Quand on parle de la lutte pour les droits de la femme, on voit souvent les manifestations et mobilisations publiques, les dénonciations écrites diffusées par voie de presse ou par divers canaux. Mais au-delà de ces aspects, d’autres femmes vont plus loin. Elles sont dans le côté scientifique avec la recherche et constituent des plaidoyers avec des éléments solides et palpables. Agino Cecilia en est un parfait exemple dans le Kivu.
C’est à l’Université Evangélique en Afrique (UEA) de Bukavu que Agino Cecilia passe son temps. Elle est docteure en Psychologie, Enseignante et Chercheuse dans cette Université Protestante réputée dans la région. A l’UEA, elle est également à la tête d’une grande institution: le Centre d’Excellence Denis Mukwege, qu’elle dirige.
Lire aussi : Me Néné Bintu Iragi, la compétence au service des faibles !
Jeune femme surtout, spécialiste et passionnée par les questions de genre, Agino Cecilia est toujours sur la première ligne dans la défense des droits des femmes à travers essentiellement la recherche et le plaidoyer.
« Maman genre » chuchotent des journalistes qui viennent couvrir des activités du Centre d’Excellence Denis Mukwege. En effet, pour son entourage professionnel immédiat, Agino voit le monde au féminin. Dans l’écriture comme dans le parlé, elle insiste sur le fait que le genre féminin doit ressortir.
Dans la partie Est de la République démocratique du Congo et spécialement au Kivu, les femmes sont confrontées à plusieurs difficultés et défis. Ils sont d’ordre politique, économique, social, culturel, environnemental, sanitaire, sécuritaire, etc. Brillante, la jeune scientifique et militante aguerrie des droits de la femme sait que le travail est difficile mais il faut à tout prix avoir des éléments scientifiques irréfutables sur la vulnérabilité de ses semblables dans un contexte d’insécurité et de conflits dans la région du Kivu.
Agino Cécilia constate toujours que les femmes sont marginalisées, qu’elles vivent dans des conditions socio-économiques précaires et qu’elles méritent un soutien et un accompagnement holistique.
Celle-ci refuse de se taire alors qu’elle peut apporter sa pierre à l’édifice pour rendre effective la Résolution 1325 qui porte sur la Femme, la Paix et la Sécurité.
« Ne pas lutter pour les droits des femmes dans un environnement comme le nôtre qui ne nous laisse pas le choix, dénote d’une insensibilité notoire. Étant femme, la question me touche au premier degré. Je suis donc la première concernée mais la lutte à mon échelle c’est aussi pour donner la parole à celles qui n’ont pas toujours l’opportunité et la possibilité de parler et de changer leur situation. Je le fais au travers des plaidoyers, des productions scientifiques, des sensibilisations etc. », explique cette brillante jeune femme à La Prunelle RDC ; elle, qui dirige le prestigieux Centre d’Excellence Denis Mukwege.
Agino Cecilia a commencé sa lutte depuis qu’elle a pris conscience de la souffrance des femmes en RDC et surtout dans sa partie Est.
Malgré son jeune âge, cette jeune dame sait mettre des mots sur les maux avec une preuve scientifique espérant un changement positif dans la communauté.
« Depuis que j’ai pris conscience de l’importance de la lutte et surtout depuis que j’ai été outillée, je sais mettre les mots sur les maux et proposer des pistes d’amélioration pour la promotion des droits des femmes pouvant ainsi améliorer leurs conditions ».
Le Centre d’Excellence Denis Mukwege que dirige Agino Cecilia identifie les problèmes et violences dont sont victimes les femmes et propose des pistes de solutions. Il encourage les femmes à donner le meilleur d’elles-mêmes pour être utiles dans la société, briser le mythe et mettre un terme aux us et coutumes rétrogrades.
Par exemple, le Centre d’Excellence Denis Mukwege octroie de bourses aux meilleures étudiantes de l’Université Évangélique en Afrique UEA pour les encourager. Il accompagne aussi des filles de l’École secondaire comme celles de l’Université qui embrassent les options ou facultés masculines. Ceci pour rendre effective la Résolution 1325.
