Intervenons-nous

A l’occasion des travaux des États Généraux de la Justice, organisés du 6 au 13 novembre 2024, la Société civile du Sud-Kivu, à travers son Bureau de Coordination, a exprimé ses préoccupations et ses attentes face aux défis multiples qui continuent de miner le système judiciaire de la République Démocratique du Congo (RDC). Un message fort et détaillé a été adressé à l’ensemble des acteurs concernés, saluant les efforts du ministre de la Justice, Constant Mutamba, tout en pointant du doigt les insuffisances persistantes et les véritables causes des maux qui affectent la justice dans le pays.

Le constat de la Société civile est sans appel : la justice en RDC est « malade », un constat partagé par le chef de l’État, Félix Tshisekedi, qui n’a pas hésité à qualifier le système judiciaire congolais de défaillant.

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Selon la Société civile du Sud-Kivu, la justice n’arrive pas à répondre aux attentes des citoyens, notamment dans l’Est du pays, où les décennies de guerre ont laissé des cicatrices profondes.

Chaque jour, le peuple congolais fait face à des cas d’injustice, d’impunité, et de corruption. L’appareil judiciaire, censé être un pilier de la république, semble dysfonctionner au point où la justice populaire est devenue, dans certaines zones, le recours privilégié pour la résolution des conflits.

Les États Généraux de la Justice, organisés par le ministre Constant Mutamba, visent à faire un état des lieux des défaillances du système judiciaire et à proposer des solutions pour remédier à la situation.

Toutefois, la Société civile du Sud-Kivu s’interroge sur l’efficacité de ces assises. Bien que la tenue de ces États Généraux soit saluée, l’on déplore qu’ils interviennent dans un contexte où les problèmes demeurent inchangés depuis les précédentes assises de 2015.

Dix ans après la mise en place de la Politique Nationale de la Réforme de la Justice, les résultats sont décevants : la justice congolaise reste encore marquée par l’impunité, les mauvaises conditions de travail des magistrats, et une législation obsolète héritée de la colonisation.

La question qui se pose est donc de savoir si ces États Généraux seront réellement le moment de déclencher une transformation en profondeur ou s’ils se contenteront de simples recommandations sans suivi ni application. Les citoyens attendent plus qu’un diagnostic : ils veulent des réponses concrètes et durables.

La situation dans les provinces du Sud-Kivu et d’autres régions du pays est particulièrement préoccupante.

De nombreux magistrats et auxiliaires de justice, notamment les greffiers, travaillent dans des conditions précaires. Certains magistrats, en poste dans des tribunaux de paix dans des zones rurales, ne se sont jamais rendus sur le terrain, rendant impossible le fonctionnement des juridictions. La question des salaires et des conditions de travail reste également un problème majeur. Les greffiers et les officiers de police judiciaire, notamment, sont souvent mal rémunérés et ne bénéficient pas de formations adéquates.

« Les Magistrats ne sont pas bien payés et travaillent parfois dans des conditions difficiles surtout en milieu rural (pas de moyens de déplacements, pas de logement décent, pas de frais de fonctionnement pour les offices et les juridictions) au point qu’qu’aujourd’hui, au Sud-Kivu, certains magistrats ont été nommés dans les tribunaux de paix et ceux de grande instance en milieux ruraux et ne s’y ont pas rendu, rendant ainsi impossible la tenue des audiences en province du Sud Kivu. A cela s’ajoute les mauvaises conditions sociales et de rémunérations dans lesquelles travaillent une catégorie d’auxiliaires de la justice souvent oubliée à savoir les officiers de police judicaire dont la plupart nécessitent également des séances de renforcement des capacités afin qu’ils fassent professionnellement leur travail ».

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De plus, la hausse des frais judiciaires, décidée par le ministre de la Justice, complique l’accès à la justice pour les plus démunis.

Les indigents, déjà dans une situation de précarité, se voient désormais exclus du système judiciaire en raison des coûts prohibitifs des services juridiques. Cette situation accentue encore les inégalités sociales et économiques dans un pays où la majorité de la population vit dans une pauvreté extrême.

La Société civile du Sud-Kivu s’inquiète également de l’ampleur de la corruption au sein du système judiciaire, un fléau qui semble s’être enraciné dans tous les niveaux de la société congolaise.

Les scandales financiers, les détournements de fonds publics et l’impunité des responsables politiques et économiques sont des sujets de préoccupations majeures.

« Ces assises arrivent également dans un contexte où les scandales de corruption se multiplient au point où l’on se demande si détourner des millions en RDC est devenue une nouvelle discipline sportive car l’impunité bat son plein. Nos prisons sont souvent remplies de vulnérables alors que les Kulunas en cravate se la coulent douce dans les maisons huppées et climatisées à Kinshasa, mènent une vraie vie orgiaque et ne se fatiguent pas d’investir à l’étranger alors que la République a besoin du développement à l’interne », déclare le Bureau de Coordination de la Société civile.

Dans un contexte où la pauvreté est omniprésente, notamment autour des sites miniers, et où les communautés affectées par l’exploitation des ressources naturelles sont privées de leurs droits, la situation devient de plus en plus intenable.

Les prisons congolaises, surpeuplées et dans un état de délabrement avancé, sont également des symboles de l’échec du système judiciaire.

En dépit des fonds alloués à la réhabilitation des victimes de guerre par le biais du FONAREV (Fonds National de Réparations), ces dernières restent dans l’attente, tandis que les fonds destinés à leur réparation sont dilapidés sans bénéfice pour les vrais concernés.

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Au-delà des réformes structurelles, la Société civile du Sud-Kivu appelle à une justice sociale véritable, qui permette à tous les Congolais d’accéder équitablement aux services de justice.

Elle souligne que la justice ne doit pas se limiter aux grandes affaires, mais doit également prendre en compte les injustices sociales quotidiennes, telles que les inégalités salariales dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé, la police et l’armée.

De nombreux enseignants, médecins, et autres travailleurs des secteurs publics sont en grève ou travaillent dans des conditions déplorables, faute d’une rémunération décente.

Les panelistes des États Généraux, qui se dérouleront également au Kongo Central après Kinshasa, sont appelés à prendre en compte ces questions cruciales, en vue de formuler des solutions durables qui permettront d’éradiquer les injustices structurelles du pays.

Pour la Société Civile du Sud-Kivu, il est plus que jamais urgent de réformer en profondeur le système judiciaire congolais pour restaurer la confiance des citoyens et garantir un accès équitable à la justice pour tous.

Une lueur d’espoir ou une nouvelle promesse en l’air ?

Si la Société civile se réjouit de la tenue des États Généraux de la Justice, elle reste toutefois prudente quant à la portée réelle des réformes envisagées.

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Le défi reste immense : il s’agit non seulement de moderniser la justice, mais aussi de mettre fin à l’impunité qui gangrène le pays, de réformer des lois archaïques et d’assurer des conditions de travail dignes pour tous les acteurs du système judiciaire.

Dans ce contexte, la Société civile du Sud-Kivu, représentée par Me Néné Bintu Iragi, espère que ces assises ne seront pas une simple formalité, mais qu’elles constitueront un véritable tournant dans l’histoire de la justice congolaise.

 Suzanne Baleke

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