Dans un rapport publié le 7 juin 2025, la Société Civile du Sud-Kivu dresse un constat accablant de la situation dans les zones sous contrôle du M23-AFC depuis le 14 février. Intitulé « Cris de détresse de la population du Sud-Kivu », le document décrit une grave détérioration sécuritaire, humanitaire et socio-économique, et lance un appel urgent à la communauté internationale pour faire cesser les hostilités.
Arrestations arbitraires, enlèvements et insécurité généralisée
« Les populations vivent dans la peur constante. Les enlèvements, les assassinats et les arrestations arbitraires sont devenus monnaie courante, notamment à Bukavu », déplore la Société Civile par sa Présidente, Me Néné Bintu.
Elle cite l’enlèvement du chef de groupement de Kaniola, Pierrot Matembura, survenu le 29 mai, attribué à un militaire du M23-AFC. Selon le rapport, ce dernier serait toujours détenu dans un cachot de l’ANR sans accès à sa famille ni assistance légale.
Les cas d’assassinats ciblés de jeunes soupçonnés d’être des « Wazalendo » se multiplient. « Le sentiment d’insécurité est renforcé par une vague de vols à main armée dans les communes de Bagira, Kadutu et Ibanda », poursuit la Société Civile, qui parle d’une situation hors de contrôle.
Pillages, extorsions et effondrement économique
Selon la Société Civile, plusieurs véhicules appartenant à l’État et à des particuliers ont été détournés vers le Rwanda ou utilisés par les rebelles, souvent après avoir été repeints. Elle évoque également la complicité présumée de certaines autorités locales dans l’usage illégal de ces véhicules, y compris le maire de Bukavu.
La crise économique s’aggrave : les banques sont fermées, les salaires bloqués, et les prix des produits de base ont explosé. « Le haricot est passé à 6.000 FC la mesure. Le taux de change est devenu instable, atteignant jusqu’à 3 200 FC pour 1 dollar », signale la structure citoyenne. La fermeture de la CADECO a paralysé la collecte de recettes publiques, et des taxes illégales ont été instaurées par les forces d’occupation.
Écoles perturbées, hôpitaux attaqués et vie sociale à l’arrêt
« Les enfants ne vont plus à l’école normalement, les enseignants ne sont plus payés, et les structures de santé manquent de tout », regrette la Société Civile. Elle mentionne les attaques répétées contre l’hôpital de Mukongola à Kalehe et la destruction des installations de l’aéroport de Kavumu.
La vie sociale est à l’arrêt : « Mariages, soirées culturelles, karaokés… tout est suspendu. Dès 18 heures 30, les rues sont désertes. La population vit confinée. »
Violences étendues à Kabare, Kalehe, Walungu et Idjwi
La Société Civile rapporte également une insécurité grandissante dans les territoires de Kabare (pillages, combats sur les axes Katana et Kavumu), Kalehe (affrontements, glissements de terrain), Walungu (attaques à Kaziba, Kaniola, Nyangezi…), et Idjwi (surtaxation, harcèlement des motards, menaces contre les militants).
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Exploitation illégale des ressources naturelles
« Le site aurifère de Karhembu, à Tubimbi, est exploité illégalement par le M23-AFC avec la complicité de ressortissants chinois. L’or est ensuite exporté vers le Rwanda », alerte la Société Civile, qui interpelle le gouvernement congolais et la communauté internationale, en particulier la Chine.
Le rapport dénonce aussi la destruction du Parc National de Kahuzi-Biega par les activités militaires illégales, qualifiant cela de crime écologique grave.
Société civile muselée
« Nos animateurs sont traqués, parfois arrêtés, comme à Mudaka, où des militants ont été arrêtés pour avoir dénoncé la spoliation du marché », affirme la structure. Elle dénonce également l’interdiction d’activités citoyennes à Kamanyola, Bukavu et Idjwi.
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Dialogue, justice et responsabilité internationale
La Société Civile du Sud-Kivu appelle à un dialogue inclusif entre Congolais, à l’application stricte de la Résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, et à une action urgente de la Cour pénale internationale.
« Nous en appelons à la conscience du Conseil de sécurité des Nations Unies, au Comité des sanctions et aux pays membres de la SADC. Que la justice prime. Que l’impunité cesse », insiste Me Nene Bintu Iragi, présidente du Bureau de coordination.
« La RDC ne doit pas être oubliée. Le Conseil de sécurité est notre dernier rempart. S’il échoue, ce sera la fin de l’espoir pour des millions de Congolais », conclut-elle.
SM