À l’occasion du 25e anniversaire du massacre de Katogota, survenu le 14 mai 2000 dans le territoire d’Uvira (Sud-Kivu), le Dr Denis Mukwege a lancé un appel fort à la justice, dénonçant l’impunité persistante et les négociations actuelles avec des groupes armés sans garanties de justice transitionnelle.
Dans une déclaration rendue publique ce jeudi, le prix Nobel de la paix 2018 a évoqué la mémoire des centaines de victimes tuées par les troupes de l’ANC, branche armée du RCD soutenu à l’époque par le Rwanda. Il rappelle que les familles endeuillées restent privées du droit au deuil et que les auteurs de ces atrocités n’ont jamais été inquiétés.
« Nos pensées se tournent vers les victimes, toujours otages d’une impunité institutionnalisée, érigée en condition préalable trompeuse pour le rétablissement de la paix », déclare-t-il.
L’histoire se répète ?
Le Dr Mukwege met en garde contre les négociations actuelles entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, soutenus par l’armée rwandaise. Selon lui, ignorer la dimension judiciaire dans ces pourparlers revient à reproduire les erreurs tragiques du passé, où des auteurs de crimes de guerre ont été réintégrés dans l’armée et dans les institutions, parfois pour administrer ceux-là mêmes qu’ils avaient martyrisés.
« Sans justice transitionnelle, c’est le spectre d’une funeste répétition qui plane », alerte-t-il.
La justice comme fondement de la paix
Mukwege exhorte les autorités congolaises, les instances régionales et les partenaires internationaux à reconsidérer les fondements des processus de paix dans la région des Grands Lacs. Il plaide pour que la justice soit placée au cœur des solutions durables, dénonçant l’échec des accords passés, à l’exception de celui d’Addis-Abeba, dont il appelle à la revitalisation urgente.
« Agir autrement n’a fait que renforcer le cycle de la violence », affirme-t-il, en soulignant l’importance d’un processus équitable de justice pour garantir une paix véritable.
Katogota, un symbole de souffrance et d’oubli
Le massacre de Katogota, au cours duquel plus de 300 civils auraient été tués selon plusieurs rapports, reste l’un des symboles les plus sanglants des violences de la deuxième guerre du Congo. Pourtant, aucune justice n’a jamais été rendue aux victimes. En rappelant cette tragédie, Mukwege veut réhabiliter la mémoire collective et insister sur la nécessité de rompre avec l’oubli et l’impunité.
« À l’instar d’autres nations ayant souffert, le peuple congolais mérite de faire le deuil de ses morts et aspire à une justice qui soit le socle d’une paix durable. »