Le Bureau de Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu a réagi ce jeudi 28 novembre à la tenue de la 11ème Conférence des Gouverneurs qui se déroule à Kalemie, chef-lieu de la Province de Tanganyika, du 27 au 29 novembre 2024. Bien que saluant l’événement, la Société Civile déplore le retard pris par cette conférence, qui devait initialement se tenir au premier trimestre de l’année, et exprime des attentes précises concernant l’issue des discussions.
La Conférence des Gouverneurs : un cadre manqué depuis 18 ans
Lire aussi : Débat sur le changement de Constitution : Fridolin Ambongo rompt le silence
Instituée par l’article 200 de la Constitution du 18 février 2006, la Conférence des Gouverneurs a pour mission de réunir les gouverneurs des provinces, le président de la République, le Premier ministre et d’autres membres du gouvernement afin d’émettre des avis et de formuler des suggestions sur les politiques publiques et la législation à adopter.
Ce cadre de concertation est censé se tenir au moins deux fois par an, dans chacune des provinces, mais, selon le Bureau de Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu, cette instance n’a jamais eu lieu dans la province du Sud-Kivu depuis sa création en 2006, et cela malgré les 32 sessions théoriquement prévues depuis l’entrée en vigueur de la loi organique en 2008.
Pour la Société Civile du Sud-Kivu, cette absence de rencontre dans la province constitue une violation flagrante de l’article 200 de la Constitution, et elle insiste sur la nécessité d’assurer la tenue régulière de ces conférences dans toutes les provinces du pays, comme le stipule la loi.
Des résolutions sans application : l’exemple des précédentes conférences
Le communiqué de la Société Civile revient également sur les nombreuses résolutions prises lors des conférences précédentes, mais qui, selon elle, n’ont jamais été mises en œuvre.
Parmi les résolutions de la 10ème Conférence des Gouverneurs, tenue en novembre 2023 à Kinshasa, figuraient des points cruciaux tels que l’amélioration de la gouvernance, la réhabilitation des routes interprovinciales et l’opérationnalisation de la Caisse nationale de péréquation pour une meilleure redistribution des ressources entre provinces.
Toutefois, la Société Civile souligne que ces mesures sont restées sans effet tangible sur le terrain. La Caisse de péréquation, bien qu’opérationnelle, n’a pas apporté de résultats visibles, et la réhabilitation des infrastructures prévues n’a pas été concrétisée.
Les défis du Sud-Kivu : une situation précaire et des attentes pressantes
Dans son communiqué, la Société Civile du Sud-Kivu met en lumière les défis spécifiques auxquels la province fait face. La destruction du Parc National de Kahuzi-Biega, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’exploitation illégale des ressources minières, et les conditions de vie difficiles des fonctionnaires, notamment les enseignants et les agents de santé, sont des sujets d’inquiétude majeurs. Les enseignants, par exemple, attendent toujours leur rémunération de 50.000 FC, promise par le gouvernement provincial, mais qui n’a pas encore été versée. Par ailleurs, la province continue de souffrir de l’insuffisance des infrastructures de base, telles que l’accès à l’eau, à l’électricité, aux soins de santé, et à des routes praticables.
Les déplacements restent également un défi majeur dans la région. Plus de 50% des Congolais n’ont jamais visité leur propre capitale, Kinshasa, faute d’une infrastructure de transport aérien accessible. La Société Civile déplore aussi le manque de mesures concrètes pour résoudre ces problèmes de transport, malgré la disponibilité de l’infrastructure aérienne via Congo Airways, qui reste sous-utilisée.
Le communiqué de la Société Civile du Sud-Kivu soulève également la question de l’agression rwandaise dans l’Est du pays, qui affecte particulièrement les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, actuellement sous état de siège.
La Société Civile estime qu’il serait pertinent que la Conférence des Gouverneurs se tienne dans l’une de ces provinces pour redonner de l’espoir à des populations qui vivent une guerre prolongée. Cette démarche pourrait offrir une occasion de renforcer la solidarité nationale et de discuter des solutions pratiques pour la reconstruction et la stabilité de ces zones en crise.
En matière de gouvernance, la Société Civile déplore la persistance de pratiques de mauvaise gestion, de corruption et d’impunité dans plusieurs secteurs. Selon elle, une réelle réforme de la gouvernance est nécessaire, en particulier pour garantir l’application des droits sociaux tels que la gratuité des soins de santé et de l’enseignement primaire, mais aussi pour doter la population d’une pièce d’identité nationale et relancer des infrastructures vitales telles que les chemins de fer et les routes interprovinciales. La faiblesse de la production locale, la dollarisation de la monnaie et la dégradation continue de la situation économique sont également des points soulevés par la Société Civile, qui appelle à une relance de la production agricole et à une meilleure gestion des ressources naturelles du pays.
Un appel à un changement de comportement des dirigeants
La Société Civile du Sud-Kivu invite les dirigeants politiques et les autorités locales à prendre des engagements fermes et à agir de manière concrète pour répondre aux attentes pressantes de la population.
Dans son communiqué, elle souligne que les frustrations des Congolais risquent d’engendrer une déstabilisation sociale si des mesures urgentes ne sont pas prises pour améliorer les conditions de vie des citoyens et renforcer la gouvernance dans la province. Un retour aux principes de responsabilité et de redevabilité est plus que jamais nécessaire pour éviter une crise institutionnelle et sociale.
« Etant donné que tout le bureau de l’Assemblée provinciale a également fait le déplacement de Kalemie bien que ne faisant pas partie de la composition de la CGP au regard de la loi, il y a lieu d’espérer que c’est pour apporter une solution aux multiples problèmes de gouvernance auxquels la Province fait face actuellement car le souffle nouveau amené par le Gouverneur Jean Jacques Purusi est en train de se dissiper petit à petit. Une seule tribune de redevabilité organisé jusqu’à présent, aucune liste actualisée des sociétés et coopératives minières en ordre publiée malgré les travaux de la commission ad hoc fixé à cet effet après la levée de la suspension des activités minières, les routes nationales en état de délabrement très avancé etc. sont autant des problèmes. La Société civile espère à une conjugaison des efforts entre les deux institutions provinciales en vue de développer la province du Sud-Kivu car les frustrations s’extériorisent de plus en plus et le risque de déstabilisation des institutions est réel mais peut être évité avec la volonté de changer de comportement en réalisant les promesses faites à la population ».
Enfin, le Bureau de Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu exprime de grandes attentes à l’égard de cette 11ème Conférence des gouverneurs.
Pour la Société Civile, il ne s’agit pas seulement de prendre des résolutions, mais de les mettre en œuvre rapidement et efficacement.
Les problèmes de gouvernance, d’infrastructures et de justice sociale doivent être au cœur des débats, et les décisions prises doivent servir à améliorer concrètement le quotidien des Congolais, plutôt que de répondre à des intérêts égoïstes ou personnels.
Le peuple congolais, selon la Société Civile, mérite de vivre dignement dans son propre pays, et il est temps que les autorités prennent des mesures pour restaurer l’espoir et la prospérité dans toutes les provinces, y compris le Sud-Kivu, qui demeure une région à la croisée de multiples défis politiques, économiques et sécuritaires.