Intervenons-nous

Dans les Psaumes de la Bible fourmillent des exemples des situations de la vie humaine. À lire les Psaumes 40 (41), c’est un homme souffrant, humilié, abandonné et rejeté qui parle. C’est un cœur meurtri, dangereusement atteint par l’injustice et brisé par la trahison mais confiant en Dieu pour l’avenir. C’est cet homme visiblement vaincu, aux yeux des hommes, et victime du mal qui gémit :

« …Mes ennemis me condamnent déjà : quand sera-t-il mort ? Son nom effacé ? Unis contre moi, mes ennemis murmurent, à mon sujet, ils présagent le pire : c’est un mal pernicieux qui le ronge ; le voilà couché, il ne pourra plus se lever. Même l’ami, qui avait ma confiance et partageait mon pain m’a frappé du talon. Mais toi, Seigneur, prends pitié de moi, relève-moi, …Oui, je saurai que tu m’aimes si mes ennemis ne chantent pas victoire … » (Psaumes 40,6-12).

Nous pensons à trois trahisons ici : la trahison contre David, la trahison contre Jésus et la trahison dont tout homme fait l’expérience en cette vie fugace. C’est aussi la trahison dressée contre Vital Kamerhe.

Emmanuelle Van der Dose parlant de la trahison note que la vie nous réserve bien des surprises agréables et malheureuses. Elle entend monter du fond de ce Psaume la douleur
D’un homme victime qui fait part à Dieu de sa souffrance et demande son aide. Cet homme, c’est pour nous aujourd’hui un Kamerhe dans le froid glacial de l’humiliation choquante ; c’est toute personne accablée par l’injustice du monde. Voyons.

1. David est victime d’une trahison

Mais ce n’est pas tout. En plus d’être touché par la maladie, le psalmiste est victime d’une trahison. En fait, le contexte des Psaumes 40 (41), c’est la rébellion d’Absalom contre le roi David, son père, avec l’aide d’Ahitophel. Or ce personnage, Ahitophel, était un des conseillers de David et même un ami fidèle. Ses conseils étaient considérés comme des paroles de Dieu, elles avaient du poids (2 S 16.23). En s’alliant avec Absalom, Ahitophel brise le cœur de David qui a entendu parler de la révolte et qui a dû fuir.

2. On note une trahison similaire pour Jésus.

Le verset 10 du psaume se retrouve cité dans le Nouveau Testament chez Jean 13,10.18.
Jésus, en effet, vient de laver les pieds de ses disciples et il commence à parler de celui qui va le trahir, Judas Iscariote :

« Ce n’est pas de vous tous que je le dis ; moi, je connais ceux que j’ai choisis. Mais il faut que soit accomplie l’Écriture : Celui qui mange mon pain a levé son talon contre moi. » (Jn 13,18.)

Ce verset a du sens dans ce contexte car Jésus vit une trahison semblable à celle de David : un de ses plus proches amis l’abandonne et le livre aux autorités religieuses juives pour qu’il soit exécuté. Eh oui !

Les deux récits se ressemblent beaucoup : chacun des traîtres décide de se pendre. Et pour mieux comprendre ces deux trahisons, il faut comprendre deux expressions :
« manger le pain » et  » lever le talon ».

A.  » Manger le pain »

C’est l’image d’une relation intime. On mange, on traite les affaires, on signe les accords, on est allié, on fait route avec un ami ou des amis. Le traître était un ami proche, il profitait des privilèges d’une relation personnelle.

Comme pour le psalmiste, ce n’est pas seulement les ennemis de Jésus qui complotent contre lui, mais c’est aussi son ami. On assiste à une violation de l’amitié. Manger le pain à la table d’un supérieur (ou d’un ami) était une promesse de loyauté et trahir ce supérieur (cet ami), était une rupture de la tradition d’hospitalité et s’attirer des malheurs.

Manger le pain, cela fait aussi écho à la Cène, le dernier repas du Christ. Judas faisait partie des disciples, il prenait part à tout ce que Jésus offrait. Mais il a refusé cet amour.

