Des opérateurs économiques, des responsables politiques et sécuritaires ont été arrêtés en cascade à Bukavu et transférés manu militari à Kinshasa. Une opération qui, a visiblement totalement échappé au Conseil Provincial de Sécurité du Sud-Kivu.
La situation débute le lundi 1er mai dans les après-midi. Des comptoirs d’achat d’or sont pris d’assaut par des militaires fortement armés. C’est à l’exemple des établissements Namukaya dits « Congocom » où des témoins racontent alors à LaPrunelleRDC.info que l’opération dure plus de 3 heures sans une quelconque intervention des services de sécurité en province.
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« On a tout pris. Même les téléphones. Ils m’ont demandé d’être gentil parce que l’opération est venue de Kinshasa et non à Bukavu. Ils m’ont dit qu’il n’y aura pas d’intervention et sont partis avec des coffres-forts, matériels et d’autres documents trouvés au sein des établissements », raconte à LaPrunelleRDC.info, un travailleur de ces établissements.
L’opération, apprend-on, est peut-être dans d’autres lieux, nous dit cet interlocuteur. « Ils avaient au moins 4 équipes et communiquaient à travers la radio Motorola pour demander si chaque équipe a fini son travail ».
La nouvelle circule dans la ville de Bukavu et les habitants sont étonnés de la situation.
Aucune communication ne vient de l’autorité politique [peut-être avec raison parce qu’à Nyamoma, cela prend tout le monde de court] mais quelques heures plus tard, les informations filtrent d’une source militaire: il s’agit d’une opération pour démanteler des trafiquants clandestins des minerais au Sud-Kivu. Des minerais, apprend-on, exportés en toute clandestinité dans les pays voisins et principalement le Rwanda. En effet, au Sud-Kivu, des acteurs sociaux dénoncent une certaine complicité entre plusieurs opérateurs économiques prospères du Sud-Kivu avec des autorités rwandaises.
Une opération qui touche même les premiers responsables sécuritaires
Pour se rassurer que l’opération est menée convenablement, les militaires arrivés de la capitale n’informent visiblement qu’un cercle restreint des décideurs au Sud-Kivu.
Plusieurs membres du Conseil Provincial de Sécurité sont pris des courts. Des responsables et pas les moindres sont arrêtés manu militari et transférés gratuitement à Kinshasa. La rumeur court encore mais personne ne veut s’aventurer sur ce chemin. Il est trop glissant car il s’agit des premiers responsables sécuritaires de la province. D’autres acteurs politiques et très proches du Gouverneur sont cités mais silence radio à Nyamoma (Cabinet du Gouverneur).
Coup de théâtre à Kinshasa ce vendredi 5 mai, les personnes arrêtées dans les opérations du Sud-Kivu sont présentées à 3 membres du Gouvernement central dont la Ministre des Mines, celle de la Justice et celui des Finances comme des criminels économiques opérant dans le Sud-Kivu.
Les responsables de l’opération sont connus : les renseignements militaires.
Sur les photos qui circulent, on aperçoit des figures connues au Sud-Kivu : le Chef de l’Agence Nationale de Renseignement au Sud-Kivu appelé Redhoc, l’adjointe du Directeur Provincial de la Direction Générale des Migrations (DGM) ou encore le puissant Conseiller financier et bras droit du Gouverneur Ngwabidje. Des officiers du renseignement militaire du Sud-Kivu sont également dans le lot de ceux interpellés alors que d’autres receveurs à la douance sont au rendez-vous.
Selon le Général Sylvain Ekenge commandant du Service de Communication et d’information des Forces Armées (SCIFA), ces personnes arrêtées en cascade détenaient 4 coffres forts non encore ouverts, dont un est déjà à Kinshasa et trois autres qui arrivent incessamment.
Parmi les objets saisis on cite également 15 ordinateurs portables et 4 téléphones, des fours, des balances, des moules, 120 Kg d’or, et 400.000 dollars américains, 6.0568.000 FC, 125.900 FrW, 4560 RUPIS puis 1000 shilling ougandais.
Ngwabidje indemne ?
Quelques temps après la présentation de ces présumés « criminels », les acteurs sociaux s’interrogent quand même sur la responsabilité des autorités provinciales dans la situation de la fraude minière et douanière au Sud-Kivu.
Comment pareille opération pouvait-elle se mener sans y impliquer la première autorité au niveau provincial ? Les plus hauts responsables politiques et militaires de la République sont-ils désormais méfiant de lui et de ses méthodes de gouvernance ? En effet, l’Assemblée Nationale avait entre autre recommandé de poursuivre en justice Théo Ngwabidje Kasi, dans la saga de l’affaire de l’exploitation illicite des minerais à Mwenga.
Le Gouverneur alors élu de l’AFDC-A avait choisi d’adhérer à l’UDPS, le parti au pouvoir. Depuis, il s’affiche comme premier défenseur des intérêts de Tshisekedi et de sa famille politique, ce qui lui vaut peut-être l’enterrement provisoire de certains dossiers dont celui de Mwenga, le rapport de l’IGF sur la gestion du Sud-Kivu ou encore des présumés détournements dénoncés par l’Assemblée Provinciale et dont la justice ne s’est jamais saisie malgré le tollé dans l’opinion.
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L’arrestation de son puissant conseiller financier éclaboussera-t-elle Théo Ngwabidje ? En tout cas, ce qui est sûr est qu’à Nyamoma les interrogations se multiplient, même si tous ceux qui ont été arrêtés jouissent encore de la présomption d’innocence.
En attendant, les activistes impliqués dans le secteur minier sont formels : il faut arrêter ce qui se passe au Sud-Kivu et les efforts du Président Tshisekedi sont loués même si la procédure de ces arrestations en cascade pourrait poser problème.
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