Félix Tshisekedi a reconnu ce lundi 28 décembre 2020, qu’au nom de la solidarité nationale; la rétrocession continue à être appliquée comme technique de réponse appropriée aux besoins des provinces; en lieu et place de la retenue à la source de 40% des recettes dues aux provinces, notamment.
Dans cette tribune que vous propose Laprunellerdc.info, le groupe budgétaire « Makini 4 Budget » explique la problématique de la retenue à la source de 40% des recettes dues aux provinces et entités territoriales décentralisées.
RDC : Retenue à la source de 40% des recettes dues aux provinces, mission impossible !
En marge de la 7è conférence des gouverneurs tenue à Kinshasa du 28 au 29 décembre 2020 sous la houlette du Président de la République, MAKINI 4 BUDGET qui est un groupe budgétaire appliqué ; vient éclairer la lanterne du citoyen lambda sur la problématique de la retenue à la source de 40% des recettes dues aux provinces et entités territoriales décentralisées. C’est dans le cadre de son programme JOAB « Jeune Observateur Averti sur le Budget ».
Contexte
Aujourd’hui, nous le savons tous, la centralisation du pouvoir de l’Etat est devenue impopulaire et inadaptée. Les pays à la fois développés et en voie de développement, remettent en question le monopole des gouvernements centraux en matière de prise de décision. On parle des plus en plus de la bonne gouvernance, d’une gouvernance au service du développement, de la gestion participative et transparente des ressources financières, de l’administration de proximité et du processus de légitimation de l’autorité politique.
La constitution de la République Démocratique telle que modifiée à ce jour, affirme dans son préambule, la volonté commune du peuple congolais de bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une nation puissante et prospère, fondée sur une démocratie politique, économique, sociale et culturelle, dans son approche participative. C’est dans cette optique le constituant congolais a opté pour la décentralisation financière, pour faire participer les citoyens aux décisions politiques et rapprocher le plus possible l’administration des administrés et ainsi donner l’impulsion au développement du pays.
La décentralisation financière s’entend comme la répartition des ressources publiques et l’organisation des rapports financiers entre l’Etat et les collectivités locales. Parmi les recettes des provinces figure la retenue de 40%.
Cadre légal
L’alinéa 2 de l’article 175 de la constitution stipule que la part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source.
La loi N°11/011 du 13 juillet 2011, relative aux finances publiques à son article 219 énumère ce qu’on entend par recettes à caractère national :
Les recettes à caractère national sont constituées de deux catégories suivantes :
Catégorie A :
– Les recettes administratives, judiciaires et domaniales collectées en province ;
– Les recettes des impôts perçues à leur lieu de réalisation.
Catégorie B :
– Les recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations collectées au niveau du pouvoir central ;
– Les recettes de douanes et d’accises ;
– Les recettes des impôts recouvrées sur les grandes entreprises ;
– Les recettes des pétroliers producteurs.
L’article 54 de la Loi N°08/012 du 13 juillet 2008, portant principe fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces reviens aussi bien sur la retenue de 40%.
Mécanisme de répartition
La répartition des recettes est fixée par les articles 220 et 221 de la loi relative aux finances publiques précitée :
Article 220
Pour les recettes de la catégorie A, la retenue de 40% est portée au compte de la province génératrice de la recette, lors du nivellement au profit du Compte général du Trésor, sur instruction permanente du ministre ayant les finances dans ses attributions conformément aux prescrits du Règlement général sur la comptabilité publique.
Article 221
Sans préjudice des dispositions de l’article 218 de la présente loi, la retenue de 40% sur les recettes de la catégorie B s’effectue, au profit des provinces, suivant leur capacité contributive et leur poids démographique au regard des modalités déterminées, conformément à un arrêté conjoint des ministres du pouvoir central ayant les finances et le budget dans leurs attributions respectives.
S’agissant des recettes pétrolières inclues dans la catégorie B, une allocation de 10% de la part revenant aux provinces est attribuée à la province productrice à titre compensatoire pour réparer notamment les dommages d’environnement résultant de l’extraction.
Conclusion
Chaque province de la République devra s’impliquer dans la mobilisation et recouvrement des recettes à caractère national, malheureusement les provinces sont préoccupées uniquement à la mobilisation des recettes à caractère provincial.
Les recettes à caractère national sont mobilisées par les trois administrations financières du pouvoir central à savoir la DGI (Direction Générale des Impôts), la DGRAD (Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participation) ainsi que la DGDA (Direction Générale des Douanes et Accises). Tous ces services n’ont pas de relations contractuelles ou de subordination ni avec la province, ni avec les entités territoriales décentralisées pour lesquelles ils sont censés travailler. Par conséquent, ni la province ni l’entité territoriale décentralisée n’a la possibilité de réaction en cas d’insuffisances de performances de la part des administrations financières, moins encore le droit de regard sur ces dernières.
La retenue à la source de 40% qui est constitutionnelle a cédé sa place au vocable « rétrocession » qui n’a pas de soubassement légal. Cette rétrocession est opérée selon les humeurs des dirigeants (Ministre des Finances et celui du Budget du pouvoir central).
L’Etat de droit c’est le respect des textes.
Fait à Kinshasa, le 28 décembre 2020
John ZYOMBO
Expert en Finances Publiques
Coordonnateur du Groupe Budgétaire Appliqué MAKINI 4 BUDGET