« Nous menons des recherches-actions pour mieux comprendre comment, où, avec qui, sur qui ou quoi, quand intervenir pour la promotion des droits des femmes, la paix et la sécurité car tout est lié. Ensuite, nous utilisons les évidences de nos recherches pour intervenir alors de manière ciblée et spécifique toute seule, comme asbl et/ou en partenariat avec nos organisations partenaires. C’est donc l’étape d’implémentation des résultats de nos études. Pour y arriver, nous avons tout un panel de chercheurs experts multidisciplinaires. Comme vous le savez, le CEDM est situé au sein d’une Université, un carrefour du savoir », renchérit Agino Cecilia.
En tant que leader, Agino Cécilia et son organisation rencontrent certaines difficultés dans le combat qu’elles mènent. Malgré les défis, cette femme présente comme « battante et intelligente » par son entourage immédiat, n’a jamais été prête à baisser les bras.
« Parfois on a l’impression de ne pas être assez soutenu. Certaines barrières mentales encrées dans un bon nombre de femmes ne facilitent pas leur épanouissement. Évoluant dans un milieu universitaire, je dois avouer qu’il y a lieu de capaciter davantage les femmes notamment en matière de communication, d’écriture et publication scientifique, mais aussi et surtout des formations sur la préparation à la carrière et la conciliation vie familiale et professionnelle », avoue-t-elle.
Lire aussi : Goma: Sophie Valinande, une enseignante au parcours exceptionnel (Portrait)
Agino Cecilia veut voir la femme jouir pleinement de ses droits. Une communauté où l’autonomisation ou encore la participation de la femme est effective.
« L’autre difficulté est due au fait que je juge certaines interventions auprès des femmes comme n’étant pas globales et donc peu efficaces. En effet, l’amélioration de certaines conditions des femmes passe par des interventions auprès de leurs maris, familles etc. Hélas, le budget ne suit pas toujours », regrette-t-elle.
Cette militante hors pair des droits des femmes veut s’intéresser de plus en plus aux catégories des femmes négligées en impliquant les hommes pour vivre dans une société sans violence.
« Nos perspectives d’avenir sont entre autres, nous intéresser davantage aux violences et catégories des femmes négligées au travers les recherches et interventions auprès de ces dernières, renforcer les compétences des femmes dans l’éducation et l’entrepreneuriat, travailler davantage avec les hommes, rendre plus visibles les différentes luttes et parcours historiques des femmes au travers notre musée ».
Agino Cecilia souhaite voir les Résolutions 1325 et 2250 des Nations-Unies accompagnées par des actions concrètes pour mettre fin aux conflits et cercle vicieux de violences.
Lire aussi : Clotilde Aziza Bangwene, le pouvoir de l’humilité! (Portrait)
« Il est plus que temps de prendre véritablement conscience que les conflits exacerbent la vulnérabilité des femmes et agir en conséquence. Les résolutions doivent être accompagnées d’actions concrètes. En tant qu’acteurs de la société civile, nous faisons notre part mais tant que les conflits demeurent, nous resterons dans un cercle vicieux consistant à réparer les dégâts », atterrit Agino Cecilia.
Notons que c’est dans le cadre de son projet « amplification de voix du jeune et de la femme et participation féminine au processus de consolidation de la paix au Nord-Kivu » que La Prunelle RDC ASBL rencontre des femmes de la région qui ont impacté positivement la société par leur travail pour rendre effective les Résolutions 1325 et 2250 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce projet est soutenu par ONU Femmes.
2 commentaires
Pingback: Sud-Kivu : fils de Kabare, Modeste Bahati Lukwebo fait allégeance à son Mwami Alexandre Rugemaninzi III - La Prunelle RDC
Pingback: Nelly Mbangu Lumbulumbu : une voix puissante pour les droits des femmes au Nord-Kivu - La Prunelle RDC