Intervenons-nous

Le débat sur la révision ou le remplacement de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) est marqué par des tensions et des passions, notamment du côté des acteurs politiques. Le politologue Elie Habibu, interrogé par La Prunelle RDC à s’exprimer sur ce sujet, a souligné que « ce débat est mené avec beaucoup de passion, surtout du côté des hommes politiques, mais il manque effectivement des scientifiques pour éclairer le cheminement de la révision constitutionnelle de manière comparative et peut-être objective. »

Habibu considère la Constitution congolaise comme une « constitution mixte », dans laquelle les modalités de révision sont déjà inscrites. Il rappelle que « la constitution en elle-même n’est pas l’élément central pour la stabilité des institutions, même si elle en reste un élément fondamental. » Il évoque des pays comme l’Angleterre, qui fonctionnent sans constitution écrite, régis par la coutume.

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Avant de penser à la révision, Habibu insiste sur l’importance de connaître la genèse de la Constitution actuelle, issue d’une période de crise politique. Il explique que « nous avons voté pour une constitution de transition avant de voter pour la constitution actuelle, qui a été approuvée par référendum. »

Les modalités de révision sont clairement établies dans le texte, et l’article 220, qui traite de sujets tels que la forme de la République et le mode de scrutin, est souvent cité dans les discussions.

« Gardons à l’esprit que notre constitution a déjà été revue une fois », rappelle-t-il, ajoutant que des craintes similaires avaient été exprimées lors de cette révision.

Bien que la manipulation de la Constitution soit perçue comme un facteur de recul de la démocratie en Afrique, Habibu souligne que « il ne faut donc pas craindre la révision constitutionnelle. Au contraire, il faut travailler pour la population afin de protéger le pouvoir. »

Il aborde également les difficultés actuelles de gouvernance, en mentionnant que « nous sommes face à un régime mixte semi-présidentiel, qui reste difficile à piloter. » Habibu suggère qu’un allègement de certains mécanismes pourrait être envisagé, notamment pour améliorer le fonctionnement des provinces.

Pour le politologue, il est crucial de « sortir ce débat du militantisme et de le confier à des experts en droit constitutionnel, politologues et juristes. »

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 « Il est donc important de comprendre que la constitution est une œuvre humaine, comme toutes les autres lois, et peut être adaptée au contexte. Cependant, il faut éviter les révisions intempestives qui ne favoriseraient pas le bon fonctionnement des institutions. Si la révision amène un recul de la démocratie, cela signifie qu’elle n’est pas opportune ; si elle vise à améliorer le fonctionnement des institutions, elle mérite d’être soutenue par une constituante convoquée par le Président de la République ».

Il déplore que même des personnes sans formation appropriée s’immiscent dans des discussions aussi complexes.

« Aujourd’hui, même des menuisiers parlent de révision constitutionnelle sans en comprendre réellement les enjeux. » Habibu plaide pour une information adéquate des citoyens sur les changements proposés.

Il conclut en affirmant que « le débat entre les révisionnistes et les conservateurs mérite une réelle confrontation. »

« Il est donc crucial de sortir ce débat du militantisme et de le confier à des experts en droit constitutionnel, politologues et juristes. Aujourd’hui, même des menuisiers parlent de révision constitutionnelle sans en comprendre réellement les enjeux. Cela pose problème : si nous voulons une révision constitutionnelle basée sur des consultations populaires, il est nécessaire d’informer correctement les citoyens sur le contenu des changements proposés. Enfin, je crois que le débat entre les révisionnistes et les conservateurs mérite une réelle confrontation. C’est seulement après cela que nous pourrons trouver une piste intermédiaire. »

Pour lui, le débat passionné mérite ainsi d’être ancré dans une réflexion approfondie, guidée par l’expertise, pour le bien de la démocratie et des institutions en RDC.

Freddy Ruvunangiza

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