Intervenons-nous

    L’entité de Bambo, dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, fait face à une crise humanitaire de plus en plus grave. Sous la pression des violences armées qui secouent la région, des dizaines de milliers de personnes ont fui vers cette localité, aujourd’hui débordée. Les abris sont saturés, la nourriture se fait rare, les soins de santé sont débordés, et la détresse psychologique est palpable.

    D’après Médecins Sans Frontières (MSF), qui intervient à Bambo depuis 2017, les consultations ont bondi de 40 % en quelques semaines, atteignant environ 3.700 patients par semaine contre 2.400 auparavant. Mais malgré cette mobilisation, l’ampleur des besoins dépasse largement les capacités de l’organisation.

    Parmi les nouveaux arrivants, Kinoko*, son mari et leurs six enfants ont fui Rushashi à pied, traversant la forêt pendant plusieurs semaines.

    « Les groupes armés ont pris nos récoltes. On n’a eu d’autre choix que de fuir. On a perdu le contact avec certains membres de la famille, on ne sait pas ce qu’ils sont devenus », confie-t-elle.

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    Arrivée fin juin, sa famille vit désormais dans une école, l’un des 24 sites collectifs de la ville, aux côtés de milliers d’autres déplacés. Ces sites incluent également des églises et des bâtiments inoccupés.

    Entre mai et juillet, la population déplacée de Bambo a presque doublé, atteignant plus de 51 000 personnes — soit plus de 80 % de la population totale.

     « Il est difficile de dormir, il y a trop de monde ici. Pour manger, on va dans les champs demander des feuilles de manioc ou des bananes trop mûres, mais on n’en trouve pas souvent. Les enfants ont très faim », raconte Kinoko.

    Depuis le mois de juin, la ville est tombée aux mains du groupe armé M23, en conflit avec les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et les milices de la Coalition des Mouvements pour le Changement (CMC). L’instabilité croissante continue de provoquer des déplacements massifs.

    Nsaku*, 49 ans, a fui Birambizo avec quatre membres de sa famille.

    « Il y avait des tirs entre les M23 et les CMC dans notre village. Des maisons ont été incendiées, accusées d’appartenir aux CMC. Je me suis d’abord caché dans la brousse, puis j’ai décidé de partir. J’ai dû abandonner mon bétail. »

    Dans les témoignages recueillis, la peur est omniprésente. L’un des déplacés raconte avoir fui après avoir entendu des explosions de bombes près de ses champs : « On nous avait prévenus que toute personne restée serait tuée. »

    Une autre victime témoigne : « Ils ont attrapé un coq et l’ont égorgé devant moi, comme pour me faire comprendre que j’allais être la prochaine. Deux membres de ma famille ont été tués. »

    Les conditions de vie dans les abris sont extrêmement précaires. L’accès à l’eau potable, à l’assainissement, aux ustensiles de cuisine ou à un logement décent est très limité. Certaines familles n’ont même pas d’abri. Le prix des haricots a doublé sur le marché local, et les rares personnes qui trouvent du travail dans les champs gagnent à peine un dollar par jour.

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    La malnutrition progresse rapidement : les services dédiés fonctionnent au-delà de leur capacité depuis plus d’un mois. Les violences sexuelles se multiplient : chaque semaine, des dizaines de victimes sont prises en charge. À cela s’ajoutent de nombreuses maladies liées aux conditions de vie : diarrhées, infections respiratoires, et surtout le paludisme.

    MSF note une explosion des cas de paludisme depuis juillet. Dans une seule clinique soutenue par l’organisation, une moyenne de 341 cas par semaine a été enregistrée le mois dernier. Cette situation est aggravée par la réduction des financements humanitaires internationaux, notamment de l’USAID, qui a contraint le programme national de lutte contre le paludisme à suspendre ses activités dans la zone.

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    Ces coupes budgétaires touchent aussi d’autres secteurs : la lutte contre la malnutrition, l’accès aux soins pour les survivant·e·s de violences sexuelles, la distribution des kits de prophylaxie post-exposition (PEP), et les traitements contre la tuberculose et le VIH.

    « Des interventions urgentes sont nécessaires non seulement dans le secteur médical, mais aussi dans des domaines essentiels comme l’eau, l’assainissement et l’hygiène, la distribution alimentaire et l’hébergement. Sans une action globale dans ces domaines, le risque d’épidémies continuera d’augmenter », prévient François Calas, chef des programmes MSF au Nord-Kivu.

    Il rappelle que MSF continue de fournir des soins vitaux, mais ne peut pas répondre seule à tous les besoins. « Il est essentiel que d’autres acteurs humanitaires rejoignent la réponse. Sans une mobilisation collective, nous risquons une véritable catastrophe. »

    Edith Kazamwali

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