de cette peine, qui est, selon elle, contraire aux traités internationaux ratifiés par la RDC.
L’Orateur du jour, Professeur Adolphe Kilomba Sumaili, rappelle qu’il y a deux courants pour la peine de mort, notamment les abolitionnistes et les rétentionnistes. Les premiers estiment que cette peine devrait être abolie, vu qu’elle est «inhumaine, cruelle et dégradante», les second eux, estimant que cette peine est dissuasive.
Celui-ci fait ainsi savoir que la RDC est aujourd’hui dans une obligation abolitionniste, vu les différents traités internationaux ratifiés qui ne prévoient pas cette peine et qui exige le juge congolais à l’écarter dans son équité.
« La République Démocratique du Congo en ratifiant les conventions internationales qui interdisent la peine de mort, a donc abrogée cette peine. Donc il est anormal, en vertu du traité des statuts de Rome ratifiés par notre pays, que la justice surtout militaire continue à appliquer la peine capitale. C’est ce que nous étions entrain de dire, que le Ministère public et les juges doivent cesser de mettre en application la peine de mort, ceci est un argument principal quant à l’abolition de la peine de mort en RDC. S’agissant de la question des prisonniers bien sûr, il faut désengorger les prisons, d’où la nécessiter de reformer la politique criminelle de notre pays, travailler sur la prévention que sur la répression. Les décideurs doivent comprendre qu’il est temps de réformer la politique pénitentiaire du pays. Pourquoi ratifier des conventions, si elles ne peuvent pas être appliquées,» dit le Professeur Adolphe Kilomba.
Le Coordonnateur de l’AJPD-RDC ASBL, Me Honoré Imani Ngubandja Nkomere, pense également qu’il n’est plus nécessaire que la RDC recoure à la peine de mort compte tenu de son inefficacité et de son inadaptation au droit pénal international comme qui écarte la peine de mort comme les statuts de Rome ratifiés par la RDC. Celui-ci rassure que son organisation va continuer de plaidoyer en l’élargissant à tous les acteurs du changement pour que l’abolition de cette peine soit effective, et que les droits des détenus soient respectés.
«Nous devons retenir que la peine de mort en RDC est abolie de fait, car elle n’est plus appliquée depuis 2003 à cause du moratoire qui la suspend et des traités internationaux ratifiés par la RDC, lesquels traités sur pied de l’article 215 de la constitution sont supérieurs à la loi. Et donc les juges internes pénaux congolais doivent écarter la peine de mort dans leurs décisions. Vous l’avez constaté avec nous lors du débat, cette peine n’a plus sa chance d’être appliqué. Les magistrats civils dans la salle, prennent déjà conscience de cette suprématie du droit pénal international sur le droit interne. Ce sont les magistrats militaires qui sont rétentionnistes. Nous savons que notre plaidoyer est focalisé sur l’abolition de cette peine, pour qu’elle ne s’applique plus, dans notre état qui se veut respectueux de droits humains,» affirme-t-il.
Et d’ajouter : «Le plaidoyer c’est tout un processus. AJPD-RDC asbl est membre de la coalition congolaise contre la peine de mort, qui au niveau national conduit la campagne abolitionniste depuis des années avec l’Association CPJ asbl. Et nous nous disons qu’il faut bousculer à tous les niveaux. Donc que la législation congolaise puisse se conformer aux traités internationaux. Notre plaidoyer ne se limite pas seulement au niveau provincial mais il s’étend à tous les acteurs nationaux et provinciaux. La campagne va s’élargir au niveau national pour réclamer l’abolition de la peine de mort,» explique Maître Honoré Imani Gubandja Nkonere.
De son côté, Théodore Museme, Conseiller du Commissaire provincial à la Justice, a soutenu que le débat reste ouvert entre les abolitionnistes et les rétentionnistes. Celui-ci dit cependant être d’accord que les lois internationales ratifiées par la RDC sont supérieures aux lois nationales, et la peine de mort devrait ainsi être abolie.
Quant à la situation carcérale, celui-ci insiste sur la réforme des lois congolaises.
«On doit s’adapter à la non application de cette peine de mort. S’agissant des conditions carcérales dans les prisons de la RDC, nous nous sommes convenus que la réforme de nos lois est nécessaire pour permettre l’amélioration des conditions de détenus, car cette question est transversale et tient compte de plusieurs paramètres. Cette question demande la contribution de tous, jusqu’à l’exécutant en passant par le Ministère public, le Directeur de prison. Cette chaîne doit être impliquée pour trouver des solutions suffisantes, même à partir du gouvernement central, par rapport au budget alloué aux prisons. Si les budgets alloués aux prisons ne sont pas suffisants, il y aura toujours des conséquences,» estime-t-il.
Signalons que cet atelier a été organisé dans la salle du Flat Maman Kindja dans la commune d’Ibanda, avec l’appui financier de l’Union européenne, à travers les organisations Ensemble contre la peine de Mort (ECPM) et Culture pour la Paix et la Justice (CPJ Asbl).
Abiud Olinde