À Cirunga, dans le territoire de Kabare, des femmes déplacées par les affrontements entre groupes armés n’ont d’autre choix que de retourner clandestinement dans leurs villages pour trouver de quoi survivre.
Fuyant l’insécurité, elles avaient trouvé refuge à Mudaka, Cikera, Ciriri ou dans le centre de Cirunga. Mais dans ces lieux d’accueil, les conditions sont dramatiques : manque de nourriture, d’eau, d’abris et d’assistance humanitaire. Beaucoup se voient alors forcées de retourner, parfois à pied, dans leurs villages d’origine, malgré les dangers.
« Nous n’avons pas le choix. Là où nous sommes réfugiées, nous manquons de tout. Ici au village, il y a au moins l’eau du puits, quelques maniocs que nous avions semés », confie une mère de cinq enfants.
Les retours se font en petits groupes, à l’aube, en toute discrétion. Les femmes empruntent des sentiers boisés, où elles s’exposent au racket, aux violences, voire aux enlèvements. Malgré ces risques, elles persistent, motivées par la nécessité de préserver le peu qu’il leur reste : un champ, une maison, quelques ustensiles ou des animaux domestiques.
Pour ces femmes, les maisons abandonnées représentent bien plus qu’un abri : elles sont un symbole d’espoir et de continuité.
« Même si le toit est troué, même si les portes ont été emportées, tant que nous pouvons y poser la tête un jour, nous avons encore quelque chose », murmure une veuve déplacée depuis trois ans.
Ces visites régulières permettent également de dissuader les pillards ou les occupants illégitimes. Dans les zones rurales du Sud-Kivu, une maison vide est souvent perçue comme abandonnée et susceptible d’être occupée.
Mais chaque retour est une épreuve. Certaines femmes racontent avoir fui précipitamment après avoir entendu des coups de feu ou croisé des hommes armés. Traumatisées, plusieurs préfèrent désormais ne plus revenir, confiant cette tâche à des proches plus jeunes.
« La peur est là, tous les jours. Mais que faire ? Nous n’avons pas de travail en ville, pas de champs là-bas. Ici, même en insécurité, c’est chez nous », témoigne une autre femme réfugiée à Mudaka.
À Cirunga, l’absence d’aide humanitaire aggrave encore la détresse des déplacés. Alors que quelques ONG distribuent des vivres dans les villages voisins, beaucoup estiment être totalement oubliées.
Lire aussi : Uvira : une femme accusée de sorcellerie tuée par des hommes armés à Bwegera
« Nous n’avons pas vu un seul camion d’aide ici. Tout le monde a peur de venir à cause des combats. Et nous, nous souffrons en silence », déplorent-elles.
Entassés chez des proches dans des conditions précaires, les déplacés font face à des risques accrus de maladies, de violences domestiques et d’exclusion.
Malgré les épreuves, ces femmes déplacées n’abandonnent pas l’espoir d’un retour définitif dans leurs villages, dans la paix et la dignité. Elles réclament des réponses concrètes, une aide adaptée et surtout, la sécurité pour reconstruire leurs vies.
Cet article a été produit dans le cadre du projet Habari Za Mahali, porté par le Consortium RATECO-REMEL, avec le soutien de Media4Dialogue de la Benevolencija.