À Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu réputée pour son dynamisme artisanal, le secteur des petits métiers traverse une crise sans précédent. Face à l’insécurité croissante et à l’isolement économique provoqué par l’enclavement des routes vers l’intérieur de la province, les artisans locaux voient leur activité s’effondrer, menaçant leur survie et celle de leurs familles.
Les axes routiers reliant Bukavu à Shabunda, Walungu ou Mwenga sont aujourd’hui presque impraticables. Attaques de groupes armés, embuscades, pillages : la peur s’est installée, freinant les déplacements de clients, commerçants et fournisseurs.
Cette situation a des répercussions directes sur la chaîne d’approvisionnement et la fréquentation des ateliers. Moins de clients, moins de matières premières, moins de production : les artisans voient leur quotidien basculer dans la précarité.
Toussaint Ngundika, jeune artisan de 33 ans établi à Cimpunda, fabrique à la main des verrous et pièces métalliques depuis plus de quatre ans. Autrefois très demandé dans les zones rurales, il constate aujourd’hui un effondrement de ses ventes.
« C’est la première fois que je vis une telle situation. Les gens ne viennent plus. Même les commandes ont chuté. Je ne peux plus envoyer mes produits, les routes sont trop dangereuses », confie-t-il, visiblement inquiet.
Ce ralentissement brutal de son activité a un impact direct sur sa vie quotidienne : chute des revenus, difficulté à nourrir sa famille, impossibilité d’épargner ou de renouveler son matériel. Autour de lui, plusieurs collègues ont abandonné le métier, vaincus par la pauvreté.
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Malgré l’adversité, Toussaint garde espoir. Chaque matin, il ouvre son atelier, même sans client, et continue à travailler le métal avec minutie.
« Je crois en la force de mon travail. Un jour, la paix reviendra et nos affaires vont redémarrer. On ne peut pas baisser les bras », affirme-t-il avec conviction.
Il symbolise la résilience silencieuse d’une jeunesse souvent oubliée mais toujours debout.
Le cas de Toussaint est loin d’être isolé. À Kadutu, Bagira ou encore Essence, des centaines d’artisans — menuisiers, soudeurs, mécaniciens, tailleurs ou cordonniers — partagent la même détresse.
Cette crise devrait interpeller les autorités et les partenaires : sécuriser les routes, relancer les circuits économiques, soutenir les petits métiers par des microcrédits, des subventions ciblées et des programmes de valorisation de l’artisanat comme pilier de l’économie urbaine.
Cet article a été produit dans le cadre du projet Habari Za Mahali, porté par le Consortium RATECO-REMEL, avec le soutien de Media4Dialogue de la Benevolencija.