Intervenons-nous

Chaque 18 décembre, le monde célèbre la Journée internationale des migrants. À cette occasion, la rédaction s’interroge sur les moyens de freiner la migration irrégulière en Afrique, un phénomène qui touche particulièrement les jeunes, nombreux à croire que l’épanouissement ne se trouve qu’ailleurs, notamment en Occident.

Contacté sur cette problématique, Justin Kashara, acteur au sein de l’organisation Kal-Melanina, qui œuvre dans le domaine de la migration, dresse un constat alarmant de la réalité vécue sur le terrain. Selon lui, la migration africaine est marquée par des parcours extrêmement difficiles, souvent au péril de la vie.

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« Sur le terrain, c’est une autre réalité. Les gens traversent des étapes très dures. L’Afrique se vide de sa jeunesse, alors que ce sont les jeunes qui constituent la première richesse de nos pays », explique-t-il.

Pour Justin Kashara, la migration représente un véritable frein au développement des pays africains.

« Pour les autorités africaines, la migration est un problème majeur. Nos pays perdent leur capital humain, la jeunesse, qui est la base du développement. Et ce sont les pays occidentaux qui bénéficient de cette main-d’œuvre », souligne-t-il.

Il précise que cette main-d’œuvre, souvent peu protégée, contribue à l’économie des pays d’accueil sans reconnaissance à la hauteur des sacrifices consentis, alors même que les conditions de vie des migrants restent précaires.

En République démocratique du Congo, la situation est particulièrement préoccupante. Alors que le pays est présenté comme un vaste chantier à reconstruire, de nombreux jeunes choisissent de partir. Certains n’atteignent jamais leur destination, périssant en mer Méditerranée ou confrontés à d’autres dangers sur les routes migratoires.

Face à cette réalité, Justin Kashara propose plusieurs pistes de solution pour réduire les migrations dites « intempestives », notamment en RDC, pays de plus de 100 millions d’habitants dont la majorité est jeune.

« Il faut respecter les engagements internationaux, notamment les conventions ratifiées par la RDC, en particulier la résolution 2250 sur la participation des jeunes dans les agendas locaux, nationaux et internationaux liés à la jeunesse, à la paix et à la sécurité », insiste-t-il.

Selon lui, les jeunes doivent jouer un rôle central dans la gouvernance et le développement du pays.

« Il ne sert à rien d’écarter les jeunes alors qu’ils sont porteurs de compétences et d’innovations », affirme-t-il.

Il plaide également pour une réforme de la classe politique, afin de favoriser un développement inclusif qui place la jeunesse au cœur des politiques publiques.

La création d’emplois reste un défi crucial. Le nombre de jeunes sans emploi demeure élevé, et ceux qui tentent de se lancer dans l’entrepreneuriat font face à des obstacles majeurs.

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« Dès qu’un jeune commence une activité, il est confronté à des taxes et à des frais injustifiés qui finissent par l’obliger à abandonner », déplore Justin Kashara.

Il appelle ainsi à la création d’un climat favorable à l’entrepreneuriat, afin d’encourager les jeunes à investir et à croire en l’avenir de leur pays.

Par ailleurs, l’insécurité et l’absence de paix, notamment en RDC, continuent de pousser de nombreux jeunes à fuir.

Enfin, Justin Kashara interpelle les dirigeants africains sur leur responsabilité dans la gestion de la migration.

« On voit beaucoup de jeunes au Canada, en Belgique ou en France. Ce sont les mêmes jeunes d’Ibanda, de Bagira ou de Kadutu, mais qui vivent dans des conditions très difficiles et ont honte de dire ce qu’ils traversent réellement », témoigne-t-il.

Il invite enfin la jeunesse africaine à changer de perception.

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« La vie meilleure ne viendra pas forcément de l’Occident. Partir pour se former ou étudier, oui. Mais partir uniquement dans l’illusion d’une terre d’opportunités en Europe, non. »

Sylvie Bahati

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