B. « Lever le talon ».

L’autre expression « lever le talon », symbolise la traîtrise et l’infidélité. C’est comme un ami, un convive, qui prend son hôte de haut. C’est une marque de mépris et un geste d’agression. C’était une insulte pire que le fait de tourner le dos à quelqu’un.

Dans « lever le talon », on voit une hostilité dans le geste de donner un coup de pied. C’est d’autant plus fort que la personne est en relation étroite avec le traître.

Dans l’Évangile de Jean, cette attitude a beaucoup de sens dans un contexte où il venait d’être question du lavement des pieds. Jésus a lavé les pieds de ses disciples, y compris ceux de Judas. En levant son talon, ce dernier refuse l’invitation de Jésus à la relation.

Ces deux expressions » frapper le talon, et manger le pain », mises dans un même verset, expriment la volonté de Jean de montrer l’horreur de l’acte de Judas, une atrocité qui entre toutefois dans le plan de Dieu pour accomplir l’Écriture.

Cependant, David est bien différent de Jésus

Même si Jean s’inspire du psaume pour faire un parallèle avec Jésus, le personnage de David est quand même différent de Jésus. D’abord, David a été pris par surprise par la trahison tandis que Jésus, le Fils de Dieu, savait à l’avance que Judas allait le trahir.

Jésus ne s’est pas trompé dans le choix de ses disciples. Ce choix a justement permis que le plan de Dieu se réalise.

Ainsi, Jésus n’est pas la victime impuissante d’une trahison insoupçonnée, mais il est envoyé par Dieu pour accomplir le plan divin, avançant calmement et sans peur, pour faire ce que Dieu avait prévu qu’il fasse. Jésus, pleinement Dieu et homme, connaissait à l’avance les événements.

Aussi, David et Jésus ont des réactions différentes face à la trahison. En tant que roi, David avait le pouvoir pour juger de tels hommes et dans le psaume, on voit qu’il veut punir ses ennemis après son rétablissement « Je les paierai de retour » (v. 11).

La citation des Psaumes 40 (41) et Jean 13 ouvrent alors une perspective. Ils nous présentent un tableau triste d’une trahison qui ne laisse pas insensible. Elle pourrait même être l’occasion d’un bouleversement.

Ceux qui rusent et complotent pour obtenir l’anéantissement de l’aigle de Bullai, Vital Kamerhe, pourraient un jour recevoir en retour de la mère nature le prix de la haine et de l’ingratitude.

Oui, la mère nature ! Elle sait bien tout arranger. Mère et enseignante, elle nous offre souvent à contempler des scènes de la fragilité de l’humain. Tout coule et passe : tu construis une maison aujourd’hui et tu y inscris en grand ton nom pour ta gloire, demain un incendie farouche la balaye.

Tu glanes et tu remplis le grainier de récolte; et tu manges insolemment ton pain au mépris des pauvres, demain tout est rongé. Tu ornes les champs et tu arrose les grains, demain en pleine espérance de la moisson; la grêle vient tout consumer. Tu gardes jalousement ton sou dans ton coffre, ou dans une banque, demain les voleurs soutirent la bourse ou les affaires font faillite !

Tu montes un système où, adoré, tu es l’unique roi et dieu du monde; aux sécurités fallacieuses, demain une calamité t’envoie loin des honneurs et des tiens. Et tu entretiens des amitiés, demain la haine et la jalousie autour de toi les sèchent.

Tu t’assures une santé et tu t’abrite du souci, demain la maladie te défigure. Tu caresse une jeunesse enviée, demain le poids de l’âge t’amortit et les souvenirs d’un passé te rendent triste.

Ah, comme les applaudissements des hommes se taisent vite ! Le temps détruit tout !

Que cette trahison dressée contre Vital Kamerhe devienne pour nous tous une occasion en or pour sortir de la grande illusion et de fuir la traitrise pour la jeunesse. Et que, consumés les instants de la condamnation injuste par l’acquittement, l’aigle de Bulwi revive et se relève pour participer à l’édification d’un Congo plus libre et organisé où justice et paix s’embrassent.

Abbé Kabazane Nsibula Jean-Baptiste

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