Intervenons-nous

A Bukavu, c’est la colère dans la communauté banyamulenge. Le maire de Bukavu au Sud-Kivu a formellement interdit la traditionnelle commémoration du massacre de Gatumba (Burundi) commis contre des congolais Banyamulenge, dans la nuit du 13 au 14 août 2004.

Les Banyamulenge organisent la commémoration du massacre de Gatumba depuis des années à Bukavu. La commémoration de l’odieux massacre de Gatumba s’organise généralement dans une salle où les témoignages des familles sont entendus. Des membres de cette communauté tutsi congolaise demandent à cette occasion que justice soit rendue en faveur de leurs frères et sœurs abattus.

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Le 13 août 2004, les Forces nationales de libération (FNL) ont pris pour cible principalement les réfugiés banyamulenge dans le camp de Gatumba, près de la frontière congolaise. Plus de 150 civils ont été tués et 106 autres blessés. Les réfugiés avaient fui les combats au Congo. Les FNL, un mouvement rebelle burundais à majorité hutue, ont tiré et brûlé vifs les réfugiés banyamulenge, tout en épargnant ceux d’autres groupes ethniques et les Burundais résidant également dans le camp.

Mais pour ce vingtième anniversaire, il n’y aura pas commémoration à Bukavu. Le maire Zénon Karumba a refusé. Dans une correspondance adressée à la « Dynamique Ubumwe » organisatrice de l’événement de commémoration de cet odieux massacre, le maire de Bukavu justifie ce refus pour des raisons de sécurité.

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« J’accuse bonne réception de votre lettre sans numéro reçue le 12 août 2024 relative à la demande d’autorisation de la célébration du 20ème anniversaire des massacres de Gatumba perpétrés contre Les Banyamulenge dans la nuit du 13 au 14 Août 2004. Après analyse de votre demande et y faisant suite, je n’autorise pas la tenue de cette manifestation en date du 14 Août 2024 mais à plus tard par rapport à la situation sécuritaire du pays », écrit-il aux organisateurs.

Dans la correspondance, il demande à la Police Nationale Congolaise de la Ville de Bukavu ainsi qu’au responsable de la Salle de fête Georges Defour/Ruzizi 1 où devait se tenir l’événement de prendre bonne note des dispositions de sa lettre « qui doivent être observées sans faille ».

Une interdiction injustifiée ?

Le 2 août dernier, la République démocratique du Congo a commémoré la deuxième année du Génocide commis sur les congolais pour des fins économiques « Genocost ». Plusieurs manifestations publiques ont été organisées à Bukavu avec à la tête la Société Civile du Sud-Kivu et le Fonds National des Réparations des Victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, (FONAREV).

Pour des membres de la communauté Banyamulenge, cette interdiction est « injuste et injustifiée » alors que le pays tend vers la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle en vue de rendre justice aux millions des congolais tués et/ou victimes des graves crimes depuis plus de deux décennies.

A La Prunelle RDC, des membres de la communauté Banyamulenge sont dépités par cette décision du maire de Bukavu qui leur interdit de commémorer les morts.

« Comment peut-on manquer de justice pour les victimes et nous interdire de commémorer nos morts ? On a l’impression que l’autorité donne raison à ceux qui ont tué les banyamulenge. A qui d’autre devons-nous recourir pour réclamer justice en faveur des victimes ? », s’interroge à La Prunelle RDC un jeune de la communauté Banyamulenge.

Les victimes portent plainte

En attendant, les rescapés et les proches des victimes de l’attaque du camp de réfugiés de Gatumba au Burundi en 2004 ont porté plainte contre les auteurs présumés dans leurs pays d’origine, le Burundi, le Rwanda et la République démocratique du Congo, apprend-on de l’ONG américaine Human Right watch.

Les plaintes pour génocide et crimes contre l’humanité visent à obtenir justice vingt ans plus tard. L’avocat impliqué dans ces affaires a déclaré que cette information avait également été transmise à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

Les recherches effectuées par Human Rights Watch à l’époque après le massacre avaient révélé que les forces armées burundaises n’étaient pas intervenues, même si le massacre avait été perpétré à quelques centaines de mètres de camps militaires. Les soldats de la force de maintien de la paix des Nations Unies n’ont pas pu protéger les réfugiés car ils n’ont été informés de l’attaque qu’une fois celle-ci terminée.

Les FNL ont revendiqué leur responsabilité peu après le massacre. Des années plus tard, son porte-parole de l’époque, Pasteur Habimana, a nié avoir fait cette déclaration. En 2009, le groupe dépose les armes pour devenir un parti politique, marquant la fin de la guerre civile.

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En 2004, les autorités burundaises ont émis des mandats d’arrêt contre deux dirigeants des FNL, dont Agathon Rwasa, une importante figure dans l’opposition. Cependant, il n’a jamais été arrêté. En septembre 2013, les autorités judiciaires ont annoncé l’ouverture d’un dossier contre Rwasa pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis à Gatumba, mais la procédure a été reportée sine die.

Les nouvelles plaintes visent explicitement Rwasa et Habimana, selon l’avocat travaillant sur ces affaires.

Malgré des années de retard, poursuivre les responsables de cet odieux massacre permettrait aux proches des victimes de clore ce chapitre et démontrerait que justice peut être rendue pour les pires atrocités de la région des Grands Lacs.

Jean-Luc M.
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Un commentaire

  1. Musombwa Shakalili Marie Rose on

    C’est une façon de distraire l’oppi ion publique, si je me souviens bien à l’époque ,profitpant de la présence des banyamulenge à Gatumba ,leur milice appelée Nyatura voulant attaquer la RDC a été avancée. Merci beaucoup à monsieur le maire pour cette interdiction.

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